L’irruption des fractales et l’œuvre transdisciplinaire de Benoît MANDELBROT (44)
BENOÎT MANDELBROTt est né géomètre, en 1924, dans une famille polonaise où les sciences exactes étaient à l’honneur. Son père, commerçant, aurait rêvé d’être ingénieur ; son oncle était mathématicien. Dans le trouble et les dangers croissants, dans cette période qui précède la Deuxième Guerre mondiale, la famille de Benoît Mandelbrot rejoint en France l’oncle Szolem qui s’y était établi à 20 ans, en 1919. Szolem Mandelbrojt avait quitté la Pologne parce qu’il répugnait à se soumettre à l’esprit et à l’autorité de Sierpinski, maître absolu des mathématiques en Pologne. Il eut la chance d’être très rapidement reconnu par la communauté des mathématiciens français, au point qu’à 38 ans, en 1937, il est élu au Collège de France. Il fait partie, à ses débuts, du groupe Bourbaki, dont il écrivit l’un des premiers ouvrages, consacré à la topologie. Mais il se désolidarisa assez rapidement de ce groupe. Selon Jean-Pierre Kahane, qui fut son élève, c’était à tous égards un mathématicien pur, mais assez éloigné des thèses bourbakistes.
Installée en France un peu avant le déchaînement de la guerre, la famille de Benoît doit se protéger des persécutions, puis de la déportation. Elle s’installe à Tulle, où Benoît fait ses études secondaires. En janvier 1944, il faut préparer les concours des grandes écoles. Il débarque en classe de mathématiques spéciales au lycée du Parc à Lyon. C’est encore l’occupation. Il n’a que quelques mois pour préparer les concours. Il se met très rapidement à niveau grâce à une intuition exceptionnelle et sa capacité à ramener presque tous les problèmes à une approche géométrique. Ce qui conduit son professeur médusé à lui promettre soit le meilleur, soit le pire. Il s’en tire par le meilleur.
L’oncle Szolem souhaite le voir à l’École normale supérieure, son père serait heureux qu’il entre à l’École polytechnique. À la grande satisfaction de son oncle, il entre à l’École normale supérieure. Il tâte l’atmosphère, y sent la pesanteur de la Mathématique très abstraite. Si bien que, le lendemain, il quitte Normale pour Polytechnique. Et c’est ainsi que commence la carrière scientifique de Benoît Mandelbrot.
© LE DÉBAT-ÉDITIONS GALLIMARD
Parmi ses maîtres, Paul Lévy et Gaston Julia suivent des voies personnelles. Paul Lévy est un probabiliste qui survole avec brio l’Analyse et qui a l’art du raccourci, aidé par l’intuition. Sa phrase » on voit facilement que… « , qui exige en général plusieurs pages de calculs pour être établie, lui valait, dans ma promotion, le surnom un peu irrévérencieux de » Lévydence « . Quant à Julia, grand mutilé de la Première Guerre mondiale, il était borgne mais de son œil unique avait une vision géométrique suraiguë, et créait sans cesse de nouveaux théorèmes qu’il dédiait avec chaleur aux promotions qu’il enseignait. Lévy comme Julia sont des précurseurs des fractales. C’est Mandelbrot qui a créé le corps de la théorie, mais pour ses deux maîtres comme pour d’autres grands anciens tels Poincaré, Hausdorff, Richardson, Bachelier, ce sont les travaux de Mandelbrot qui donnent à leurs recherches une portée nouvelle, et Mandelbrot n’a jamais failli à les associer aux résultats qui ont fait son renom universel.
Dès la fin de ses études, Benoît Mandelbrot fut très vite absorbé par des recherches d’orientations très variées : en linguistique, en économie, en finance où il a été un pionnier, mais aussi en mathématiques et dans des phénomènes physiques tels que la transmission des signaux, l’hydrologie et la turbulence. Parallèlement, le maître Paul Lévy favorisait le démarrage d’une carrière universitaire en l’incitant à prendre une chaire de mathématiques à Polytechnique, qu’il a poursuivie toute sa vie : à 80 ans, le professeur Mandelbrot donne toujours son cours de mathématiques dans la prestigieuse Université de Yale (Connecticut, USA). Et c’est certainement sa plus grande gratification que de constater l’engouement des jeunes pour cette mathématique si vivante, si ouverte, si belle.
