l’ISO 14001, un référentiel dévoyé ?
Après presque huit ans d’application du règlement européen EMAS et six ans et demi d’existence pour la norme ISO 14 001 peut-on prétendre à un premier bilan ?
Le règlement européen a été publié par le Parlement et le Conseil européen en juillet 1995 et révisé en mars 2001. Il est d’application volontaire comme la norme ISO 14 001 qui elle, par contre, n’a pas d’origine réglementaire. En effet, elle a été publiée en octobre 1996 par l’ISO (International Organisation for Standardization), organisme chargé d’élaborer les normes qui facilitent les échanges commerciaux par la mise en place de données de référence.
Ces démarches dites de reconnaissance peuvent être mises en œuvre par tout type d’entité : l’industrie, les services, les administrations, les établissements publics, les collectivités locales, etc.
Pour ces premiers référentiels de management dans le domaine de l’environnement, les phases de découvertes, de mise en place et de corrections éventuelles sont bien appréhendées, mais, si on y regarde de plus près, la distance parcourue paraît pourtant bien faible par rapport à celle qui mène à une maîtrise optimale de ces démarches complexes.
Il est indéniable que les entités industrielles de service – ou les collectivités locales – qui ignorent totalement la dimension environnementale de leur activité sont de moins en moins nombreuses. Le nombre d’entités ayant mis en place une démarche structurée de système de management environnemental et celles certifiées augmente fortement à travers le monde (22 897 fin 2000 et 40 825 en juin 2002 dans 112 pays) et en France (802 fin 2000, 1092 début 2002 et 1 666 fin 2002). Les secteurs les plus impliqués sont la chimie, les matériels électriques et électroniques, les éco-industries, l’automobile, l’agroalimentaire, la mécanique, la métallurgie et la plasturgie.
Nombre d’entités certifiées ISO 14001 et nombre d’entreprises enregistrées pour le règlement européen EMAS au 31 décembre 2002.
Pourtant, même si la planification est effectivement opérationnelle, et l’environnement présent dans un certain nombre de décisions stratégiques grâce à ces démarches, la véritable dimension environnementale qui concourt à préserver les ressources non renouvelables et à ne pas hypothéquer l’avenir n’est pas encore d’actualité.
Un pas psychologique décisif a certes été franchi, mais il faudrait maintenant capitaliser les savoir-faire et être innovant pour atteindre cette dimension qui pourrait paraître aujourd’hui encore bien utopique.
Rappel des grands principes
Un Système de management environnemental (en abrégé SME) propose un cadre, un référentiel destiné à aider une entité à connaître, puis à maîtriser les incidences environnementales de ses activités, produits ou services, et à assurer l’amélioration continue des performances obtenues.
L’étape numéro 1 consiste à réaliser un état des lieux, à travers une analyse environnementale mettant en relief les atteintes et nuisances à l’environnement. Sur la base des conclusions, en les mettant en perspective avec la situation réglementaire et les exigences des parties intéressées (personnel, voisinage, collectivités, clients, fournisseurs, financiers, assureurs, associations environnementales, publics, etc.), le système de management environnemental, au sens propre, va être bâti. Ce système organise tous les moyens humains, techniques, juridiques, financiers et de communication afin d’atteindre les objectifs de maîtrise des impacts environnementaux.
La grande difficulté vient du fait qu’un système de management environnemental est par essence unique puisque lié à un contexte humain, géographique, historique ou technique très spécifique.
Toute transposition trop rigide ne peut alors conduire qu’à des démarches sans réelle plus-value.
La norme ISO 14 001 ou le règlement SMEA ne décrivent que l’architecture d’un mécanisme complexe qu’est un management environnemental. Chaque entité doit concevoir un moteur et des rouages sur mesure et trouver le bon carburant qui fera fonctionner l’ensemble pour atteindre ses objectifs.
Certification 14 001 et vérification EMAS
On peut résumer cette recherche de reconnaissance par la locution « Faire savoir, un savoir-faire ».
Le principe de la certification ISO 14 001 ou de la vérification EMAS est simple. Il s’agit de demander à des spécialistes de l’environnement et des SME, accrédités par le Comité français d’accréditation en France (COFRAC) et agréés par le ministère de l’Écologie et du Développement durable, quel taux de confiance ils accordent à un SME mis en place.
