Ludwig van Beethoven : les 9 Symphonies
Les symphonies de Beethoven par le Philharmonique de Berlin sont un grand classique pour le discophile ! Le premier enregistrement d’une symphonie de l’histoire est déjà Beethoven (la Cinquième) et déjà par le Philharmonique de Berlin en 1913 (sous la direction de son chef de l’époque Arthur Nikisch). Depuis lors, le catalogue est rempli de versions « de référence » de ces symphonies par Berlin sous la direction de leur directeur musical, Furtwängler (années 1950), Karajan (trois fois, dans les années 1960, 1970 puis 1980 à la naissance du disque-compact), Abbado (années 1990) et récemment Simon Rattle (commentées ici en avril 2017).
Karajan, à part
Naturellement les enregistrements de Karajan occupent une position à part. Karajan dirige Beethoven en concert depuis son Héroïque d’Ulm en 1931, jeune chef assistant que les mélomanes et les critiques découvraient, il avait vingt-trois ans. Même s’il enregistre déjà Beethoven avant-guerre, son premier enregistrement intégral date de 1951 avec un orchestre londonien et a été considéré comme « révolutionnaire » à l’époque, comme une synthèse entre Furtwängler et Toscanini (l’intensité rythmique de Toscanini et la liberté de Furtwängler). Puis arriva l’enregistrement publié en 1963 avec pour la première fois le Philharmonique de Berlin et chez Deutsche Grammophon ; c’est celui préféré par les spécialistes du chef, même si l’intégrale de la fin des années 1970 est souvent considérée comme référence.
Il y a également une intégrale enregistrée au début des années 1980. D’ailleurs la durée maximale des premiers disques compacts, 73 minutes, a été choisie à cette époque pour qu’y tienne la Neuvième Symphonie de Beethoven par Karajan, en effet Philips, inventeur du disque-compact et maître du standard du CD, possédait à l’époque l’éditeur Deutsche Grammophon. J’ai eu la chance de longuement discuter entre autres de ces deux dernières intégrales avec notre ami Michel Glotz, qui a été l’agent et le producteur de Karajan pendant les vingt dernières années de sa carrière.
Le témoignage vidéo de l’alchimie Beethoven-Karajan nous a été transmis avec bonheur en vidéo également, grâce à ces films édités en DVD et Blu-ray et également disponibles sur les plateformes vidéo de l’Orchestre philharmonique de Berlin et de Deutsche Grammophon.
La Neuvième Symphonie est enregistrée en public, avec un quatuor vocal magistral composé de Gundula Janowitz, Christa Ludwig, Jess Thomas et Walter Berry, tous à leur apogée, à l’occasion du nouvel an 1968. Karajan n’a curieusement jamais accepté sa publication de son vivant.
L’œil du cinéaste expérimental
Les autres symphonies sont des réalisations spécialement pour la télévision, et pour six d’entre elles par le cinéaste expérimental Hugo Niebeling entre 1967 et 1972. Cela permet une image vidéo passionnante malgré l’âge de ces films (de nombreuses techniques cinématographiques, de montage, d’éclairage, mises au point dans ces films ont défini les tendances de la musique symphonique filmée pour les décennies suivantes). Par exemple pour les Troisième et Septième Symphonies, l’orchestre est assis dans trois triangles inversés fortement inclinés.
La forme est celle d’un théâtre de la Grèce antique, les rangées de sièges s’élevant abruptement sur la colline depuis l’orchestre circulaire en contrebas, avec les cordes à gauche et à droite, et les bois au centre sur les estrades. Bien sûr, quelques effets ont vieilli, comme ces gros plans sur les mains au début de la Pastorale ou les plans fixes sur les yeux fermés du chef, mais c’est globalement une réalisation formidable. Et quelle tension, quel niveau musical !
Karajan et ses Berlinois représentaient à cette époque le sommet de la musique symphonique. L’Orchestre philharmonique de Berlin est comme un cheval pur-sang, qui réagit instantanément au moindre contact des rênes. Naturellement les interprétations sont superlatives, avec à la fois feu et glace, précision extrême, cordes d’une puissance épous-touflante, cuivres tranchants et formidables, et le son chaleureux de Berlin. Citons pour l’éternité une 6e symphonie, la Pastorale, charmante, lyrique et sereine, qui évoque exactement ce que Beethoven souhaitait représenter, à savoir la beauté et la majesté de la nature. Et une marche funèbre de l’Eroica magnifique, sensiblement plus lente que sur les disques, avec des basses profondes qui soutiennent un tissu à la fois diaphane et en velours.
Orchestre Philharmonique de Berlin, Herbert von Karajan
https://www.deutschegrammophon.com/en/catalogue/products/beethoven-symphonien‑1–9‑karajan-dvd-v-3652