L’origine des fractales, la pensée de Mandelbrot
Les précurseurs
Pour aborder l’invention et le développement des géométrisations fractales, je dois préalablement signaler en quelques mots le travail des précurseurs. Ceux-ci ne disposaient pas de la puissance des ordinateurs, que Mandelbrot a su mettre en œuvre, à tel point qu’on le compte parmi les pionniers de l’infographie. Mais ces précurseurs n’avaient peut-être pas tous, non plus, la vision magistrale de Benoît Mandelbrot.
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Le grand Poincaré, pour parler comme Mandelbrot, avait établi des conjectures sur les questions que développent aujourd’hui toutes les réflexions sur la complication inextricable de la nature, et qui s’énoncent principalement : fractales, chaos, criticalité. Poincaré avait ouvert la voie à une vision de la dynamique des systèmes commandée par l’itération, pas à pas, » au jour le jour « . Cette conception peut offrir des développements très inattendus, divergeant complètement des idées stables parce que strictement linéaires qui fondent la mécanique classique de Galilée, Newton et Laplace.
Beaucoup de savants, dès la fin du xixe siècle, ont obtenu des résultats que l’on considère aujourd’hui comme des éléments précurseurs dans les géométrisations fractales. Les deux notions fondamentales de dimension non entière et d’autosimilarité sont nées au début du xxe siècle. Hausdorff, Minkowski ; Bouligand et Besicovitch ont attaché leurs noms aux premières, tandis que la notion de symétrie d’auto-similarité est d’abord apparue comme un jeu géométrique d’itérations, une construction ad hoc, et aussi comme une propriété inhérente à certaines constructions mathématiques, mais elle n’a été instaurée que soixante ans plus tard par Benoît Mandelbrot, comme l’une des symétries qui fondent le regard humain sur la nature.
Voyons maintenant pourquoi la puissance des ordinateurs était indispensable pour fonder et développer la pensée mathématique de Mandelbrot, et quels sont les aspects majeurs de cette pensée.
Les mathématiques comme expérience
Si les géométries fractales se sont imposées dans le troisième tiers du xxe siècle, c’est bien grâce aux observations scrupuleuses et questionnantes, et aux synthèses issues de leur maturation dont Benoît Mandelbrot est le principal acteur, mais c’est aussi parce que les ordinateurs sont devenus assez puissants pour apporter à l’observateur des moyens jusqu’alors inconcevables. Toutefois ces moyens auraient été peu efficients si l’esprit de Benoît Mandelbrot n’avait pas été poussé par une conception de l’outil mathématique qu’il utilisait comme » outil d’expérimentation « . Mandelbrot fait renaître une tradition perdue, celle d’une création expérimentale des mathématiques qui s’appuie à la fois sur l’observation et sur l’intuition. Il suit cette voie en pionnier, en avançant sans relâche, laissant sur son passage des théories bien établies, mais aussi des » conjectures » que de grands mathématiciens (et souvent des disciples, qui sont de plus en plus nombreux) ont eu à cœur de valider, l’une après l’autre.
Le non-linéaire et le discontinu dans la description de la nature
Un deuxième aspect fondamental des choix mathématiques de Mandelbrot a pour base sa conviction que les modèles utilisant des fonctions continues et dérivables, et les modèles linéaires, sont peu adaptés à décrire les phénomènes naturels dès qu’on prétend les aborder dans leur complexité. Jean Perrin, en 1913, avait lancé cet avertissement dans la préface de son ouvrage Les Atomes, mais il n’avait pas été entendu. Mandelbrot découvre ce texte en 1974, au moment où, dans ce même esprit, il développe les premiers éléments des géométries fractales, et qu’il lance des investigations dans toutes sortes de domaines de la science, le plus souvent des domaines dont l’irrégularité et la complexité avaient rebuté les physiciens, sans parler des biologistes ou des chercheurs dans les sciences humaines. Poincaré avait conjecturé l’intérêt des itérations de fonctions pour décrire des systèmes dynamiques, l’itération représentant la séquence temporelle des états du système. Les découvertes de Mandelbrot, en donnant une impulsion formidable à l’étude des systèmes dynamiques par itération de fonctions, en particulier de fonctions quadratiques, ont en même temps apporté des images fascinantes qui ont largement contribué à la réputation de ces travaux.
