L’oasis d’hydrogène vert pour une agriculture marocaine durable
L’hydrogène vert offre un potentiel significatif pour décarboner l’agriculture marocaine et soutenir la transition vers une agriculture plus durable. Le choix des technologies renouvelables et la gestion des complémentarités spatiotemporelles sont essentiels pour maximiser les avantages de l’hydrogène vert dans ce contexte.
L’agriculture au Maroc se trouve confrontée à de multiples problèmes, à la fois environnementaux et économiques. Parmi les défis majeurs figurent les émissions de carbone élevées découlant de l’utilisation intensive des combustibles fossiles, une irrigation peu efficace, une surconsommation d’eau et d’énergie, ainsi qu’une forte dépendance à des sources d’énergie non locales. Pour favoriser une agriculture plus durable, l’hydrogène, notamment sous la forme d’hydrogène vert, se profile comme une solution prometteuse pour décarboner le secteur agricole marocain.
L’hydrogène au service de l’agriculture durable
L’hydrogène, lorsqu’il est employé dans des piles à combustible, peut fournir une électricité propre alimentant les équipements agricoles tels que les tracteurs électriques, les pompes à eau, les systèmes d’irrigation et les outils électriques. Cette transition réduit la dépendance aux moteurs à combustion interne, minimisant ainsi les émissions de gaz nocifs pour l’environnement. L’hydrogène joue également un rôle crucial en tant que vecteur d’énergie pour le stockage de l’excédent d’énergie renouvelable produite sur les exploitations agricoles. Cette capacité à lisser la production électrique intermittente garantit un approvisionnement stable en électricité, notamment dans les régions éloignées, grâce à la possibilité de stockage prolongé sans dégradation substantielle.
L’intégration de l’hydrogène vert dans les systèmes agrivoltaïques ajoute une couche d’efficacité et de durabilité. L’agrivoltaïque combine la production agricole avec la génération d’électricité solaire sur une même parcelle, offrant une protection contre les caprices météorologiques et augmentant les rendements grâce à l’ombrage des panneaux solaires, particulièrement précieux dans les régions arides. Cette approche permet aux agriculteurs de générer des revenus à partir de leurs cultures, tout en évitant les conflits liés à l’utilisation des terres et en favorisant la biodiversité grâce à la croissance végétale sous les panneaux solaires.
De plus, l’hydrogène peut être utilisé comme carburant pour les tracteurs, réduisant ainsi la pollution atmosphérique. Il trouve également application dans la production d’ammoniac, permettant la fabrication d’engrais plus respectueux de l’environnement. L’hydrogène se révèle également une source d’énergie pour le chauffage et la climatisation des serres agricoles, favorisant ainsi une agriculture plus écoénergétique. Enfin, il est à noter que le Maroc, grâce à ses ressources énergétiques, a la possibilité d’exporter de l’hydrogène propre vers d’autres pays, contribuant ainsi à la réduction des émissions mondiales de carbone tout en générant des revenus supplémentaires.
Le Maroc à l’ère de l’hydrogène vert
Le Maroc investit fortement dans les énergies renouvelables, y compris l’éolien onshore, le photovoltaïque (PV) sans et avec stockage par batterie (PV-BES) et le CSP (Concentrated Solar Power) sans et avec stockage thermique (CSP-TES). L’objectif est d’augmenter la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique, passant de 34 % en 2018 à 52 % d’ici 2030. En parallèle, le Maroc explore l’hydrogène comme solution énergétique et s’engage dans la transition énergétique, en réduisant les coûts, en formant des ressources humaines et en sécurisant les financements grâce à des partenariats internationaux. Toutefois, il subsiste des interrogations quant à la meilleure technologie renouvelable à privilégier pour maximiser la production d’hydrogène vert au Maroc, tout en atténuant la variabilité de la production. Cette décision doit prendre en compte différents scénarios de pénétration des énergies renouvelables.
Le scénario de forte pénétration
Pour atteindre une pénétration élevée d’énergie renouvelable au Maroc malgré un budget limité, l’accent peut être mis sur l’énergie éolienne onshore. Cette source présente un facteur de charge élevé ainsi que des coûts initiaux et d’exploitation relativement bas. En privilégiant le développement de parcs éoliens dans les vastes zones côtières le long de l’océan Atlantique, de la mer Méditerranée et dans les régions montagneuses comme les montagnes de l’Atlas, le Maroc peut maximiser sa production d’électricité tout en optimisant l’utilisation de ses ressources budgétaires. Dans ce scénario, la variabilité de la production éolienne peut être gérée efficacement grâce à des mesures telles que la gestion de la demande et l’interconnexion avec les pays voisins, assurant ainsi une production d’énergie stable dans le cadre de sa transition vers les énergies renouvelables.