Ces spécialistes travaillent en équipe afin de marier toutes les compétences nécessaires pour appréhender la complexité d’un tel système. Ils travaillent par sondage, entretiens, visites techniques, recoupement des informations dans une recherche permanente de la preuve du bon fonctionnement, de la pertinence et de l’efficacité. Ils jugent un système et non des personnes.
Si le taux de confiance est élevé, l’entité candidate est certifiée (14 001) ou enregistrée (EMAS) pour trois ans, nonobstant un audit annuel de surveillance.
Un audit initial de certification mené par un organisme de certification demande un jour de terrain (pour des très petites entreprises) à seize jours (pour de grandes entités). Le processus de certification depuis la planification des dates d’audit jusqu’à la remise du certificat dure environ deux mois.
Une notion importante est le périmètre de certification. L’entité candidate est théoriquement libre de déterminer le champ souhaité pour la certification de son système de management environnemental. Les limites de ce choix sont liées à la pertinence de ce champ par rapport aux impacts environnementaux réels, dont les principaux ne doivent pas être écartés. Quelle crédibilité si un site est certifié alors que la décharge historique attenante à ce site n’est pas dans le périmètre ? Quelle logique si une centrale d’énergie (combustion, froid, vapeur, air comprimé, etc.) est certifiée et non les ateliers de peinture ou de traitement de surface alimentés en fluides et en énergie à partir de cette centrale ?
Les plus-values d’un SME
De l’ISO 14 001 au règlement SMEA
La structure du système de management environnemental à mettre en place est la même puisque le règlement EMAS fait référence à la norme ISO 14 001. Plus précis et plus exhaustif, il impose des exigences complémentaires dont les principales sont :
- Les aspects environnementaux liés aux procédures d’achats doivent être identifiés.
- L’analyse des effets de l’activité exercée doit être faite sur la biodiversité.
- L’analyse des aspects environnementaux doit inclure les problèmes liés au transport (concernant à la fois les biens, les services et le personnel.
- L’analyse des aspects environnementaux doit inclure les questions relatives aux produits (conception, conditionnement, transport, utilisation et recyclage/élimination des déchets).
- L’analyse des aspects environnementaux doit inclure les aléas liés aux investissements, l’octroi de prêts et prendre en compte également les services d’assurance.
- L’analyse des aspects environnementaux doit inclure les résultats obtenus et les pratiques observées en matière d’environnement par les entrepreneurs, les sous-traitants et les fournisseurs.
- Une déclaration doit être établie afin de fournir au public et aux autres parties intéressées des informations relatives aux impacts et résultats environnementaux de l’organisation et à l’amélioration continue de la protection environnementale. Cette déclaration ou des extraits de cette déclaration (une fois validés par un vérificateur ou un organisme de vérification agréé) sont mis à disposition du public, et notamment les collectivités locales et les clients.
- Il devra être fait appel à des formes appropriées de participation du personnel telles que le système de boîte à idées, le travail de groupe, fondé sur des projets, ou des comités pour l’environnement.
Il faut distinguer les plus-values d’un SME de celles d’une certification, opération qui ne fait que valider une démarche existante.
Pour un SME, on peut citer :
- connaître précisément et maîtriser les risques d’atteintes et de nuisances à l’environnement,
- déterminer en détail l’état de conformité avec la réglementation, gérer les évolutions et planifier la mise en conformité,
- optimiser les consommations en énergie, en eau, en matières premières, etc.,
- optimiser les budgets liés aux déchets,
- mobiliser et motiver tout le personnel,
- contribuer à une meilleure intégration locale de certaines activités,
- entraîner les prestataires externes, les sous-traitants et les fournisseurs dans une réflexion, puis dans des actions concrètes de maîtrise de leurs propres impacts,
- contribuer à donner une image positive.
Les plus-values d’une certification
La certification et la vérification permettent l’affichage d’une politique validée par un organisme expert indépendant. Elles permettent également de plus en plus souvent de répondre à certains cahiers des charges de clients.
