L’universalité des formes fractales dans la nature

Dossier : ExpressionsMagazine N°664 Avril 2011
Par Bernard SAPOVAL

La mise en évi­dence par Man­del­brot, dans les années soixante-dix, de l’existence fré­quente de géo­mé­tries frac­tales dans la nature, est un des déve­lop­pe­ments scien­ti­fiques les plus remar­quables de la seconde moi­tié du XXe siècle. On retrouve les mêmes formes dans des situa­tions phy­siques, chi­miques ou bio­lo­giques très différentes.

Une nouvelle géométrie fractale

C’est à Benoît Man­del­brot (44), dis­pa­ru en octobre 2010, que l’on doit un nou­vel inté­rêt pour la géo­mé­trie dont on avait pen­sé, un peu vite, qu’elle avait dit son der­nier mot. C’est en effet Man­del­brot qui a déga­gé les concepts de la géo­mé­trie frac­tale, concepts per­met­tant de décrire des objets hié­rar­chiques de forme très irré­gu­lière. C’est lui, qui, pres­sen­tant l’im­por­tance de cette syn­thèse, a créé le mot même de fractale.

Dans la géo­mé­trie clas­sique, une ligne est un objet à une dimen­sion, une sur­face un objet à deux dimen­sions, un volume un objet à trois dimen­sions. Nous sommes donc habi­tués à des objets dont la dimen­sion est un nombre entier 1, 2, ou 3. S’il se trouve dans la nature des objets qui puissent être décrits par une dimen­sion qui ne soit pas un nombre entier, on s’at­tend à ce que leurs pro­prié­tés dépendent de cette même dimen­sion. Ces objets existent, ce sont les objets » frac­tals « , et disons pour sim­pli­fier que l’on appelle une « frac­tale » un objet dont la géo­mé­trie peut être décrite par une dimen­sion non entière.

Une » frac­tale » est un objet dont la géo­mé­trie peut être décrite par une dimen­sion non entière

La mise en évi­dence par Man­del­brot dans les années soixante-dix, de l’exis­tence fré­quente de géo­mé­tries frac­tales dans la nature, est un des déve­lop­pe­ments scien­ti­fiques les plus remar­quables de la seconde moi­tié du XXe siècle. Jus­qu’i­ci les formes géo­mé­triques trop com­plexes ne pou­vaient être décrites autre­ment que par leurs images ou par leur car­to­gra­phie. Pen­sons aux nuages, aux côtes rocheuses, aux mon­tagnes, aux pou­mons, aux vais­seaux san­guins, aux racines d’une plante.

Une dimension fractionnaire

Pour carac­té­ri­ser sim­ple­ment une géo­mé­trie décrite par une dimen­sion non entière, repor­tons-nous à la figure ci-après. On y voit un cube de côté a. Ce cube peut être divi­sé en 8 petits cubes de côté a/2. Or un cube est un volume donc un objet à 3 dimen­sions et l’on remarque que 8 est égal à 23. Ce 3, qui est ici un expo­sant, est bien la dimen­sion d’un volume que l’on mesure en mètres cubes.

Plus bas, on voit une » courbe de Koch ». C’est un objet de forme com­pli­quée qui est construit comme indi­qué. Mais pour com­pli­qué qu’il soit, on peut le divi­ser en 4 frag­ments iden­tiques dont la taille est 13 de la taille ini­tiale. De la même façon que pour le cube, on peut remar­quer que 4 est égal à 3 (log4/log3). Ce nombre log4/log3 (envi­ron 1,26) joue le rôle d’une dimen­sion comme le nombre 3 est la dimen­sion d’un volume.

Autre remarque, chaque petit cube est sem­blable au cube entier s’il est dila­té (agran­di) d’un fac­teur 2. De même chaque 14 de la courbe de Koch est iden­tique à la courbe entière s’il est agran­di d’un fac­teur 3. C’est ain­si que l’on peut intro­duire sim­ple­ment le concept de dimen­sion non entière ou de dimen­sion frac­tion­naire ou fractale.

