Lyon, une métropole au carrefour de l’histoire et de la modernité
Lyon dispose de nombreux atouts qu’elle a su développer en se tournant résolument vers l’avenir, dans la continuité d’un passé très riche. Son développement harmonieux au cours des décennies futures impose aujourd’hui de grands choix en matière d’infrastructures et d’aménagement du » grand territoire lyonnais « . Lever les incertitudes qui subsistent permettra de tirer partie de perspectives très favorables.
Article écrit en collaboration avec Emmanuel de Guillebon et Hubert Goetz, directeurs adjoints, DREAL, Rhône-Alpes.
Une ville de l’intérieur
Pour le nomade qui s’arrête à Lyon, quelques caractéristiques sautent aux yeux : une ville de » l’intérieur « , où aucune manifestation maritime n’est perceptible, à l’exception de celle de quelques mouettes et de nombreux cygnes dans cette ville de confluence, fortement marquée par ses deux fleuves qui déroutent le visiteur : suis-je au bord du Rhône ou de la Saône ? Mais aussi, une ville où la montagne n’est pas loin, ce que trahissent assez vite certains vêtements, certains magasins spécialisés et plus profondément certains comportements. Un carrefour, toujours aujourd’hui, même si cette impression est encore plus forte à Grenoble où dans d’autres métropoles internationales, et même si on a le sentiment que cette impression devait être encore plus forte quelques siècles plus tôt. Une population sérieuse, discrète, travailleuse, attachée au » bien faire », partagée entre des relations simples et directes, qui facilitent le travail en équipe et la concertation entre parties prenantes structurées et responsables, et le repli dans des communautés diversifiées, où la spiritualité et la religion jouent un rôle sourd, mais très présent et qui semblent structurer la société lyonnaise, terre de centrisme politique.
En ce début de XXIe siècle, Lyon présente des signes évidents de modernité, voire d’avant-gardisme, en dépit du poids d’une histoire où l’industrie a modelé la ville, puis l’agglomération, puis la région. L’Agence d’urbanisme du Grand Lyon a parfaitement démontré1 qu’au début de la révolution industrielle la structuration spatiale de la ville était spécialisée entre fonctions de production et de négoce, les tisseurs ayant investi la colline de la Croix-Rousse, alors que les acteurs du commerce occupaient la presqu’île et la rive gauche du Rhône, la rive droite, cœur historique dominé par les amphithéâtres romains et la basilique de Fourvière, restant » la colline qui prie « .
L’industrie a modelé la ville entre fonctions de production et de négoce
Puis, les industries se sont progressivement déplacées à l’est et au sud, dédiées au textile et à la chimie. L’apparition de l’électricité et du chemin de fer a progressivement vu l’émergence des industries mécaniques : le tissu industriel lyonnais s’est ainsi consolidé grâce aux synergies multiples entre les différents secteurs. La position de carrefour a contribué à l’irrigation de l’agglomération par de nombreuses voies et moyens de transport, renforçant cette fois la fonction commerciale de la métropole lyonnaise.
Modernité et continuité
Comme en d’autres lieux en France, la Première Guerre mondiale a spécialisé toutes ces activités au service de la guerre, au premier chef la chimie, bien sûr, mais aussi toutes les autres activités mécaniques et notamment la production de véhicules.
Désormais, si certaines de ces activités ont connu des restructurations profondes qui ont conduit certaines à réduire la voilure, il est saisissant de constater que les pôles de compétitivité du XXIe siècle plongent leur racine dans ce passé : Lyon Biopôle pour la pharmacie et les biotechnologies, Axelera pour la chimie, Techtera pour le textile, Lyon Urban Trucks and Bus pour les véhicules lourds et systèmes de transport urbain pour ne parler que des pôles les plus emblématiques. Curieusement, néanmoins, dans la première vague de labellisation des pôles de compétitivité, aucun pôle spécifique à l’énergie n’a émergé, en dépit du fait que la Région Rhône-Alpes est la première région de production énergétique française.
Les choix d’urbanisme sont essentiels sur le long terme
La modernité, on la discerne au travers de plusieurs indices : le nombre de pôles de compétitivité justement (11 en Rhône-Alpes), la présence forte d’entreprises dans le secteur des écotechnologies. Le nomade qui a connu le quartier de la Part-Dieu il y a trente ans et qui le traverse désormais comprend aisément à quel point les choix d’urbanisme sont essentiels sur le long terme, tant pour l’organisation des fonctions urbaines que pour l’image et le cachet d’une ville. D’ailleurs, cette modernité n’oublie jamais ce qu’elle doit à l’histoire, dans cette ville inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.
Des voies menacées d’embolie
Paradoxalement, c’est dans le domaine des infrastructures de transport interurbaines que le temps semble s’être un peu arrêté, en dépit de réalisations pourtant précoces (autoroutes, lignes TGV, aéroport et gare de Saint-Exupéry).
Lyon reste une agglomération (comme Marseille) qui n’a pas bouclé son périphérique, à l’heure où de nombreuses métropoles l’ont terminé pour détourner à bon droit les véhicules de leur centre. Le nœud ferroviaire lyonnais sature en de nombreux endroits : pourtant, Lyon dispose d’un nombre significatif de gares… mais ce sont les tuyaux qui sont menacés d’embolie. Les promesses de segmentation entre trafic de marchandises et trafic de voyageurs, avec la réalisation du contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise à l’horizon 2020, permettent d’envisager une simplification du nœud, mais probablement pas son dénouement complet à défaut d’autres investissements.
Certes, l’agglomération souffre d’une géographie et d’un relief contraignants qui ont spécialisé certaines fonctions… et généré des difficultés : l’est est plat quand l’ouest s’étale sur les monts du Lyonnais ; le Rhône et la Saône restent des entailles qu’il est difficile de traverser ; toute nouvelle infrastructure doit se frayer un chemin dans des espaces de plus en plus habités, mais, malheureusement, dans un urbanisme peu dense.
Fixer un cadre d’aménagement
C’est la principale fonction de la Directive territoriale d’aménagement (DTA) de l’agglomération lyonnaise, adoptée au début du XXIe siècle, que de rappeler que si on » laisse aller » un développement au fil de l’eau, on se réserve un avenir bien difficile quand il s’agira de créer de nouvelles infrastructures, redensifier le logement et les activités, consommer rationnellement le foncier et toutes les autres ressources : les zones naturelles et les zones humides, l’eau, l’énergie, etc., reconstruire la ville sur la ville2.
C’est un atout indéniable pour l’avenir de la métropole. À la veille de l’adoption par le gouvernement du Schéma national des infrastructures de transport, qui doit préciser les priorités de l’État pour le développement du réseau des infrastructures nationales, de nombreuses incertitudes et difficultés subsistent.