Lula : pour une géographie Sud-Sud
« Si je propose une nouvelle géographie commerciale dans le monde, c’est parce que nous devons mettre à profit le potentiel d’autres pays ; sinon, nous serons tous dépendants des États-Unis et de l’Union européenne » déclare Lula en juin 2004 au journal madrilène El Pais, ajoutant : « Le monde est beaucoup plus large, nous devons chercher d’autres espaces. Je ne peux pas me contenter d’être pauvre, mais lutter pour m’en sortir. Nous devons donc être audacieux sur la scène internationale. » Déjà, au tout début de son premier mandat (2003−2006), le président Lula, en visite à Paris, fustige l’hégémonisme des USA et de l’ALENA : « Nous ne pouvons pas accepter le protectionnisme américain comme clause préalable pour pouvoir participer aux accords de libre-échange. » (La Tribune, 29 janvier 2003).
Et il précise les axes de développement d’une nouvelle diplomatie commerciale : « Le Brésil cherche à développer des relations bilatérales avec l’Afrique du Sud, l’Inde, la Chine, la Russie, le Mexique » (Le Monde, 19 février 2003).
Michel Meyer
Aussi voit-on depuis 2003 le président Luiz Inacio Lula da Silva œuvrer activement en faveur de l’instauration d’un « nouvel ordre économique mondial ». Avec lui, les visites à Brasilia de chefs d’État se multiplient comme jamais. Rien qu’en novembre 2004 par exemple, s’y succèdent Hu Jintao, président de la République populaire de Chine ; puis Tran Duc Luong, président du Viêtnam ; puis Roh Moo-hyun, président de la Corée du Sud ; ensuite Vladimir Poutine (qui en profite pour promettre d’appuyer le Brésil dans sa demande d’un siège permanent à l’ONU en échange d’un soutien à la Russie pour entrer à l’OMC) ; enfin le Premier ministre du Canada. Chacun était accompagné de centaines d’industriels. Simultanément, de 2003 à 2006, Lula tente de renforcer au-delà du Mercosur le leadership sud-américain du Brésil. Surprise… les USA le soutiennent sur ce point depuis sa réélection d’octobre 2006, comme l’illustre la visite de Bush en mars 2007, venu conforter un Brésil gouverné par une gauche « acceptable » et contrecarrer ainsi l’expansionnisme de l’idéologie bolivarienne radicale du Vénézuélien Hugo Chavez (qui a rallié à lui la Bolivie de Morales puis l’Équateur de Correa).
Pour élargir l’éventail brésilien des accords commerciaux passés avec des pays du Sud, Lula effectue plus de 20 voyages à l’étranger en 2003, première année de son premier mandat, essentiellement dans des pays du Sud.
À chaque déplacement, il joue un rôle d’ambassadeur commercial de son pays, menant une diplomatie commerciale particulièrement offensive en faveur d’accords nouveaux avec le Brésil et le Mercosur. Pendant quatre années, cette diplomatie très active et très orientée ne fléchira pas. Le premier Sommet « arabo-sud-américain » s’est tenu au Brésil les 10 et 11 mai 2005 et a « ébauché un axe économique et politique Sud-Sud ». Lula y a fait plusieurs déclarations stimulantes pour les échanges entre ces blocs, comme : « Pendant tout le XXe siècle, nous sommes restés distants. Nous devons nous rapprocher sur les plans politique, scientifique et économique ; nous devons démocratiser afin d’avoir non plus la géographie politique de 1945, mais celle de 2005. » Plus de 1 200 entrepreneurs étaient rassemblés à l’occasion de ce sommet, bien décidés à faire progresser par une meilleure connaissance réciproque les échanges commerciaux entre les deux régions : « Avec $US 8 milliards sur $US 12, le Brésil se taille la part du lion » (Le Monde, 13 mai 2005). Lors du débat général de la 61e session de l’Assemblée générale de l’ONU à New York en septembre 2006, Lula invoque le droit de chaque nation au développement économique et social à supprimer les barrières protectionnistes de manière à rendre le commerce international plus libre et plus juste : « Il faut briser les chaînes du protectionnisme » martèle t‑il. Selon lui, les subventions accordées par les pays les plus riches, en particulier à leurs agriculteurs « sont des menottes qui entravent le progrès et condamnent les pays pauvres à rester arriérés. »
Une nouvelle génération du commerce mondial se serait-elle mise peu à peu en place depuis peu, comme le suggèrent certains experts de la CNUCED ? Le monde des échanges s’est-il doté d’une véritable dimension multipolaire, comme tendent à le montrer, depuis le bras de fer de Cancun (« À Cancun, titre Le Monde du 29 septembre 2003, le Brésil est devenu un acteur global »), les difficiles négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ? Toujours est-il que les traditionnels blocs économiques doivent compter avec le Brésil et ses alliés du Sud, regroupés à son initiative au sein du G20 (voir : www.g‑20.mre.gov.br, site basé auprès du ministère brésilien des Relations extérieures !), et des liens nouveaux que ce pays a réussi à tisser en peu d’années avec l’Inde et la Chine, « les deux mastodontes [qui] à eux seuls ont représenté [en 2006] plus des deux tiers de la croissance de la zone (9,2 % et 10,7 %) […] L’Asie en développement possède plus de 2 000 milliards de dollars de réserves monétaires, dont plus de 1 000 milliards pour la seule Chine. » (Les Échos, 28 mars 2007).