Les scénarios de moyennes pénétrations
En scénario de moyennes pénétrations d’énergies renouvelables, la variabilité de la production reste un défi. Les technologies qui atténuent cette variabilité sont privilégiées et les interdépendances entre technologies et régions sont cruciales dans la planification énergétique. Les technologies à fort facteur de charge sont essentielles pour une production stable, mais l’équilibre est aussi essentiel pour éviter des coûts excessifs. Lorsque le PV, le CSP / CSP-TES et l’énergie éolienne onshore sont combinés, il peut être avantageux d’installer à la fois le PV et l’éolien. Le PV et l’éolien ont des profils de production complémentaires, lissant ainsi la production d’électricité sur une plage horaire plus large. La présence du CSP-TES permet de stocker l’excédent d’énergie solaire, garantissant un approvisionnement stable en l’absence de soleil. Cependant, l’intégration du CSP peut présenter des défis budgétaires en raison de ses coûts plus élevés.
L’intégration de batteries avec le système PV, combinée au CSP-TES et à l’incorporation de l’énergie éolienne onshore, avec une égalité de dimensionnement entre le PV-BES et le CSP-TES, crée une configuration spécifique. Dans ce cas, il peut être judicieux d’installer à la fois l’éolien et le PV-BES. Cette approche maintient les coûts d’investissement bas tout en assurant une production d’électricité stable.
Dans le cas où le CSP-TES interagit avec le PV-BES de dimensionnement différent, les technologies à privilégier dépendent de divers facteurs liés à la capacité de stockage et aux coûts associés aux technologies.
Pour des besoins de stockage relativement faibles (entre 5−13,5 heures par jour en moyenne), l’énergie éolienne peut être avantageuse en raison de son coût d’investissement initial inférieur au CSP. Le CSP-TES avec un stockage de taille modeste peut également être compétitif dans ces conditions en offrant un compromis entre capacité de stockage et coût. Cependant, l’ajout de batteries au PV peut rendre cette option moins économique que le CSP-TES en raison des coûts associés aux batteries, pouvant compenser la différence de coûts entre le PV et le CSP.
Lorsque des besoins de stockage plus importants sont requis (>13,5 heures par jour en moyenne), notamment pour répondre à des pénétrations élevées d’énergie renouvelable, le PV-BES peut devenir plus attractif. Il offre une grande flexibilité de stockage grâce aux batteries, permettant de stocker l’excédent d’énergie solaire pendant la journée et de le libérer pendant les périodes de faible production, y compris la nuit, assurant un approvisionnement stable. Le CSP-TES pourrait nécessiter un stockage de grande capacité, ce qui peut être plus coûteux et moins compétitif dans de telles conditions.
Les scénarios de faibles pénétrations
Dans des scénarios de faibles pénétrations, l’objectif principal est d’intégrer une quantité limitée d’énergie renouvelable dans le mix énergétique de manière économique. Les investissements nécessaires pour installer et exploiter ces capacités renouvelables restent abordables, car la part des énergies renouvelables dans la production totale d’électricité est modeste. Les coûts sont moins susceptibles de dépasser les limites budgétaires, réduisant ainsi la contrainte budgétaire. Les technologies privilégiées sont celles qui combinent un facteur de charge élevé avec une faible variabilité, notamment des corrélations intrajournalières et saisonnières élevées avec la demande d’électricité. Cela garantit une réponse à la demande électrique sans perturbations majeures.
Entre l’éolien et le PV
Privilégier une proportion plus importante de l’éolien par rapport au PV est recommandé en raison de sa capacité à produire de l’électricité de manière constante, indépendamment des variations jour-nuit et des conditions nuageuses, contrairement à l’irradiance solaire, qui varie fortement en fonction des saisons en raison de l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre. En intégrant à la fois l’énergie éolienne et l’énergie solaire, ces sources complémentaires peuvent se compenser mutuellement, garantissant ainsi une production électrique plus stable.
Entre le PV et le CSP
Il est également recommandé d’accorder une plus grande part de PV par rapport au CSP, même si les contraintes budgétaires ne sont pas prédominantes à ces niveaux de pénétration. Cette décision s’explique par la sensibilité accrue du CSP aux conditions nuageuses, ce qui provoque une variabilité plus importante par rapport au PV, qui est moins influencé par ces conditions. En effet, le PV exploite toutes les composantes de l’irradiation, y compris la composante diffuse, alors que le CSP n’exploite que la composante directe.