Conser­ver les formes

La notion de dimen­sion frac­tion­naire s’ap­plique aux objets qui pos­sèdent une simi­li­tude interne : c’est la pro­prié­té d’une par­tie d’un objet d’être sem­blable à l’ob­jet lui-même à une dila­ta­tion près. C’est vrai du cube et de la courbe de Koch, mais c’est aus­si vrai des branches d’un chou-fleur qui res­semblent à un chou-fleur entier à une dila­ta­tion près. Une géo­mé­trie qui pré­sente cette pro­prié­té de simi­li­tude interne est qua­li­fiée d’au­to ou de self-simi­laire. On parle dans tous ces cas de dimen­sions frac­tales. Une telle géo­mé­trie est » inva­riante d’é­chelle », ce qui veut dire que quand on change d’é­chelle d’ob­ser­va­tion, on conserve les formes.

Déterministe ou aléatoire

À l’o­ri­gine, ce sont des expé­riences de phy­sique sur les tran­si­tions de phase du second ordre qui ont induit l’i­dée d’in­va­riance d’é­chelle chez Fischer, Kada­noff et Wil­son dans les années 60–70 (Ken Wil­son a uti­li­sé cette notion dans sa théo­rie des tran­si­tions de phase du second ordre et a reçu le prix Nobel 1982 pour ces tra­vaux). Cette inva­riance d’é­chelle existe aus­si dans les poly­mères (tra­vaux de P.-G. de Gennes dans les années 70–80, autre prix Nobel).

Notons que la simi­li­tude interne peut être exacte, comme dans les deux cas de la figure, ou approxi­ma­tive pour les branches d’un chou-fleur qui ne sont pas exac­te­ment iden­tiques. Par agran­dis­se­ment, chaque branche res­semble au chou-fleur entier sans le repro­duire exac­te­ment. Sui­vant les cas, on par­le­ra de frac­tales déter­mi­nistes ou aléatoires.

L’ubiquité des fractales

En 1988 parais­sait un livre d’un mathé­ma­ti­cien anglais tra­vaillant aux États-Unis, Michael Barns­ley, dont le titre était Frac­tals Eve­ryw­here. La géo­mé­trie frac­tale a été obser­vée dans un grand nombre de sys­tèmes. Cela va d’ob­jets de la phy­sique « sub­mi­cro­mique » comme des agré­gats ato­miques, des fronts de dif­fu­sion dans les sou­dures ou la struc­ture des aéro­gels, jus­qu’à la répar­ti­tion des galaxies dans l’u­ni­vers en pas­sant par la forme des côtes marines et des montagnes.

La géo­mé­trie frac­tale peut s’ob­ser­ver dans les galaxies ou les côtes marines

Y aurait-il donc une signi­fi­ca­tion unique à l’ap­pa­ri­tion de ces géo­mé­tries dans des contextes aus­si divers ? Non, mais avant de répondre, il convient de se deman­der pour­quoi nous serions sur­pris de l’exis­tence de cette géo­mé­trie dans la nature. On sait que la symé­trie joue dans les phé­no­mènes phy­siques un rôle fon­da­men­tal. Les symé­tries sont cer­taines pro­prié­tés d’in­va­riance des lois de la phy­sique qui se véri­fient quand un sys­tème subit une trans­for­ma­tion géo­mé­trique donnée.

Quand on recherche la nature la plus fon­da­men­tale des inter­ac­tions phy­siques, on y retrouve tou­jours des pro­prié­tés de symé­trie comme c’est le cas de la cor­res­pon­dance entre la matière et l’an­ti­ma­tière. Dans cette optique, la géo­mé­trie frac­tale appa­raît comme la géo­mé­trie adap­tée à la symé­trie de dila­ta­tion ou d’in­va­riance d’é­chelle. Il n’y a, au fond, pas plus lieu de s’é­ton­ner de l’ap­pa­ri­tion de la géo­mé­trie frac­tale qu’il n’y a lieu de s’é­ton­ner de la pério­di­ci­té du réseau cris­tal­lin du chlo­rure de sodium.

Pour s’y recon­naître un peu mieux dans cette mul­ti­tude de sys­tèmes ou de phé­no­mènes, on peut ran­ger les frac­tales dans quelques caté­go­ries essentielles.

La géo­mé­trie frac­tale serait la géo­mé­trie du cal­cul des probabilités

Les systèmes dynamiques non linéaires

La pre­mière caté­go­rie de phé­no­mènes dans les­quels on observe, et quel­que­fois démontre, l’exis­tence de frac­tales est l’é­tude des sys­tèmes dyna­miques non linéaires. Dans le chaos déter­mi­niste, des sys­tèmes très simples, et dont le fonc­tion­ne­ment est stric­te­ment cau­sal, sont sus­cep­tibles de pos­sé­der des états appa­rem­ment aléa­toires. La géo­mé­trie frac­tale des attrac­teurs étranges appa­raît ici fré­quem­ment. La tur­bu­lence entre, elle aus­si, dans cette catégorie.

