Ludwig van Beethoven et Johannes Brahms : Concertos pour violon
Le mélomane et le discophile connaissent l’enregistrement en disque compact du Concerto de Beethoven par Itzhak Perlman et Daniel Barenboim à Berlin, pour beaucoup la version de référence de cette œuvre. Le disque avait fait sensation, par le jeu solaire de Perlman, la direction très symphonique et traditionnelle au bon sens du terme, et une prise de son inhabituellement présente pour cet éditeur à l’époque. On sait moins que cet enregistrement légendaire était parallèle à une série de concerts qui ont été filmés, film disponible en DVD pour le bonheur de tous. C’est le cas également du Concerto de Brahms enregistré et filmé par la même équipe dans les mêmes conditions. Ces concerts de 1992 dans la très belle salle du Konzerthaus de Berlin, l’une des plus belles acoustiques du monde (avec Vienne, Amsterdam et Boston), tiennent leur promesse. La salle avait rouvert en 1984, après près de quarante ans de reconstruction.
Perlman, né en 1945, est sans contestation un des tout premiers violonistes de ces soixante-dix dernières années. Du côté plus populaire, il a été oscarisé pour son interprétation de La Liste de Schindler (musique de John Williams) et a joué son propre rôle pour Woody Allen. Perlman et Barenboim jouent ensemble depuis les années soixante. On n’en saurait trop conseiller comme témoignage de cette période le concert filmé et son making of de La Truite de Schubert, par la bande de jeunes copains qu’étaient alors Barenboim, Perlman, Jacqueline du Pré, alors Mme Barenboim, Pinchas Zukerman et Zubin Mehta à la contrebasse (un DVD Warner). Leur complicité est évidente dans ce film avec les répétitions et le concert.
Le Concerto pour violon de Beethoven (1806) fait partie des œuvres où le compositeur fait changer la musique de siècle, au même titre par exemple que la Troisième Symphonie, Héroïque, à mon sens l’exemple le plus caractéristique. En écoutant ce concerto, plus personne ne pense à Mozart pourtant disparu seulement une quinzaine d’années auparavant. L’aube du romantisme est bien là, et le siècle qui débute en sera transformé.
Mais bien sûr le prix de ce DVD et de ces concerts est dans le jeu lumineux, brillant, prenant, évident de Perlman, l’un des plus beaux qui soit. À la réécoute, je confirme que cette interprétation fait référence pour Beethoven (même si Oïstrakh et Menuhin l’ont enregistré dix fois chacun), rendant parfaitement justice à la fois au classicisme et au romantisme naissant de l’œuvre. Quant au Concerto de Brahms, le contraste est saisissant avec l’interprétation de Gidon Kremer avec Bernstein commentée ici un de ces mois derniers. Avec Kremer nous avions l’interprétation d’un soir d’exception, à l’expressionnisme exacerbé, aux prises de risque constantes, prenant l’auditeur et ne le lâchant jamais. Avec Perlman nous avons une interprétation d’une beauté pour l’éternité, une référence pour toujours.
Orchestre Philharmonique de Berlin, direction Daniel Barenboim
1 DVD EMI