Louis ROSSEL (1862), 1844–1871
Depuis 222 ans les X sont dans la guerre. C’est l’occasion de vous réunir, de nous réunir, autour des trois piliers de la camaraderie : l’attachement aux anciens, l’attachement à l’École et enfin l’attachement à la France.
Nous aurons l’occasion, au cours de cette journée, d’évoquer grâce aux pages de la présente brochure, à l’exposition du groupe X‑Résistance dans le grand hall, à l’amphi de 15 heures, de nombreuses figures de nos camarades qui, de l’expédition d’Égypte à la lutte anti-terrorisme, se sont battus pour notre pays.
Parmi ces camarades, il en est un dont je souhaite décrire rapidement le parcours. Il s’agit de Louis-Nathaniel Rossel. Je ne détaillerai pas sa biographie, plusieurs ouvrages le font très bien. Je recommande particulièrement le Rossel, 1844- 1871, d’Édith Thomas.
Par ailleurs, une grosse partie de ses écrits – correspondance et minutes de ses procès comprises – ont été publiés à plusieurs reprises. Je me contenterai de quelques éclairages.
Le refus de la défaite
Il est capitaine du génie en 1870, lorsque l’armée de Bazaine se fait enfermer dans Metz.
Il s’était fait connaître auparavant en affrontant par médias interposés un vieux général auquel il a démontré qu’il se trompait. C’est une sombre histoire d’écrit apocryphe de Napoléon.
Déjà Rossel démontrait qu’il avait une certaine capacité à se faire des « amis » parmi des supérieurs. À peine arrivé à Metz, Rossel va voir Bazaine et l’exhorte à se battre. La contraposée étant que, ce dernier préférant se rendre, il abandonne Metz, traverse les lignes ennemies et rejoint Gambetta.
Ce dernier, courageux mais fin politique, se méfie visiblement de ce jeune capitaine qui prétend diriger l’armée, le repasse à Freycinet qui, pour s’en débarrasser, lui donne un poste de colonel dans l’armée auxiliaire. Rossel se résigne.
Ministre de la guerre de la commune
Il se résigne, jusqu’à la Commune. Ni une ni deux, il retraverse les lignes, et va se mettre au service de la Commune. Chef d’état-major de Cluseret, il le remplace 25 jours après, et finit donc sa carrière comme ministre de la Guerre de la Commune.
J’écris « finit la carrière » puisque, à peine un mois après avoir été nommé, il explique à ladite Commune qu’elle va dans le mur (des fédérés !) – ce qui n’était pas faux d’ailleurs, surtout si le lecteur me pardonne le jeu de mots douteux – et démissionne. Recherché par ladite Commune, il reste néanmoins dans Paris, et se cache pendant la semaine sanglante, mais finit par se faire prendre par les Versaillais qui le jugent deux fois, le condamnent à mort deux fois également et le fusillent le 28 novembre 1871 !
En attendant la mort, tel Évariste Galois la nuit précédant son duel mortel, il écrivait des traités de stratégie militaire… Rossel est donc parmi les rares X à avoir été fusillés. La rencontre entre une personnalité exceptionnelle, mélange d’intelligence fulgurante, d’esprit frondeur, de capacité de travail, de rigidité intellectuelle, de conviction et d’amour et des circonstances non moins exceptionnelles a été détonnante.
Un caractère trempé
Quelques anecdotes pour montrer qu’il était un vrai polytechnicien : il a failli se faire renvoyer du Prytanée pour avoir participé à une grève. Et il avait pris 8 JAR (jours d’arrêt de rigueur) pour avoir fait le bêta alors qu’il était consigné. Rien que de très normal…
Son affection pour l’École semble réelle, car il a gardé le képi d’élève que lui a offert sa sœur dont la reproduction figure ci-contre.
Je termine par quelques citations qui décrivent bien le personnage :
« Je remercie bien Père de me gronder. J’ai eu le tort jusqu’à présent de ne jamais prendre mes chefs au sérieux, ni leurs punitions non plus. J’espère que cela me viendra » (1863). Cela ne lui viendra pas…
« Dans un seul cas, l’armée peut quelquefois faire mieux la police que la police elle-même. C’est dans le cas d’une guerre civile » (1868).
« Tout va bien. Je n’ai pas le temps d’écrire. Nos généraux sont des andouilles. Je vous embrasse et je vous aime » (4 août 1870).
« Sacrifier son devoir de soldat à son devoir de citoyen » (dans Metz assiégée). « Ce qui vous a manqué, c’est l’intelligence militaire […]. La décision et l’audace dont vous étiez rempli ont honteusement fait défaut à vos généraux : ce sont là pourtant les vraies qualités des hommes de guerre.
Je n’ai jamais compris, pour moi, ce que vous faisiez dans votre cabinet. Napoléon […] faisait la guerre, et vous, vous la laissez faire » (à Gambetta).
« Si j’avais eu 3 000 francs lorsque je suis sorti de l’École polytechnique, j’aurais acheté ma vie ailleurs que dans le métier de soldat que je déteste aujourd’hui plus que jamais » (14 mars 1871).
« Instruit par une dépêche […] qu’il y a deux partis en lutte dans le pays, je me range sans hésitation du côté de celui qui n’a pas signé la paix et qui ne compte pas dans ses rangs de généraux coupables de capitulations […]. J’ai l’honneur d’être, mon général, votre très obéissant et dévoué serviteur » (19 mars 1871).