Les phénomènes d’interfaces naturelles

La seconde caté­go­rie de phé­no­mènes où inter­viennent des frac­tales est celle des phé­no­mènes d’in­ter­faces natu­relles (alvéoles pul­mo­naires, racines des plantes, bas­sins flu­viaux, réseau san­guin). Il faut prendre ici le mot d’in­ter­face dans un sens très géné­ral. Ce peut être l’in­ter­face entre deux milieux, c’est alors une vraie sur­face, par exemple la sur­face des alvéoles pul­mo­naires qui sépare l’air du sang dans les pou­mons des mam­mi­fères, 140 m² chez l’homme. Dans ce cas, la dimen­sion frac­tale de la sur­face d’é­change entre air et sang est proche de 3, celle d’un volume.

Les phénomènes aléatoires

Opti­mi­ser dans un volume donné
L’in­ter­face peut aus­si être l’in­ter­face entre une sur­face, comme l’en­trée de la tra­chée, et un volume, celui des pou­mons. Com­ment construire donc une inter­face entre une sur­face et un volume ? La nature a réso­lu ce pro­blème par l’in­ter­mé­diaire d’un arbre, ici l’arbre bron­chique qui irrigue le volume à par­tir d’une sur­face. Lui aus­si est de dimen­sion 3. Tout cela concerne les sys­tèmes dans les­quels un pro­ces­sus d’é­change ou de dis­tri­bu­tion doit être opti­mi­sé dans un volume donné.

La troi­sième caté­go­rie de frac­tales appa­raît dans l’é­tude des phé­no­mènes aléa­toires. Dans ce sens, on peut dire que la géo­mé­trie frac­tale serait la géo­mé­trie du cal­cul des pro­ba­bi­li­tés, un peu au même titre que la géo­mé­trie des courbes dans le plan cor­res­pond à l’é­tude des équa­tions algé­briques F (x, y) = 0.

Les exemples sont nom­breux. Citons la tra­jec­toire du mou­ve­ment brow­nien, l’a­gré­ga­tion limi­tée par la dif­fu­sion mon­trée sur la figure ci-des­sus, les fronts de dif­fu­sion dans les sou­dures, les vols de Lévy, la per­co­la­tion, les frac­tures, beau­coup de sur­faces rugueuses, la » cri­ti­ca­li­té » auto-orga­ni­sée, cer­tains fronts de cor­ro­sion, le tra­cé des fluc­tua­tions bour­sières, etc., sont des exemples de cette géo­mé­trie née du hasard. Je pense que ce qui est tout à fait fécond et nou­veau, c’est l’i­dée même qu’à la théo­rie des pro­ba­bi­li­tés puisse cor­res­pondre une géo­mé­trie que l’on puisse décrire quantitativement.

Il est clair d’a­près ces nom­breux exemples, cer­tains exacts et d’autres seule­ment conjec­tu­rés, que la notion de » géo­mé­trie des pro­ba­bi­li­tés » s’ap­plique bien aux géo­mé­tries frac­tales. Il semble donc bien aujourd’­hui que la symé­trie de dila­ta­tion, repré­sen­tée par la géo­mé­trie frac­tale, soit sou­vent liée au hasard, en fait plus par­ti­cu­liè­re­ment à ses réa­li­sa­tions et non à ses moyennes.

Le hasard maîtrisé

Jus­qu’i­ci le cal­cul des pro­ba­bi­li­tés ne s’in­té­res­sait qu’à déter­mi­ner la quan­ti­té de pré­vi­sible dans l’im­pré­vi­sible. L’é­lar­gis­se­ment de son champ à la géo­mé­trie d’une réa­li­sa­tion d’une suite d’é­vé­ne­ments aléa­toires consti­tue, à mon sens, une ouver­ture immense et un des grands suc­cès des fractales.