La science comme approximation de la description de la nature
Les travaux de Mandelbrot appellent une troisième réflexion.
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Les modèles mathématiques sont des outils. Leur cohérence intellectuelle est parfaite. En revanche, la nature est rebelle à se laisser enfermer dans un modèle, si subtil soit-il. Un exemple parlant est celui de l’invariance d’échelle, dite aussi auto-similarité, qui nous dit que, à certaines échelles de représentation, la partie est structurée comme le tout. Les modèles mathématiques d’autosimilarité s’étendent à l’infini. Ce n’est pas le cas dans l’autosimilarité des objets matériels ni des phénomènes naturels. Les géométrisations fractales permettent de les décrire avec économie et avec succès, parfois sur plusieurs échelles d’homothétie ou d’affinité successives, mais évidemment pas à l’infini. Elles donnent donc des modèles approchés, mais ces modèles s’appliquent avec succès dans un vaste champ de connaissances. Et c’est peut-être dans cette visée que ces travaux trouvent leurs succès les plus spectaculaires.
Car depuis trente ans, les divers développements dans les domaines complexes, tels que les phénomènes critiques et les états dits chaotiques ont été analysés selon des modèles non-linéaires qui ont toujours révélé des propriétés fractales, validant ainsi, encore, des conjectures de Mandelbrot.
C’est ce mode infatigable d’irruption dans toutes sortes de disciplines et de problèmes qui caractérise cet esprit aventureux et explique ses réussites fulgurantes. Si je peux oser une image, Benoît Mandelbrot avance sans relâche, dans une percée linéaire. Ceux qui le suivent et assurent la conquête du terrain avancent sans doute en ordre fractal.
Le point sur les développements des géométrisations fractales
Si l’on parcourt la chronologie des recherches de Mandelbrot en notant au passage ses principaux ouvrages, on en voit d’emblée la diversité et on ouvre ainsi la voie à » l’universalité du troisième type « , selon l’expression de Bernard Sapoval.
Premières recherches sur des phénomènes et des structures stochastiques
Pour commencer, Benoît Mandelbrot conduit des recherches statistiques dans des domaines très variés : la structure du langage, les taxonomies, la distribution des revenus, les variations spéculatives des prix. Ses recherches dans le domaine de l’économie s’appuient sur des travaux de Pareto et de Paul Lévy. Mandelbrot les poursuit tout au long de sa vie en les enrichissant des nouveaux acquis des géométries fractales. Dans deux ouvrages parus en 1997 aux États-Unis et en France, Fractals and Scaling in Finance : Discontinuity, Concentration, Risk (Springer, New York), Fractales, hasard et finance (Flammarion, Paris), Benoît Mandelbrot fait le point sur ces travaux.
Son dernier ouvrage, paru tout récemment, The (Mis) Behaviour of Markets (Basic Books, New York et Profile Books, London), et dont la traduction française, par Marcel Filoche (82) est en cours chez Odile Jacob, lui a valu, le 5 octobre 2004, à Francfort, le » Wirtschaftsbuchpreis « , prix annuel du livre d’économie attribué par le Financial Times (Hambourg).
Irruption des fractales en physique dans la dynamique des systèmes
En physique, les premiers travaux de Mandelbrot concernent les erreurs de transmission de signaux. Il s’agissait de questions techniques jusque-là restées obscures, et que la firme I.B.M. cherchait à élucider. La découverte d’erreurs en rafales sera un pas de plus vers les fractales. À partir de 1964 paraissent des publications relatives à des phénomènes physiques présentant les caractéristiques propres aux fractales. Ces travaux sont repris et présentés en 1975 dans le premier ouvrage fondamental : Les objets fractals. Forme, hasard et dimension (Flammarion, Paris), qui rassemble et unifie les diverses recherches et les principaux résultats concernant les transmissions de signaux, la turbulence, la structure des savons, le relief terrestre, les cratères de la Lune, la distribution des galaxies. Cet ouvrage donne les développements mathématiques qui conduisent aux définitions des dimensions fractales, et il ouvre déjà la voie à la notion de multifractales.