Le Brésil et l’Inde
Singh (inde), Lula et M’Beki (RSA) à Brasilia (septembre 2006)
En 2002, les ministres des Affaires étrangères de l’Inde, de l’Afrique du Sud et du Brésil publient la Déclaration de Brasilia et annoncent la formation de « l’India, Brazil and South Africa Dialogue Forum » ou IBSA : « L’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, les trois principales démocraties des trois continents les plus pauvres, confirment et concrétisent leur alliance triangulaire (révélée à Cancun), avec des mesures destinées à faciliter les échanges commerciaux entre les trois pays. […] Les trois puissances vont établir des taux préférentiels afin d’élever le flux de leurs échanges commerciaux de 4 à 10 milliards de dollars d’ici 2007. […]
Autre manière de lutter contre la pauvreté : utiliser au mieux les compétences des uns et des autres pour construire une chaîne de production autosuffisante. Exemple : l’Inde possède le charbon qu’elle peut fournir à l’Afrique du Sud qui peut le transformer en pétrole. Le Brésil, lui, a les capacités pour en faire du diesel bio ou du gasoil. » (C. Vann et R. Devraj, InfoSud-IPS).
Au premier trimestre 2004, en marge du sommet de Mumbay, qui succède aux deux premiers sommets altermondialistes de Porto Alegre (Brésil, 2001 et 2002), Lula se rend en Inde pour la première fois et les médias indiens donnent à sa visite un éclat important et prolongé. Ainsi le grand magazine indien Frontline explique-il en détail le 12 mars 2004 : « Le but affiché de la visite de Lula en Inde est de construire une « nouvelle géographie mondiale du commerce ». Lula a expliqué que son objectif était de créer de nouvelles alternatives. […] Son idée est de lancer à mi-2004 un plan basé sur un « Système de préférences commerciales » entre les PED. Lula pense que l’expansion des liens commerciaux entre les PED aidera à démocratiser les relations internationales et réduira l’hégémonisme en politique internationale. » […] « Nos produits sont les victimes de subventions, spécialement en agriculture » a‑t-il dit.
À l’issue de sa visite, des contrats ont été signés pour construire 15 usines de biocarburants (éthanol) en Inde sur les deux prochaines années. Dans le domaine pharmaceutique, des accords de renforcement de la pénétration au Brésil des produits indiens ont été arrêtés et tous les trois mois, des inspecteurs de la « Brazilian Federal Drug » viendront en Inde certifier la qualité des produits.
Parachevant ces promesses et ces accords, un forum de la CNUCED (Pre-UNCTAD XI forum on regionalism and South-South cooperation) se tient ensuite à Rio en juin 2004 et traite en profondeur du cas des échanges entre le Mercosur et l’Inde. Il réunit des officiels des deux zones et des hommes d’affaires des secteurs privés respectifs. Un accord destiné à favoriser le développement des échanges commerciaux entre l’Inde et le Mercosur est signé dans la foulée (« India and Mercosur Preferential Trade Agreement »). Quant à la coopération entre l’Inde et le Brésil, elle est dès lors étendue aux domaines spatial, pharmaceutique, technologies de l’information et tourisme. Récemment, c’est Brasilia qui accueille du 11 au 14 septembre 2006 le dernier sommet de l’IBSA : de nombreux accords additionnels y sont signés par les ministres concernés de l’Inde, de l’Afrique du Sud et du Brésil.