Elles imposent enfin une contrainte positive pour maintenir et améliorer le système de management en place, au risque d’un retrait de certification très préjudiciable en termes d’image de marque en interne et en externe. EMAS permet de bâtir et rationaliser sa communication environnementale externe à travers une information structurée et validée (déclaration environnementale).
L’amélioration de la performance ?
D’une manière plus opérationnelle, une entité qui a adopté un système de management environnemental est-elle plus performante dans le domaine de l’environnement ?
Rappelons tout d’abord une évidence : on ne connaît que ce que l’on mesure, et l’on agit efficacement que lorsque l’on pilote. Or, ces deux préceptes (mesurer et piloter) sont à la base d’un SME. Aussi, les comparaisons entre des activités qui disposent d’un SME certifié et d’autres qui ne sont pas dans ce cas sont difficiles.
D’autre part, certains choix technologiques qui marient productivité, efficacité, économie, environnement, sécurité, mise en conformité réglementaire vont conduire à faire des sauts en termes de performance sans forcément être inclus dans une démarche structurée.
Enfin, on manque également de données de références (benchmarking) par secteur d’activité (les travaux réalisés dans le cadre de l’application de la directive IPPC (Integrated Pollution Prevention and Control) comblent en partie cette lacune).
Ce que l’on constate par contre quasi systématiquement est l’amélioration d’année en année des performances environnementales des entités ayant adopté un SME. Ceci est net pour les entités fortes consommatrices de ressources diverses (énergie, eau, matières premières, etc.) où des réductions notables sont observées dès les premières années. On constate également une optimisation des budgets de gestion des déchets. En effet, une réelle gestion des déchets (tri et recherche des filières adaptées) n’entraîne pas systématiquement une réduction des charges.
Un SME permet également d’associer au sein d’une même équipe des personnes qui n’ont pas l’habitude d’œuvrer ensemble et donc de décloisonner certaines organisations et donc d’améliorer leur efficacité.
Les futurs axes de progrès
Politique
La politique doit refléter le réel engagement des personnes dirigeantes. Il s’agit du témoignage et de la preuve que des objectifs ont été fixés, et que des moyens vont être mis en œuvre pour les atteindre. Le contexte spécifique lié à l’activité, à la localisation géographique, à l’historique de l’activité doit être rappelé pour donner les enjeux. Des objectifs sur mesure doivent être explicités et on ne peut se limiter à la simple reprise des exigences de la norme (conformité à la réglementation, prévention des pollutions, etc.). Une politique est un phare vers lequel doivent se tourner les regards.
On constate que la communication ascendante est réduite, voire quasi inexistante, dans les structures où l’appropriation de la démarche n’a pas pu bien se faire de par l’absence de visibilité des objectifs globaux qui étaient mal explicités dans la politique.
Éco-produits
L’intégration de la problématique « Produit » dans la réflexion environnementale est loin d’être systématique. Aujourd’hui, la majeure partie des entités industrielles certifiées le sont pour la maîtrise de leur process. Or, le produit, voilà bien un axe d’amélioration continue important et nécessaire. En effet, durant le cycle de vie d’un produit, les principaux impacts ne sont pas forcément liés au process de production, mais à d’autres étapes comme l’utilisation du produit, sa maintenance ou sa fin de vie (à titre d’exemple, il y a un rapport d’environ 1 à 100 entre l’énergie nécessaire à la fabrication d’un appareil électroménager et l’énergie qu’il consommera au cours de sa vie). Il est vrai que les outils d’éco-conception doivent encore, au-delà de l’aspect méthodologique, s’enrichir de bases de données indispensables aux arbitrages.
Logistique
Les transports, qu’il s’agisse des matières premières, des produits, du SAV, du personnel, etc., [supply chain] sont générateurs d’une pollution diffuse et consommateurs de ressources non renouvelables. L’action est délicate car, soit on s’adresse à des prestataires dont on n’est pas forcément le donneur d’ordre, soit au personnel dont les horaires de plus en plus éclatés ne facilitent pas les opérations collectives (covoiturage, transport en commun, etc.). Mais, la réflexion doit également porter sur la logique des flux (qui dépendent des lieux de production et de consommation, du niveau des stocks, etc.), le conditionnement des encours, des produits, le SAV, etc.