À cela s’a­joute le para­digme sui­vant : si ces sys­tèmes aléa­toires sont frac­tals et donc hié­rar­chiques, on peut pen­ser que leurs pro­prié­tés sont essen­tiel­le­ment domi­nées par le carac­tère frac­tal de cette hié­rar­chie (la dimen­sion frac­tale) et que des frac­tales déter­mi­nistes de même dimen­sion auraient les mêmes pro­prié­tés. Si cela est vrai, ceci veut dire que, dans ce sens, le hasard est maî­tri­sé, il a four­ni l’es­sen­tiel de sa com­plexi­té en construi­sant des frac­tales. Ce para­digme, qui a domi­né mon inté­rêt per­son­nel pour ces géo­mé­tries, est véri­fié pour les élec­trodes (tra­vaux avec Mar­cel Filoche), les cata­ly­seurs et les mem­branes fractales.

Quelques jalons
Il existe main­te­nant quelques jalons fermes à cette idée de frac­tale en tant que » géo­mé­trie du cal­cul des probabilités « .
Citons, par exemple, des démons­tra­tions où la tra­jec­toire du mou­ve­ment brow­nien pos­sède une dimen­sion égale à 2 et où les » vols de Lévy » d’ex­po­sants D forment des tra­jec­toires de dimen­sion D.
Dans les années 1980, Benoît Man­del­brot a conjec­tu­ré que la dimen­sion frac­tale du bord exté­rieur du mou­ve­ment brow­nien plan était égale à 43. Cela a été démon­tré par Law­ler, Schramm et Wer­ner, et a valu à Wen­de­lin Wer­ner sa médaille Fields en 2006.
Nous avions, quant à nous (avec Jean-Fran­çois Gouyet et Michel Ros­so), conjec­tu­ré en 1985 que la fron­tière exté­rieure de l’a­mas de per­co­la­tion pos­sé­dait une dimen­sion égale à 74. Cela a été démon­tré au début des années 2000 par Sta­ni­slav Smir­nov qui a reçu la médaille Fields en 2010.

Un pouvoir d’amortissement

Une autre caté­go­rie de phé­no­mènes est liée au pou­voir d’a­mor­tis­se­ment des struc­tures frac­tales. Ain­si, les études menées à l’É­cole poly­tech­nique ont démon­tré qu’une cavi­té acous­tique dont la sur­face serait une frac­tale mathé­ma­tique serait infi­ni­ment amor­tie. De cela on peut déduire que la frac­ta­li­té de cer­taines côtes marines serait auto-amortie.

La puis­sance dis­po­nible de la mer condui­rait à une auto­li­mi­ta­tion de l’ef­fi­ca­ci­té de l’érosion

Cette frac­ta­li­té serait due au fait que la mer, atta­quant les points les plus faibles d’une terre aléa­toire, pro­dui­rait par éro­sion une côte irré­gu­lière qui l’a­mor­ti­rait davan­tage. Bien enten­du, le hasard conti­nue à jouer un rôle par le fait que le rivage éro­dé est consti­tué d’élé­ments de résis­tances aléa­toires. Mais ce sont les condi­tions phy­siques, ici la puis­sance dis­po­nible de la mer, qui condui­rait à une auto­li­mi­ta­tion de l’ef­fi­ca­ci­té de l’é­ro­sion. Ici, il s’a­git d’un amor­tis­se­ment mécanique.

Un autre cas est le cas de l’at­taque chi­mique d’un solide désor­don­né par un agent cor­ro­sif dont le poten­tiel chi­mique s’é­puise au fur et à mesure que l’at­taque se pro­duit. Ici aus­si le hasard conti­nue à jouer un rôle, mais le pro­ces­sus de cor­ro­sion est auto­li­mi­té. C’est une frac­ta­li­té auto-orga­ni­sée car c’est l’é­vo­lu­tion spon­ta­née de ces sys­tèmes qui les conduit vers une struc­ture fractale.

L’universalité des fractales aléatoires

Le sens du mot « uni­ver­sa­li­té » varie sui­vant le contexte. Le sens qui nous concerne est celui de la phy­sique sta­tis­tique pro­po­sé par Fischer, Kada­noff et Wil­son. Il dit que cer­tains sys­tèmes pos­sèdent des pro­prié­tés indé­pen­dantes de leur nature microscopique.