Le Brésil et la Chine
En mai 2004, la Chine reçoit la visite de Lula, alors qu’à l’initiative du Brésil a déjà été créé le « Conseil Entrepreneurial Brésil-Chine » (CEBC). Sous le second mandat du président Cardoso, alors que la Chine allait entrer à l’OMC, des contacts commerciaux et une concertation avaient eu lieu entre ces deux grands pays, notamment lors de la visite à Pékin en avril 2002 du ministre du Développement industriel et du Commerce, Sergio Amaral (futur ambassadeur du Brésil à Paris de 2003 à 2005). De Pékin, Le Quotidien du Peuple le relate ainsi : « Shi Guangsheng, ministre chinois du Commerce extérieur et de la Coopération économique, et Sergio Silva Do Amaral, ministre brésilien du Développement industriel et du Commerce, sont convenus lundi 2 avril 2002 que le Brésil et la Chine œuvreront ensemble pour lutter contre l’escalade du protectionnisme commercial.
Lors de sa rencontre à Beijing avec le ministre brésilien, Shi Guangsheng a souligné que les deux pays devaient conjuguer leurs efforts pour combattre la tendance croissante du protectionnisme commercial qui affecte les deux pays […]. La libéralisation commerciale qui avait été avancée par les pays développés est sabotée actuellement par certains de ces pays mêmes, a indiqué le ministre chinois […]. Le Brésil et la Chine, tous deux pays en voie de développement, ont des intérêts similaires et partagent des vues communes. Ils ont une responsabilité commune pour assurer un système commercial mondial, équitable et ouvert, a souligné Shi Guangsheng. Nos deux pays doivent renforcer la coopération dans le domaine des problèmes multilatéraux tels que leur rôle dans l’OMC et le nouveau round des négociations de l’OMC pour sauvegarder le développement du libre commerce. » (Le Quotidien du Peuple, 2 avril 2002).
Lula vend le Brésil en Chine (Pékin, mai 2004)
C’est ce même journal chinois qui raconte la visite de Lula à Pékin deux ans après : « Le président brésilien effectue une visite d’État en Chine du 22 au 27 du mois courant sur l’invitation du président chinois Hu Jintao. C’est un autre grand événement dans l’histoire des relations sino-brésiliennes après la visite au Brésil du président Jiang Zemin en 2001. Le président brésilien va également se rendre à Shanghai pour participer à la Conférence mondiale d’aide aux pauvres. Pendant cette visite, les gouvernements et entreprises des deux pays vont signer une série de documents de coopération concernant les secteurs diplomatique, juridictionnel, sanitaire, économique et commercial […]. Nous prenons en grande considération le Brésil en tant que plus grand pays en voie de développement de l’Ouest de la planète pour son influence importante exercée sur les affaires internationales et régionales. Nous voulons développer davantage le partenariat stratégique avec le Brésil sur la base des cinq principes de la coexistence pacifique. La Chine soutient une réforme adéquate et nécessaire du Conseil de Sécurité » (Le Quotidien du Peuple, 21 mai 2004).
Lors de la visite retour à Brasilia du président chinois en novembre 2004, sous l’insistante pression des sirènes chinoises, Lula reconnaît officiellement « La Chine, pays d’économie de marché ». En contrepartie, le Brésil obtient satisfaction dans plusieurs domaines, depuis l’ouverture du marché chinois aux viandes brésiliennes bovine et de volaille jusqu’à l’engagement d’une commande d’une dizaine d’avions de la firme Embraer installée en Chine : « Les autorités chinoises nous ont dit que les pays qui auront reconnu depuis le début (le statut) auront des privilèges d’accès au marché chinois et seront traités en amis prioritaires » souligne le ministre du Commerce extérieur brésilien Furlan, qui ajoute : « La Chine est devenue l’an dernier le 3e client du Brésil, derrière les USA et l’Argentine, et espère maintenant attirer des investissements importants de la part de son partenaire stratégique, surtout dans le domaine de l’infrastructure. » (La Croix, 27 novembre 2004). En 2006, année record historique, les exportations brésiliennes vers la Chine progressent encore de 24 % par rapport à 2005, atteignant $US 9 milliards, soit 6,5 % du total (qui s’élève à 137) contre seulement 2,3 % en 1996. Quant aux importations en provenance de Chine, elles ont atteint en 2006 le montant de $US 8 milliards (sur un total de 91, soit 8,8 %), faisant jeu égal au 2e rang (derrière les USA) avec celles en provenance d’Argentine.