Indicateurs
La mise en place d’indicateurs de suivi et de performance permet un réel pilotage du SME. Aujourd’hui, un certain nombre de paramètres basiques sont suivis sans permettre une agrégation des données, une prise en compte des biais (production, saisonnalité, opération ponctuelle, etc.), ou une analyse précise des incertitudes de mesure. Un indicateur n’étant que l’interprétation d’une mesure physique dans un but de communication, il sera toujours par essence imparfait. Peu importe, en fait, qu’il le soit, son but est de déclencher un questionnement lorsqu’il évolue. Si l’indicateur m3/unité produite bouge, quelle peut en être l’origine ? Il ne faut hésiter à tester un grand nombre d’indicateurs bâtis à partir des données déjà collectées, quitte à modifier la périodicité de collecte pour affiner le suivi.
Communication interne
Une bonne communication repose sur quatre pieds : un émetteur légitime, un message pertinent, un vecteur adapté, une cible réceptive. Ce n’est pas toujours le Responsable environnement le meilleur émetteur. Un même message pour des populations différentes ne donnera pas un résultat satisfaisant. Une véritable stratégie de communication doit donc être menée avec ses propres objectifs et moyens. La compréhension des objectifs globaux et propres à chaque acteur du système est fondamentale pour son appropriation, sa pérennisation et la découverte d’axes d’amélioration. L’efficacité de cette communication organisée doit être évaluée.
Communication externe
Les exigences de la norme ISO 14 001 sont assez pauvres (diffusion de la politique sur demande, traitement des demandes externes, communication des exigences pertinentes aux prestataires externes, sous-traitants ou fournisseurs, communication avec les autorités en cas de situation d’urgence). Or, la communication volontaire externe est un des piliers de tout système de management adulte. L’adage « Quand certains se taisent, d’autres imaginent » est à méditer.
Par exemple, l’organisation de réunions périodiques avec le voisinage comme on le voit sur certains sites industriels ou sur certaines zones en aménagement, en dehors de toute contrainte réglementaire, est preuve d’un management clairvoyant. L’élaboration d’un document objectif de présentation de la démarche environnementale, voire validée par un expert indépendant dans le cadre du règlement EMAS, permet d’afficher une réelle transparence et de renforcer sa crédibilité.
Comptabilité
Au-delà d’une volonté politique ou stratégique, une démarche environnementale structurée ne peut se pérenniser que si l’on a une connaissance fine du coût et des gains obtenus, en particulier financiers. Plus qu’un éclairage sur le coût réel de la non-gestion environnementale, un SME doit, avec des outils spécifiques, dégager les charges de fonctionnement ou les investissements consentis. Des barèmes d’affectation des coûts peuvent être élaborés afin de ventiler une charge entre la productivité, la sécurité, l’environnement, les matières premières, etc.
Protection financière
Absente des exigences de la norme 14 001, mais demandée par le règlement EMAS, une politique de protection financière (auto-assurance, assurance captive, garanties financières, etc.) est indispensable, le risque zéro n’existant pas. Réglementairement demandée pour les carrières ou les centres d’enfouissement, elle devrait être présente dans tout SME digne de ce nom. Ai-je quantifié financièrement les pertes consécutives à un tel incident environnemental ? Puis-je les assumer sur les fonds propres ? Ai-je une assurance dommage ou de responsabilité civile adaptée (pollution graduelle, accidentelle, montant des garanties) ? Le groupe auquel j’appartiens a‑t-il ses propres couvertures ?
Perspective
Les démarches de prévention et de protection de l’environnement, déclinées en système de management environnemental, apparaissent aujourd’hui comme l’outil le plus complet pour prendre en compte les contraintes liées à l’environnement et leur donner la possibilité d’aller bien au-delà du simple respect de la réglementation. Certes, il reste que des progrès importants doivent être menés afin de les rendre réellement performants (efficacité, efficience), les crédibiliser en comblant le « gap expectancy » existant entre les SME actuels et ce que sont en droit d’attendre toutes les parties intéressées.
ÉCOPASS est un organisme de certification ISO 14 001 et de vérification dans le cadre du Règlement européen SMEA. ÉCOPASS est le seul organisme spécialiste en environnement, le troisième opérateur en France en parts de marché et le premier opérateur européen auprès des gestionnaires de territoire.