L’Occitanie, la région pionnière de l’hydrogène vert en France
Portée par de fortes ambitions en matière de souveraineté industrielle et énergétique, la Région Occitanie s’est très tôt engagée dans le développement de l’hydrogène vert. Aujourd’hui, la région fait figure de pionnière en France et en Europe, alors que cette énergie a vocation à se développer de plus en plus vite. Explications de Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée.
Dès 2019, la Région Occitanie s’est dotée d’une feuille de route ambitieuse pour développer l’hydrogène vert. Pourquoi votre choix s’est-il porté sur cette énergie ?
En effet, la Région Occitanie fait figure de pionnière en France car nous avons très tôt misé sur l’hydrogène vert en adoptant il y a maintenant 4 ans un plan Hydrogène vert doté de 150 M€, le premier à l’échelle d’une Région. La raison est pragmatique : l’hydrogène vert fait partie des vecteurs énergétiques qui vont s’imposer dans un proche avenir en raison entre autres de son impact écologique quasi neutre. Son potentiel parle de lui-même : cette source d’énergie pourrait répondre d’ici 2050 à 20 % de la demande d’énergie nationale, ce qui permettrait de réduire les émissions annuelles de Co² de 55 millions de tonnes. L’Occitanie fera partie de l’aventure, renforcera dans le même temps sa souveraineté industrielle et énergétique, pour devenir la première région à énergie positive d’Europe.
Quelles sont les grandes lignes de ce plan ?
Dans l’esprit déjà, il s’agit d’opérer une véritable révolution industrielle au service de la transition écologique. Pour cela, la Région s’engage sur l’ensemble de la filière, de la production au stockage en passant par la distribution et l’accompagnement des nouveaux usages. Ensuite, si son rentre dans le cœur du sujet, nous avons fixé des objectifs concrets, en prévoyant par exemple la création d’ici l’an prochain d’un site de production massive d’hydrogène renouvelable et de vingt stations hydrogène, l’acquisition de trois rames de train électrique-hydrogène et l’aide à l’acquisition de 600 véhicules hydrogène lourds, utilitaires et légers. À plus longue échéance, nous tablons d’ici 2030 sur la mise en service d’un autre site de production massive d’hydrogène renouvelable et 55 stations de distribution, accompagnée du déploiement de 3 000 véhicules à hydrogène.
Quelles sont les principales actions et initiatives qui ont été déployées en ce sens à ce jour ?
La Région intervient directement et indirectement à tous les niveaux de la chaîne : recherche et développement, production, transport, usages… Mais parmi les dernières initiatives pour lesquelles nous avons vraiment été à la manœuvre, j’en citerais deux qui mettent à mes yeux bien en perspective le champ des possibles concernant l’hydrogène décarboné. Nous avons ainsi posé la première pierre en juin dernier d’Hyd’Occ, une unité de production d’hydrogène vert, à Port-la Nouvelle, dans l’Aude, portée par le producteur indépendant d’énergie renouvelable Qair et l’Agence Régionale Energie Climat (AREC) d’Occitanie. Destiné principalement aux usages maritimes, portuaires et de mobilité dans un rayon de 200 kilomètres autour du site, l’hydrogène vert qui y sera produit à grande échelle sera livré par container via le hub logistique multimodal de Port-La Nouvelle. Hyd’occ, tout comme le projet de production d’hydrogène décarboné Genvia à Béziers, dont la ligne de production pilote d’électrolyseurs haute température vient d’être inaugurée, prouvent que des solutions réelles et immédiates existent pour verdir l’industrie, l’un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, représentant pas moins de 20 % des émissions de notre pays. Mais l’hydrogène vert ne concerne pas que les entreprises ; à moyen terme, il impactera aussi notre quotidien individuel. Depuis plus d’un an maintenant par exemple, la toute première unité de production d’hydrogène vert au monde est testée à l’aéroport Toulouse-Blagnac par la société HyPort, dont la Région Occitanie est actionnaire via l’AREC. Avec HyPort, particuliers et professionnels pourront se fournir en hydrogène vert pour alimenter notamment bus et véhicules légers.
La mobilisation de l’ensemble des parties prenantes est un des principaux enjeux de cette démarche. Comment cela se traduit-il ?
Ici en Occitanie, nous essayons toujours d’avancer en pack. Nous avons adopté un process qui fonctionne plutôt bien : il s’agit de fédérer, mettre en synergie et catalyser les compétences et les moyens techniques et financiers autour d’objectifs partagés. Et du lancement d’une étude de positionnement et d’opportunité jusqu’au financement des projets et leur montée en charge, la Région est toujours présente. Là encore, c’est la voie que j’ai choisie en sollicitant dès 2018 notre agence de développement économique régionale, AD’OCC sur l’animation de la filière hydrogène vert. AD’OCC pilote aujourd’hui HyDeO, l’outil d’animation de la filière hydrogène régionale. L’Occitanie a été la première région française à se doter d’un tel outil et d’une stratégie globale dédiée à la filière hydrogène. L’enjeu est double : il s’agit bien entendu d’accélérer le développement économique de la filière en mobilisant tous ses acteurs, mais également de travailler sur la prospective pour éclairer la stratégie de la filière et les politiques régionales.