De 1975 à 1984, Mandelbrot apporte des contributions majeures à la dynamique des fluides avec les turbulences fractales, leurs attracteurs et la dispersion. Parallèlement arrivent des études sur la structure des surfaces métalliques, celles des bornes catalytiques, des poudres, des agrégats.
Les premières trouvent de nombreux développements en hydrologie, en météorologie, en acoustique, et dans les processus biologiques de diffusion tels que la respiration et le métabolisme. Les deuxièmes alimentent des recherches sur la corrosion, la soudure, les états de surface, les contacts électriques, les technologies chimiques.
Les représentations fractales ont fécondé, à partir des études sur la diffusion, celles sur la percolation et sur l’agrégation. Les situations critiques sont au cœur de ces recherches qui débouchent sur tous les problèmes liés aux propagations, épidémies, invasions, déflagrations.
À partir de 1980, le domaine des fractales va s’enrichir fortement, avec le développement de notions déjà présentes (travaux de Cantor et Lévy) mais pratiquement inconnues, comme les mesures fractales binomiales et multinomiales, et aussi les développements aléatoires à partir de la loi binomiale.
Les multifractales pour entrer dans la profondeur de la complexité
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Sous le nom de multifractales, des recherches très approfondies ont ouvert la voie à une investigation en profondeur des objets mathématiques et des phénomènes physiques, et elles ont donné des mesures et des représentations cinématiques et dynamiques de systèmes auxquels les notions de base de dimension fractale et d’auto-similarité ne donnaient qu’une représentation globale.
Cette intrusion dans la dynamique des systèmes ouvre d’immenses perspectives, car elle tend à unifier les théories élaborées au cours des dernières décennies. Tous les efforts entrepris sous les dénominations de » théorie du chaos « , de » systèmes non-linéaires « , de » criticalité » vont être progressivement associés aux notions fractales. Des assises formant un bloc théorique unifié pourraient ainsi ouvrir la voie à la représentation de phénomènes si compliqués que les physiciens ne savaient par quel bout les prendre et finalement s’en détournaient. Les processus biologiques commencent ainsi à être explorés. Les congrès quadriannuels que le professeur Gabriele Losa organise depuis 1992 à Locarno sont de plus en plus nourris. Le fonctionnement neural et cognitif devient un thème majeur, tandis que l’anatomie s’enrichit de descriptions qui révèlent l’optimisation sélective, – je veux dire darwinienne -, des processus, selon des modes fractals. C’est donc – on peut le conjecturer – dans ces domaines que les perspectives de modélisations fractales trouveront leurs prochains grands succès.
Je termine cette revue des innombrables découvertes liées aux fractales en signalant l’avant-dernier ouvrage majeur de Benoît Mandelbrot : Fractals and Chaos (Springer, New York, mars 2004), qui est une somme, sans doute provisoire, mais déjà monumentale, d’une des principales conquêtes mathématiques de son auteur. Ce qui est très intéressant dans cet ouvrage, c’est la manière dont Benoît Mandelbrot exprime sa reconnaissance à tous ceux qui l’ont précédé, à tous ceux qui l’ont accompagné et suivi, mais aussi à tous ceux qui l’ont contré.
Car sans l’hostilité de certains éléments du groupe Bourbaki, Mandelbrot n’aurait peut-être pas avancé aussi radicalement dans ce qu’il appelle » la jungle de l’analyse mathématique » et les arguments de ses opposants lui ont servi de point d’appui pour ses propres arguments.
La beauté fractale de la nature
Benoît Mandelbrot est né géomètre et toute sa vie, il a vécu la géométrie comme une mathématique mais aussi comme une esthétique, et c’est par la géométrie qu’il ressent la beauté de la nature. Il l’a magnifiquement écrit dans son ouvrage : The fractal Geometry of Nature (Freeman, New York, 1982), et aussi dans un important article paru dans Le Débat en 1983 : » Les fractales, les monstres et la beauté « . C’est aussi par la géométrie, et souvent par des aspects fractals d’autosimilarité ou d’autoaffinité que l’art visuel nous touche. C’est un constat qui concerne presque tous les grands dessinateurs et peintres, chez qui les structures de détail correspondent aux formes d’ensemble comme si, avec une autre amplitude et une autre vitesse, la main, ou le corps de l’artiste, faisait les mêmes gestes. Mandelbrot a célébré la peinture de Hokusai. Les artistes de l’époque du grand peintre et dessinateur japonais offrent souvent des raffinements analogues, mais ils sont surtout présents dans leurs esquisses et leurs pochades, car les conventions picturales du passé gommaient l’impulsion picturale. Les Carnets de Dessin (Henri Screpel, Paris) semblent avoir été édités dans l’intention de montrer ce caractère des expressions spontanées.