Une autre classe d’u­ni­ver­sa­li­té est celle de la per­co­la­tion en gra­dient. C’est la géo­mé­trie d’une sou­dure à 2 dimen­sions avec une dimen­sion frac­tale de 74 (démon­trée récem­ment par Pierre Nolin et Wen­de­lin Wer­ner). Dans une moda­li­té un peu dif­fé­rente, ce peut être aus­si la géo­mé­trie d’une figure de cor­ro­sion ou la géo­mé­trie (cal­cu­lée) d’un rivage sou­mis à l’é­ro­sion marine. Ici la dimen­sion frac­tale vaut exac­te­ment 43.

Il s’a­git de géo­mé­trie. De même que la terre est ronde, un peu comme une orange, ou comme une boule de pétanque, ces objets, tous dif­fé­rents, ont une même géo­mé­trie, la sphère, forme uni­ver­selle. Ici « même géo­mé­trie » se tra­dui­ra par « même dimen­sion frac­tale ». Cette notion d’u­ni­ver­sa­li­té sur­git de l’exa­men de situa­tions expé­ri­men­tales très dif­fé­rentes qui pré­sentent des géo­mé­tries irré­gu­lières à toute échelle (frac­tales) mais dont les ana­lo­gies de forme sont évidentes.

Ain­si des dépôts élec­tro­ly­tiques, des formes d’in­jec­tion d’eau dans du plâtre, la forme d’une pré­ci­pi­ta­tion spon­ta­née, la crois­sance d’une colo­nie bac­té­rienne pré­sentent des géo­mé­tries très proches, la forme d’une pré­ci­pi­ta­tion spontanée.

Ce qui est com­mun entre ces expé­riences, c’est leur géo­mé­trie qui pos­sède donc un carac­tère uni­ver­sel. On retrouve les mêmes formes dans des situa­tions phy­siques (ou chi­miques ou bio­lo­giques) très dif­fé­rentes. On défi­nit ain­si une classe d’u­ni­ver­sa­li­té qui regroupe des phé­no­mènes dif­fé­rents décrits par le même type de géo­mé­trie. Dans ce cas, il s’a­git de la géo­mé­trie de l’a­gré­ga­tion limi­tée par la dif­fu­sion dont le nom pro­vient du méca­nisme de crois­sance à tra­vers lequel il a été intro­duit par Tom Wit­ten et Leo­nard San­der en 1981. La dimen­sion frac­tale est proche de 1,7.

Une cristallographie du hasard

Regrou­per toutes ces géo­mé­tries aléa­toires dans dif­fé­rentes classes d’u­ni­ver­sa­li­té, c’est un peu créer ce qui pour­rait s’ap­pe­ler une cris­tal­lo­gra­phie du hasard. Ain­si, ces concepts ont modi­fié la vue et les pers­pec­tives que l’on avait sur de nom­breux phé­no­mènes natu­rels. Est-il meilleur exemple de la force de l’i­dée d’u­ni­ver­sa­li­té de cer­taines géo­mé­tries frac­tales que la cara­pace du coquillage Cym­bio­la innexa (Reeve) où l’on voit aus­si le tri­angle de Sier­pins­ki, figure mathé­ma­tique qui date du début du siècle dernier ?

Mais ce tri­angle de Sier­pins­ki on le retrouve (caché) dans le tri­angle de Pas­cal en rem­pla­çant tous les nombres impairs par des points et en sup­pri­mant tous les nombres impairs. C’est Hans Mein­hardt qui a mon­tré que cer­tains types de réac­tions chi­miques en pré­sence de dif­fu­sion fabri­quaient spon­ta­né­ment des géo­mé­tries de ce type. Qui aurait cru qu’entre cer­taines des pro­prié­tés du tri­angle de Pas­cal et la déco­ra­tion de cer­tains coquillages il y ait quelque chose de com­mun et que ce com­mun soit frac­tal ? C’est bien cela, l’u­ni­ver­sa­li­té des frac­tales. Un grand mer­ci à Benoît Man­del­brot de nous avoir mis sur des che­mins si riches.

Quelques excès
L’u­bi­qui­té des frac­tales a don­né lieu à quelques excès et l’on a vu paraître vers la fin des années quatre-vingt des articles se basant sur des carac­té­ri­sa­tions frac­tales peu fiables. À cela s’a­joute que, dans cer­tains cas, les carac­té­ri­sa­tions frac­tales sont direc­te­ment condi­tion­nées par la qua­li­té des don­nées, don­nées qui elles-mêmes évo­luent dans le temps avec les tech­niques ins­tru­men­tales. C’est le cas en ce qui concerne la très actuelle ques­tion de la dis­tri­bu­tion frac­tale des galaxies, sujet pas­sion­nant et en constante évolution.