De plus, l’installation du CSP nécessite davantage de capacité, ce qui peut épuiser le budget plus rapidement. Cependant, une petite proportion de CSP peut être incluse dans le mix grâce à l’utilisation du suivi Nord-Sud (N‑S tracking), ce qui le rend adapté pour répondre aux pics de demande en été en raison de l’efficacité de la conversion thermodynamique, particulièrement pour la climatisation.
Entre le CSP-TES, le PV et l’éolien
En augmentant la capacité de stockage thermique (TES) dans les installations CSP, la production électrique devient plus stable. Un grand champ solaire distribue l’énergie collectée sur une plage horaire plus étendue, progressivement remplaçant le PV et surpassant l’énergie éolienne, notamment avec un stockage de 11 heures ou plus.
Grâce à la capacité du CSP-TES à produire de l’électricité pendant la journée et à stocker l’excédent d’énergie pour une utilisation ultérieure, il est possible d’augmenter rapidement la part d’énergie solaire dans le mix énergétique du Maroc tout en réduisant les risques d’investissement. Cela est crucial compte tenu des défis actuels du Maroc pour atteindre ses objectifs solaires à court terme.
Entre le PV-BES, l’éolien et le CSP
L’ajout de batteries à faibles niveaux de pénétration modifie le mix énergétique en fonction du surplus de production. Avec une augmentation du surplus, le PV prédomine sur l’énergie éolienne, pouvant conduire à l’élimination du CSP sans stockage. Cette situation diffère de celle où une petite fraction de CSP était utilisée lorsque ni le PV ni le CSP n’avaient de stockage. Les batteries aident le PV à équilibrer la production et la consommation, en particulier le soir et en été.
Entre le PV-BES et le CSP-TES
Lorsque le CSP-TES et le PV-BES ont un dimensionnement équivalent, le CSP-TES est préféré en raison de sa plus grande capacité de stockage, réduisant la variabilité et augmentant le facteur de charge.
Lorsque le CSP-TES et le PV-BES sont intégrés avec des dimensionnements différents, le choix entre ces deux technologies dépend de la durée de stockage nécessaire pour lisser la production d’énergie renouvelable et répondre à la demande électrique.
Si la durée de stockage nécessaire est inférieure à 13,5 heures par jour, il est préférable d’opter pour des systèmes PV-BES. Cette configuration permet de répondre à la demande électrique tout en stockant l’excédent d’énergie pour une utilisation ultérieure, surtout pendant les périodes de faible production solaire.
En revanche, si la durée de stockage requise dépasse 13,5 heures par jour, signifiant que l’énergie renouvelable doit être stockée sur une période plus longue pour répondre adéquatement à la demande, en particulier pendant les périodes sans production, il est préférable d’opter pour des systèmes CSP-TES. Cette configuration permet de stocker la chaleur captée pendant les périodes de haute production solaire pour une utilisation ultérieure, contribuant ainsi à lisser la production d’électricité et à répondre à la demande électrique sur une période prolongée.
L’impact des complémentarités spatiotemporelles
Pour réduire la variabilité de la production d’énergie renouvelable, l’agrégation sur une zone géographique plus vaste est essentielle. Cela lisse les fluctuations, car les conditions favorables au vent ou au soleil sont plus susceptibles de se produire quelque part dans cette zone. La diversification géographique réduit le risque face aux variations climatiques au Maroc. La variabilité de la ressource éolienne et solaire est principalement due aux cycles journaliers et saisonniers, les rendant fortement corrélées spatialement. Cependant, des facteurs microscopiques comme la turbulence, la rugosité et les nuages peuvent également contribuer à la variabilité, bien que ces phénomènes s’atténuent sur de courtes distances. Pour réduire le risque, il est possible d’exploiter la complémentarité temporelle entre différentes technologies au même endroit (diversification technologique) ou d’exploiter à la fois les complémentarités spatiales et temporelles.
La diversification technologique et géographique peut être plus efficace en cas de corrélations négatives entre les technologies ou régions, mais elle peut également être bénéfique en cas de corrélations positives (ex. : entre le PV et le CSP) bien que dans une moindre mesure. Cependant, lorsque le champ solaire produit plus d’énergie thermique ou continue que la capacité du bloc de puissance ou de l’onduleur (ce qui signifie un surplus d’énergie disponible), la corrélation entre les facteurs de charge du CSP-TES ou du PV-BES et d’autres technologies diminue. Ces technologies peuvent contribuer à lisser la production d’énergie et à réduire les périodes de non-disponibilité, limitant ainsi la diversification du mix. Cette complémentarité spatio-temporelle devient moins efficace lorsque le stockage est intégré avec une grande capacité, car le CSP-TES ou le PV-BES dominent le mix énergétique.