Aujourd’hui, des artistes, conscients de ces mécanismes esthétiques, construisent des œuvres fractales.
Apologie de Benoît Mandelbrot
Mandelbrot a ouvert une nouvelle vision du monde. La complication inextricable, celle de la vie, mais aussi celle de tout phénomène matériel mettant en jeu un très grand nombre d’unités, est modélisée et cette modélisation s’applique à l’ensemble, et elle descend à l’intérieur de l’ensemble, elle renonce à construire l’ensemble à partir du détail, des unités qui le composent. En outre, beaucoup de ces modèles sont fondés sur des itérations. Cette procédure est fondamentalement discontinue. Elle correspond à une vision » dans l’instant « , et procède pas à pas. Et pourtant le résultat global révèle des régularités saisissantes. C’est la puissance des ordinateurs qui nous permet de visualiser ces résultats. Mais les ordinateurs ne fonctionnent pas au hasard, et ce n’est pas par hasard ni comme divertissement que sont apparus les développements mathématiques qui accompagnent les recherches et les découvertes dans tous ces nouveaux domaines de la connaissance.
La vision de Mandelbrot est celle d’un visionnaire, mais c’est d’abord, comme il l’a admirablement dit, celle d’un homme qui regarde, qui scrute inlassablement.
Murray Gell Mann, qui fait l’éloge de son œuvre, rappelle que » Mandelbrot a un penchant pour faire passer les conséquences avant les causes » (M. Gell Mann, Le quark et le jaguar). Cette phrase a une portée philosophique : les conséquences sont des faits, tandis que les causes relèvent du travail de notre esprit qui remonte dans la durée de notre mémoire.
Nous sommes conviés à une lecture attentive du monde, dans l’instant, en procédant pas à pas, au jour le jour, selon l’expression de Poincaré.
Cette vision est celle d’un univers ouvert. Elle a enchanté Michel Serres, qui nous y invite en ces termes : » Laissons-nous conduire par Benoît Mandelbrot. Le monde terraqué nous revient, grâce à lui, par immenses morceaux, le vent, l’océan, le rivage. Ce sera bientôt la fête du monde ou le retour de l’oublié. » (Michel Serres, Le passage du Nord-Ouest). C’est la fête de l’esprit humain.
Benoît Mandelbrot a construit les fractales en prospectant de nouveaux champs de recherche dans les mathématiques. Si son œuvre pénètre dans toutes sortes d’applications, elle reste d’abord l’œuvre d’un des mathématiciens les plus éminents de notre temps.
Le congrès que l’A.E.I.S. a organisé en l’honneur de Benoît Mandelbrot pour son 80e anniversaire a été clôturé par Jean-Pierre Kahane, membre de l’Académie des sciences. Le professeur Jean-Pierre Kahane a pris part à cette aventure et l’a soutenue. Il a présenté l’œuvre mathématique de Benoît Mandelbrot comme épilogue de ce congrès.
Je remercie Benoît Mandelbrot et Jean-Pierre Kahane pour la lecture qu’ils ont faite de ce texte et les compléments d’information qu’ils m’ont apportés.
NB : le dernier ouvrage de Benoît Mandelbrot, (Dis)fonctionnement des marchés financiers, écrit en anglais sous le titre The (Mis) Behaviour of Markets vient de paraître chez Odile Jacob en traduction française due à Marcel Filoche (82) sous le titre Approche fractale des marchés, risquer, perdre et gagner.
Pour avoir une vision globale de la création de Benoît Mandelbrot, la meilleure référence est son site :http://www.math.yale.edu/mandelbrot
Les quatre images de fractales illustraient le n° 24 de la revue Le Débat, Éditions Gallimard, 1984.