Ludwig van Beethoven et Johannes Brahms : Concertos pour violon

Ludwig van Beethoven et Johannes Brahms : Concertos pour violon

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°785 Mai 2023
Par Marc DARMON (83)

Le mélo­mane et le dis­co­phile connaissent l’enregistrement en disque com­pact du Concer­to de Bee­tho­ven par Itz­hak Perl­man et Daniel Baren­boim à Ber­lin, pour beau­coup la ver­sion de réfé­rence de cette œuvre. Le disque avait fait sen­sa­tion, par le jeu solaire de Perl­man, la direc­tion très sym­pho­nique et tra­di­tion­nelle au bon sens du terme, et une prise de son inha­bi­tuel­le­ment pré­sente pour cet édi­teur à l’époque. On sait moins que cet enre­gis­tre­ment légen­daire était paral­lèle à une série de concerts qui ont été fil­més, film dis­po­nible en DVD pour le bon­heur de tous. C’est le cas éga­le­ment du Concer­to de Brahms enre­gis­tré et fil­mé par la même équipe dans les mêmes condi­tions. Ces concerts de 1992 dans la très belle salle du Kon­zer­thaus de Ber­lin, l’une des plus belles acous­tiques du monde (avec Vienne, Amster­dam et Bos­ton), tiennent leur pro­messe. La salle avait rou­vert en 1984, après près de qua­rante ans de reconstruction.

Perl­man, né en 1945, est sans contes­ta­tion un des tout pre­miers vio­lo­nistes de ces soixante-dix der­nières années. Du côté plus popu­laire, il a été osca­ri­sé pour son inter­pré­ta­tion de La Liste de Schind­ler (musique de John Williams) et a joué son propre rôle pour Woo­dy Allen. Perl­man et Baren­boim jouent ensemble depuis les années soixante. On n’en sau­rait trop conseiller comme témoi­gnage de cette période le concert fil­mé et son making of de La Truite de Schu­bert, par la bande de jeunes copains qu’étaient alors Baren­boim, Perl­man, Jac­que­line du Pré, alors Mme Baren­boim, Pin­chas Zuker­man et Zubin Meh­ta à la contre­basse (un DVD War­ner). Leur com­pli­ci­té est évi­dente dans ce film avec les répé­ti­tions et le concert.

Le Concer­to pour vio­lon de Bee­tho­ven (1806) fait par­tie des œuvres où le com­po­si­teur fait chan­ger la musique de siècle, au même titre par exemple que la Troi­sième Sym­pho­nie, Héroïque, à mon sens l’exemple le plus carac­té­ris­tique. En écou­tant ce concer­to, plus per­sonne ne pense à Mozart pour­tant dis­pa­ru seule­ment une quin­zaine d’années aupa­ra­vant. L’aube du roman­tisme est bien là, et le siècle qui débute en sera transformé.

Mais bien sûr le prix de ce DVD et de ces concerts est dans le jeu lumi­neux, brillant, pre­nant, évident de Perl­man, l’un des plus beaux qui soit. À la réécoute, je confirme que cette inter­pré­ta­tion fait réfé­rence pour Bee­tho­ven (même si Oïs­trakh et Menu­hin l’ont enre­gis­tré dix fois cha­cun), ren­dant par­fai­te­ment jus­tice à la fois au clas­si­cisme et au roman­tisme nais­sant de l’œuvre. Quant au Concer­to de Brahms, le contraste est sai­sis­sant avec l’interprétation de Gidon Kre­mer avec Bern­stein com­men­tée ici un de ces mois der­niers. Avec Kre­mer nous avions l’interprétation d’un soir d’exception, à l’expressionnisme exa­cer­bé, aux prises de risque constantes, pre­nant l’auditeur et ne le lâchant jamais. Avec Perl­man nous avons une inter­pré­ta­tion d’une beau­té pour l’éternité, une réfé­rence pour toujours.


Orchestre Phil­har­mo­nique de Ber­lin, direc­tion Daniel Barenboim

1 DVD EMI

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