Au Brésil, la Chine veut aussi s’approvisionner notamment en soja et en acier. Un financement chinois est promis (plusieurs dizaines de milliards de $US) qui contribuera à la recherche de sources additionnelles de minerais et d’énergie et au développement d’infrastructures – routes, voies ferrées, ports, gazoducs, oléoducs – visant à faciliter l’approvisionnement de la Chine. Dans cette perspective, le président Hu Jintao signe fin 2004 au Brésil des contrats d’investissement dans l’extraction du fer, dans la fabrication d’aluminium et dans le transport ferroviaire. La coopération spatiale aussi est développée, le Brésil étant le pays d’Amérique latine le plus avancé dans la technologie de satellites et de lanceurs. Dans le secteur du tourisme, une double liste d’agences des deux pays (25 agences pour le Brésil pour 670 opérateurs de Chine populaire) est élaborée conjointement par les responsables concernés, le ministre brésilien du Tourisme, Walfrido dos Mares Guia, et l’ambassadeur de la République populaire de Chine à Brasilia, Jiang Yuande.
Ces agences seront chargées d’accompagner des groupes de Chinois en visite au Brésil. Jusqu’à fin 2003, seul Cuba en Amérique latine était une destination « autorisée » par les autorités de Pékin. La Chine envoie annuellement 22 millions de touristes à l’extérieur : c’est le 4e pays au monde par le nombre, avec une énorme marge de progression (taux actuel inférieur à 2 % de la population du pays). Le ministre brésilien espère un flux de touristes chinois de 120 000 en 2007 (soit 7 fois le chiffre enregistré pour 2004), ce qui apporterait aux finances brésiliennes environ $US 300 millions. (« Brasil a um passo do mercado chinês », Gazeta Mercantil, São Paulo, 9 juillet 2005). La formation et le transfert de technologie font bien sûr partie des accords signés. Par exemple, ce sont mille cadres techniques brésiliens qui se sont envolés début juillet 2005 pour former leurs homologues chinois aux techniques à valeur ajoutée du travail du cuir : « L’intense recrutement de Brésiliens fera que l’industrie chinoise des chaussures pourra prochainement offrir au monde des objets de qualité et de technologie de pointe » (« Know-how do Brasil para a China », Gazeta Mercantil, 10 juillet 2005). À des prix défiants toute concurrence. Mais le plus étonnant est que l’article nous apprend que certains spécialistes du travail du cuir de l’État du Rio Grande do Sul auraient commencé leur croisade formatrice dès 1990 en Chine, où ils disent avoir été traités comme des rois (salaires de $ 15 000 par mois par exemple). Après la chaude alerte aux US et en UE sur l’invasion « jaune » de textiles à la fin du premier semestre 2005, les maroquiniers classiques européens peuvent préparer leur reconversion !
Pourtant, le Brésil apprend à ses dépens que tout n’est pas rose dans les échanges avec la Chine et commence à se méfier de la trop grande puissance de ce partenaire asiatique boulimique. En effet, il est clair que la Chine n’hésitera pas, comme pour le soja brésilien en 2004, à imposer des embargos, temporaires, pour faire baisser les prix. L’embargo décrété par Pékin en juin sur 23 exportateurs de soja brésilien (des cargaisons contenaient des grains traités aux fongicides) visait, selon Brasilia, à faire baisser le prix du soja. Dans le futur, le Brésil craint d’autres mesures « arbitraires », les normes sanitaires chinoises restant floues.
Le ministre du Commerce extérieur, Luiz Furlan, accuse Pékin de fermer son marché aux produits à plus grande valeur ajoutée, limitant la majorité des exportations brésiliennes à des produits de base. « Lula voit dans la Chine un allié stratégique, alors que la réciproque n’est pas forcément vraie » note Mario Marconini, directeur du Centre brésilien de relations internationales. « Pragmatique, la Chine est plus proche des États-Unis que de tout autre pays et ne voit dans l’Amérique latine qu’un fournisseur de matières premières. » (C. Rayes, Libération, 12 novembre 2004). Par ailleurs, il apparaît que la Chine et l’Inde sont les deux premiers bénéficiaires de la libéralisation internationale du commerce des produits textiles. « Les principales victimes de ce boom chinois et indien risquent d’être les autres pays émergents […] Après 2005, la part de marché de la Chine dans les importations américaines de vêtements devrait passer de 16 % à 50 % et celle de l’Inde de 4 % à 15 % au détriment du Mexique et de l’Amérique du Sud. » (« Commerce : le boom du textile chinois et indien », Alternatives économiques, n° 228, septembre 2004).