Commentaire

Ajouter un commentaire

Luc TARTAR (X65)répondre
3 avril 2011 à 1 h 39 min

Ques­tions d’at­tri­bu­tions,
Ce qu’a décrit Benoit MANDELBROJT n’est pas vrai­ment ce qu’on appelle de la géo­mé­trie, mais je trouve plus grave qu’on parle de dimen­sion frac­tale sans dire que cela s’ap­pelle la dimen­sion de Haus­dorff (mathé­ma­ti­cien Alle­mand, 1869–1942). Pour­quoi par­ler de courbes de Koch, puis­qu’elles ont été intro­duites par Von Koch (mathé­ma­ti­cien Sué­dois, 1870–1924) ? Si on parle de Sier­pins­ki (mathé­ma­ti­cien Polo­nais, 1882–1969), pour­quoi ne pas rap­pe­ler que sa construc­tion est sim­ple­ment un ana­logue en dimen­sion 2 de l’en­semble de Can­tor (mathé­ma­ti­cien Alle­mand né en Rus­sie, 1845–1918). En fait, des courbes du genre de celle de Von Koch avaient été uti­li­sées bien avant lui dans des démons­tra­tions de Bol­za­no (mathé­ma­ti­cien « Tchèque », 1781–1848) et ensuite de Weiers­trass (mathé­ma­ti­cien Alle­mand, 1815–1897) pour construire des fonc­tions conti­nues et dif­fé­ren­tiables nulle part.

Pour ce qui est de l’u­ti­li­té des frac­tals, j’ai écrit dans mon der­nier livre sur l’ho­mo­gé­néi­sa­tion (note 6, cha­pitre 13) : The same vicious circle exists concer­ning frac­tals. Rough objects are crea­ted by nature, but no one has shown a natu­ral pro­cess which creates a self-simi­lar frac­tal struc­ture : it is just that there are people who use self-simi­lar frac­tal sets as models for rough objects !

Les jeux mathé­ma­tiques aux­quels se livrent nos amis phy­si­ciens reflètent ce que j’ai décrit comme le com­plexe de Comte (phi­lo­sophe Fran­çais, 1798–1857), à cause de sa clas­si­fi­ca­tion des sciences (1- mathé­ma­tiques, 2- astro­no­mie, 3- phy­sique, 4- chi­mie, 5- bio­lo­gie), que je trouve plu­tôt idiote mais qui a fait des ravages chez beau­coup. Bien sûr, au dela de confondre A implique B et B implique A, je m’é­tonne encore que les phy­si­ciens ne se soient pas encore aper­çus qu’Ein­stein (phy­si­cien Alle­mand, 1879–1955) était un mau­vais phy­si­cien pour avoir confon­du le pro­ces­sus intro­duit par Bache­lier (mathé­ma­ti­cien Fran­çais, 1870–1946) et étu­dié mathé­ma­ti­que­ment par Wie­ner (mathé­ma­ti­cien Amé­ri­cain, 1894–1964) avec ce qu’a­vait obser­vé R. Brown (bota­niste Bri­tan­nique, 1773–1858), signe qu’il ne com­pre­nait pas le carac­tère non phy­sique de sauts ins­tan­ta­nés en posi­tion (Bache­lier, lui, étu­diait l’a­chat et la vente d’ac­tions à La Bourse), ni même de sauts ins­tan­ta­nés en vitesse puisque cela viole la conser­va­tion de la quan­ti­té de mou­ve­ment, et qu’il faut donc invo­quer des col­li­sions avec d’autres par­ti­cules (trop petites pour que Brown ait pu les voir sous son micro­scope) et donc le mou­ve­ment « Brow­nien » n’ayant rien de phy­sique, il est indé­cent de l’u­ti­li­ser pour faire croire qu’on com­prend ce que la nature nous montre. 

Luc TARTAR, X65
Cor­res­pon­dant de l’A­ca­dé­mie des Sciences
Uni­ver­si­ty Pro­fes­sor of Mathematics
Car­ne­gie Mel­lon University
Pitts­burgh, PA, 15213, USA

Répondre