Ludwig Van BEETHOVEN : les seize quatuors
Les neuf symphonies, les trente-deux sonates pour piano et les seize quatuors sont les trois piliers de l’œuvre de Beethoven, riche de bien d’autres chefs‑d’œuvre (Missa Solemnis, Fidelio, concertos pour piano, pour violon).
Ces trois ensembles monumentaux parcourent toute la carrière de Beethoven, le compositeur qui a fait passer la musique de l’époque classique à l’époque romantique, composant à la fois pendant les carrières de Mozart et Haydn et celles de Schubert et Mendelssohn.
De ces trois piliers, les seize quatuors sont probablement l’ensemble le plus ardu, celui où les innovations de Beethoven et ses modernités demandent le plus de concentration, des musiciens et des auditeurs.
Et l’aridité du quatuor réduit à un seul instrument par voix ne pardonne rien sans une interprétation parfaite.
Contrairement aux quatuors de Mozart ou de Haydn, chez Beethoven les quatuors de jeunesse sont d’emblée mémorables. Les six premiers quatuors de l’opus 18 sont déjà remarquables.
Ayons bien en tête qu’au moment de leur composition Haydn est encore devant dix ans de carrière. Sur le même schéma que les quatuors de Haydn et Mozart, nous avons tout de même changé d’époque. Le changement de siècle a même lieu là sous nos yeux, dans le très court Trio du scherzo de l’opus 18 n° 3, le premier composé, une musique d’une audace jamais entendue auparavant.
Le dernier mouvement de l’opus 18 n° 6, La Malinconia, surprend avec son alternance rapsodique de moments rapides et lents. Puis la forme se libère, jusqu’aux derniers quatuors d’une structure complètement non orthodoxe, aux audaces harmoniques et rythmiques considérables, composés après la Neuvième Symphonie, à un moment où sa surdité est totale. Le finale original du Treizième Quatuor, dit Grande Fugue, est une prouesse musicale.
Et pour se convaincre de l’avance que Beethoven avait sur son temps, faites la curieuse expérience d’écouter le mouvement lent du Seizième Quatuor, le dernier composé, dans l’orchestration faite par Mahler, interprété par Leonard Bernstein : c’est saisissant, nous sommes en plein adagio de la Troisième ou de la Neuvième Symphonie de Mahler.
Nous avons adoré l’interprétation du Quatuor Belcea. Ce quatuor constitué autour de Corina Belcea s’est fait connaître il y a plus de dix ans, notamment par ses enregistrements pour le label Zig-Zag Territoires (un disque Janacek qui fait toujours référence). Il se caractérise par une très grande expressivité, une interprétation toute en relief, jamais plate ni fade. Cela lui permet de rendre l’invention des premiers quatuors opus 18, tout en étant très à l’aise avec la modernité des derniers opus.
Pour ces concerts filmés en public naturellement sur plusieurs soirées, les musiciens ont choisi une disposition originale, avec le violoncelle au centre et l’alto à droite faisant miroir aux deux violons. Une fois de plus l’image apporte beaucoup.
Nous sommes vraiment à un concert. L’image haute définition nous montre tout de la finesse des traits d’archet, des efforts de nuance, de l’élégance des tenues des musiciens.