Nom officiel : République fédérative du Brésil
Données géographiques
Superficie : 8511965 km²
Population : 186 millions d’habitants (estimation 2006)
Capitale : Brasília (2 millions d’habitants)
Villes principales : São Paulo (18,4 millions), Rio de Janeiro (11,1 millions), Belo Horizonte (4,5 millions), Porto Alegre (3,8 millions), Salvador de Bahia (2,4 millions), Fortaleza (2,14 millions), Curitiba (1,6 million), Recife (1,3 million), Belém (1,1 million), Goiânia (1,1 million).
Langue officielle : Portugais
Monnaie : Real (BRL) – 1 EUR = 2, 78 BRL
Fête nationale : 7 septembre
Données démographiques
Croissance démographique : + 1,11 % (estimation 2004)
Espérance de vie : 67,4 (hommes) ; 75,5 (femmes)
Taux d’alphabétisation : 89%
Religions : catholiques (73,6%); évangélistes (18%)
Indice de développement humain (classement ONU) : 0,777 (65e rang mondial)
Données économiques
PIB (2005) : 795,7 milliards $
PIB par habitant (2005) : 3370 $
Taux de croissance (2005) : 2,3%
Taux de chômage (2005) : 8,3%
Taux d’inflation (2005) : 4,7%
Excédent primaire (2005) : 4,84%
Exportations : 100 milliards $ (sept 2006)
Excédent commercial (2005) : 44,8 milliards $
Dette extérieure totale (2005) : 22,8 % du PIB
Principaux clients : États-Unis, Argentine, Chine, Pays-Bas
Principaux fournisseurs : États-Unis, Argentine, Allemagne, Chine, Japon
Part des principaux secteurs d’activités dans le PIB :
• agriculture : 10,2%
• industrie : 38,6%
• services : 51,2%
Communauté française au Brésil : 14000 Français immatriculés (25000 estimés dont binationaux)
Communauté brésilienne en France : 2 000 enregistrés (25 000 estimés dont binationaux)
Mise à jour : 20.11.2006
Un nouvel épicentre des échanges ?
À l’aube de ce XXIe siècle se sont donc imposés rapidement sur le marché mondialisé des produits agricoles et industriels, non seulement de nouveaux acteurs géants nationaux issus des PED, mais surtout de nouvelles alliances incontournables au Sud, qui font désormais jeu égal avec les États-Unis et l’Union européenne. Résultat tangible de la nouvelle diplomatie commerciale volontariste du Brésil, l’Asie reçoit depuis 2004 plus de 15 % de ses exportations et est devenu le premier bloc fournisseur du Brésil pour $US 23 milliards soit 25 % (dont un tiers pour la seule Chine, mais beaucoup de produits non manufacturés) des importations brésiliennes en 2006. Une progression de 37 % sur 2005, devant l’Union européenne (22 %, dont un tiers pour l’Allemagne et 3 % seulement pour la France) et les USA (16 %). Cette remarquable progression s’accompagne d’une augmentation importante des IDE (investissements directs étrangers) au Brésil en provenance d’Asie (le président chinois a avancé le chiffre de $US 100 milliards d’investissements au Brésil pour 2005–2012 en infrastructures et dans le secteur des matières premières). D’autres blocs régionaux au Sud ne sont pas en reste pour l’année 2006, comme le relève avec satisfaction sur le site du MDIC (Ministère du Développement, de l’Industrie et du Commerce : www.desenvolvimento.gov.br) le ministre Furlan : « Un fait remarquable est l’expansion des ventes brésiliennes à des pays non-traditionnels ou qui représentent une faible part des exportations du Brésil. En 2006, les exportations vers des pays du Moyen-Orient, d’Amérique latine et d’Afrique enregistrent une croissance impressionnante ».