Quelles sont les prochaines étapes ?
L’une d’elle est la production effective et à plus grande échelle d’hydrogène. Parmi les prochains démarrages, je pense à notre Agence Régionale Energie Climat qui a signé au printemps un accord avec l’entreprise nantaise Lhyfe pour un projet de construction d’un site de production d’hydrogène vert et renouvelable à Bessières en Haute-Garonne, qui produira dans quelques mois jusqu’à 2 tonnes par jour. Cette usine permettra de décarboner le transport de marchandises et de passagers en Occitanie dans le cadre du projet Corridor H2 porté par l’Union européenne et soutenu par la Banque Européenne d’Investissement pour décarboner les mobilités. C’est ensuite une montée en puissance de la production qui interviendra avec l’usine Hyd’Occ que j’ai déjà évoquée, dont sortiront 8 tonnes d’hydrogène par jour dès 2024, soit près de 21 % des objectifs de production d’hydrogène que nous nous sommes fixés à la Région.
D’autres sites de production sont à venir ?
Oui, mais en prenant en compte une autre étape, celle de l’évolution technologique indispensable pour améliorer les rendements et faire en sorte que l’on soit en capacité de produire suffisamment pour répondre à un usage industriel. On parle ici de projets de gigafactories d’équipements pour l’hydrogène, qui par ricochet vont réduire la dépendance de certains de nos secteurs industriels vis-à-vis des importations d’hydrocarbures. Et parmi les dix premiers projets français identifiés et financés par l’État et l’Europe, figure celui de Genvia à Béziers dont j’ai parlé, qui constitue une véritable rupture technologique dans la production de l’hydrogène décarboné. Je le dis sans détour : c’est une fierté pour la Région, aujourd’hui actionnaire à part entière avec d’autres investisseurs privés, d’être aux côtés de Genvia sur ce projet depuis le début. En soutenant les industriels, en les aidant aussi à innover, et je pense ici notamment à l’ouverture d’ici fin 2025 sur le site toulousain de Francazal, du Technocampus Hydrogène Occitanie, plus grand centre européen de recherche, d’essai et d’innovation technologique dédié à l’hydrogène vert, la Région impulse une dynamique forte qui, j’en suis convaincue, donnera à l’ensemble des acteurs de la filière les moyens de faire de l’Occitanie la figure de proue de la filière hydrogène au plan national, tout en boostant l’emploi en région. Les groupes tels que Safra, Qair, Cameron, EDF ou encore Engie envisagent la création de plus de 4 000 emplois liés à l’hydrogène d’ici l’an prochain, dont plus de 2 000 localisés en Occitanie. Cela donne une idée du potentiel une fois la filière mature !
Concernant les usages liés à l’hydrogène vert, où en est la Région ?
Si nous voulons que l’Occitanie soit leader sur le sujet, il nous revient de montrer l’exemple à notre niveau. C’est pourquoi dès que nous le pouvons, nous essayons de tester et d’adopter l’hydrogène sur les projets que nous déployons en région. Notre nouvelle drague HydrOmer, première drague fonctionnant à l’hydrogène, unique au monde, sera opérationnelle à la fin de l’année. La Région a investi plus de 26 M€ pour que grâce à elle, l’entretien des ports régionaux et le maintien du trait de côte s’inscrivent désormais dans une démarche de décarbonation des activités maritimes. Sur les mobilités aussi nous expérimentons : nous mettrons en service trois rames de train bimode électrique-hydrogène développées par Alstom d’ici deux ans sur la ligne Montréjeau-Luchon, et nous testons dans le Tarn, avec l’entreprise Safra, 15 autocars à propulsion hydrogène, là encore une première en France.
Des pistes de réflexion à partager avec nos lecteurs ?
Oui, je voudrais surtout que chacun retienne que notre engagement sur l’hydrogène vert n’est pas un effet de mode, au contraire. Au-delà de l’émergence d’une nouvelle filière, nous faisons le pari d’essayer de l’introduire, que ce soit de façon anecdotique ou au contraire totale, dans toutes les activités humaines qui impliquent une source d’énergie. L’Occitanie est par exemple le berceau de l’aviation ? Très bien, alors développons des avions verts fonctionnant à l’hydrogène comme le fait par exemple Beyond Aerospace, que nous aidons sur son projet de jet régional à hydrogène de 10 sièges. Formons aussi nos jeunes avec Genhyo, Génération hydrogène Occitanie, le projet de site de formation dédié à l’hydrogène que nous avons initié pour favoriser l’émergence de talents et accélérer l’adaptation des formations aux besoins de la filière de l’hydrogène décarboné… En bref, ayons l’ambition de pousser la démarche le plus loin possible, nous devons bien ça à notre planète.