En Afrique, où les grandes entreprises brésiliennes Petrobras et Odebrecht développent des activités fructueuses, le géant Nigeria, par exemple, devient soudainement le 5e fournisseur du Brésil avec 4,3 % de ses importations, juste derrière l’Allemagne et loin devant la France (9e place). Le continent noir, visité à cinq ou six reprises par Lula et qui n’achetait pratiquement rien au Brésil à la fin du XXe siècle, reçoit en 2006 pour $US 7,5 milliards de produits (en augmentation de 26 % sur 2005). Le Moyen-Orient n’est pas en reste puisqu’il augmente de plus d’un tiers ses importations brésiliennes en un an, avec presque $US 6 milliards de produits. Dans le palmarès latino des importateurs, le Mexique s’adjuge la 6e place ($US 4,5 milliards), le Chili la 7e et le Venezuela la 10e. La Russie de Poutine est 11e (3,5). Et des pays nouveaux (ou presque, car le différentiel 2005–2006 varie de 60 à 90 %) apparaissent dans le carnet de vente des Brésiliens avec des montants significatifs comme l’Iran (1,6), l’Angola (0,9), le Bangladesh (0,3) et Chypre (0,2).
Unanimes, l’OCDE et la FAO jugent aujourd’hui (Perspectives agricoles 2006–2015) que « le Brésil, l’Inde et la Chine sont en train de devenir l’épicentre des forces qui gouvernent la production et les échanges (agricoles) mondiaux » (L. Clavreul, Le Monde, 3 avril 2007). Sur le plan industriel aussi, le pays s’est bien ouvert et beaucoup modernisé depuis les années quatre-vingt-dix. Un seul exemple : en 2006, le Brésil est devenu le 3e producteur mondial d’autobus et le 6e de camions. Le Brésil, malgré son poids plus faible que les deux géants que sont la Chine et l’Inde, entend effectivement jouer dans cette partie un rôle moteur, grâce aux potentialités immenses de son territoire et de son peuple « métissé » au sens du sociologue nordestin Gilberto Freyre (« Maîtres et esclaves », 1933). Bien que ce G3 paraisse de par sa nature assez éloigné de l’idéologie de la conférence de Bandung (1955) et qu’il regroupe ceux qu’on appelle parfois « le grenier du monde » (Brésil), « l’atelier du monde » (Inde), « l’usine du monde » (Chine), on ne doit pourtant pas être naïf devant l’irrésistible montée en puissance de « l’Empire du Milieu », qui n’aura aucunement la fibre tiers-mondiste. L’irruption hégémonique de la Chine dans le champ de l’économie mondiale est facteur de raréfaction de nombreuses matières premières d’une part et de productions de masse à bas prix. Une Chine sans états d’âme, quand il s’agit d’économie (de droits de l’homme aussi), ce qui n’en fait pas un allié idéologique tous azimuts de ce Sud que Lula cherche à fédérer dans la lutte pour le partage des pouvoirs mondiaux détenus encore par les pays du Nord. La décennie à venir réserve bien des surprises : certaines auront un goût amer pour le Brésil.
Alors que jour après jour l’Empire américain s’enlise au Moyen-Orient, par contre en « Extrême-Occident » (ref. Amérique latine : introduction à l’Extrême-Occident, Seuil, 1987, par A. Rouquié, ex-ambassadeur à Brasilia, Président de la Maison de l’Amérique latine), le géant Brésil, démocratisé depuis déjà vingt-deux années et « économiquement correct » au regard du FMI depuis les deux mandats du président Cardoso (1984−2002), père du « plano Real » et le premier de Lula, est en train de devenir la nouvelle « ferme du monde » (Le Monde économie, 24 mai 2005), la médaille d’or mondiale pour de nombreux produits agricoles (sucre, café, jus d’oranges, soja, tabac, volaille, viande bovine), et surprend par son énergie, sa faculté à rebondir, son orthodoxie financière récente, son efficacité commerciale, son « leadership » régional et ses combats mondiaux. Alors soyons persuadés qu’en plus des nombreuses potentialités en réserve du Brésil, le « jeitinho » (système D) génial et inné des Senna, Guga, Pelé et Ronaldinho, des « capoeiristes » comme des chefs d’entreprise de São Paulo, Belo Horizonte, Curitiba et Manaus, ce quelque chose de plus que le sociologue brésilien Gilberto Freyre appelle « nos passes, nos feintes, notre imprévisibilité, ce quelque chose de danse et de capoeira qui marque le style brésilien », fera surgir à la face du monde du XXIe siècle un Brésil majeur hors des pièges et des ornières que lui tend son passé.