« Notre objectif est de régénérer 50 000 hectares de forêts en dix ans »
Plus que jamais la préservation des forêts est au cœur des préoccupations de la Maison Hennessy qui multiplie les actions et les initiatives en ce sens. Laurent Boillot, président de la Maison Hennessy, nous en dit plus.
La Maison Hennessy s’est engagée dans une démarche de développement durable depuis déjà plusieurs années. Pouvez-vous nous en dire plus ?
La transmission est au cœur de l’histoire de Hennessy depuis sa création avec une intuition précoce des enjeux environnementaux et sociétaux qui animent notre monde d’aujourd’hui. La Maison a été une des premières entreprises à se doter d’un commission environnement dès 1991, puis en 1998 a été la première marque des vins et spiritueux au monde à être certifiée 14001.
Aujourd’hui notre démarche de développement durable est structurée autour de trois piliers : viticulture durable et biodiversité, production et climat, et nos engagements pour la société. Cela nous permet de piloter nos engagements et de mesurer nos progrès notamment l’objectif de réduire de ‑50 % notre empreinte carbone d’ici 2030.
Au cœur de vos engagements sur la viticulture durable et la biodiversité, on retrouve la question de la régénération des forêts. Pourquoi est-ce un sujet important pour Hennessy ? Quelles sont vos ambitions dans ce cadre ?
Hennessy, c’est un parc de plus de 500 000 barriques en chêne qui vieillissent la plus importante réserve d’eaux-de-vie de cognac au monde. Ces barriques sont conservées le plus longtemps possible (parfois jusqu’à 50 ans) tant qu’ils peuvent contribuer qualitativement au bon vieillissement de nos eaux-de-vie. Pour garantir cette ressource en bois et l’approvisionnement de 30 000 barriques chaque année, nous investissons dans la gestion durable des forêts.
La Maison est d’ailleurs propriétaire, depuis 50 ans, d’une forêt dont la gestion raisonnée et l’équilibre de la biodiversité constituent un axe essentiel de notre programme de développement durable.
On ne peut pas œuvrer à cet approvisionnement et investir dans la gestion forestière sans regarder plus loin que notre seule activité. La déforestation pèse 17 % dans les émissions carbones mondiales et leur disparition engendre une perte de biodiversité colossale dont les conséquences multiples sont incalculables. La forêt est l’écosystème le plus riche pour la biodiversité : elle fournit protection et nourriture aux oiseaux, insectes et petits animaux, elle contribue à la fertilité des sols et à l’équilibre écologique des territoires. Elle offre aux populations activités et revenus et elle est un puits de carbone que nous avons urgemment besoin de régénérer.
Le dérèglement climatique et la chute de la biodiversité sont des enjeux mondiaux. Nous nous engageons donc pour la préservation des ressources naturelles et la protection de l’environnement de manière globale.
Nous avons noué un partenariat ambitieux avec Reforest’Action qui nous apporte son expertise et sa maîtrise d’ouvrage pour des projets d’envergure. En 2021 et 2022, le choix s’est porté sur le Kenya, l’Afrique du Sud, le Nigéria, la Chine et aux USA, l’Oregon.
Pouvez-vous nous donner quelques éléments de mesure ?
Engagée sur 10 ans, la Maison investit dans différents projets dans les régions du monde où elle est présente. Cet engagement sur le temps long permettra à la Maison d’assurer la viabilité et la pérennité des projets pour un impact vraiment significatif.
Au Kenya par exemple, Hennessy a financé la régénération d’une partie de la forêt protégée du Mont Kenya 400 hectares avec 250 000 arbres de diverses essences). L’objectif est d’accompagner la restauration du Parc National du Mont Kenya, de créer des forêts-jardins qui permettent aux populations locales de protéger leurs cultures, de diversifier leurs sources de revenus et de sensibiliser les jeunes générations dans les écoles locales.
Ce sont aussi des actions en France. Dans le pays cognaçais, en partenariat avec l’ONF, nous avons lancé le projet de restaurer la forêt de la Braconne soit plus de 27 000 chênes plantés sur 25 hectares en 5 ans.
Notre objectif est de régénérer 50 000 hectares de forêts en dix ans.
En parallèle de cette action, vous avez créé le mouvement IMAGINE A WORLD FOREST TEAM. Quel en est le principe ?
Il s’agit d’un mouvement qui réunit des dirigeant(e)s d’entreprises qui souhaitent agir face à l’urgence écologique en préservant ou en régénérant les forêts à très grand échelle.
J’ai découvert l’étude publiée en 2019 étude par Thomas Crowther, biologiste à l’École polytechnique de Zurich, selon laquelle apporter 1 milliard d’hectares de forêt supplémentaire à la planète sur une surface disponible de la taille des États-Unis pouvait permettre de diminuer de 25 % le taux de CO2 dans l’atmosphère. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire, qu’une solution était à notre portée.
Apporter 1 milliard d’hectares de forêt supplémentaire à la planète nécessiterait un financement d’environ 3 000 milliards d’euros. Seule une coalition d’acteurs peut arriver à réunir un montant aussi conséquent. J’ai alors décidé de créer un format de rassemblement agile, qui ne soit ni une association ni une fondation, mais un mouvement réunissant des acteurs désireux d’agir pour trouver des financements de projets forestiers en France et partout dans le monde avec des indicateurs précis comme le nombre d’hectares régénérés, le nombre d’espèces plantées, le nombre de personnes impactées positivement.
Pouvez-vous nous donner des exemples de projets initiés par ce mouvement ?
Derrière tous les projets, il y a des personnes engagées qui ont rejoint le mouvement.
Frédéric Dufour, le président de la Maison Ruinart, a choisi notamment de restaurer une forêt au Portugal en plantant et protégeant des chênes lièges, ce qui aura un double impact positif pour l’environnement et la filière viticole.
Nathalie Gonzalez de Nespresso, investit pour planter 500 000 arbres par an. Nespresso recrée des écosystèmes forestiers dans les fermes de café pour participer à la protection des caféiers et améliorer la biodiversité des plantations.
Romain Spitzer, président de Givenchy Parfums, a identifié la rénovation d’une mangrove en Indonésie et plusieurs projets en Asie. Plus récemment, le président de Verallia, celui de Samsic nous ont rejoints. Ce n’est que le début !
Par ailleurs, nous sommes tous amenés à protéger les forêts existantes car il est évidemment vain de vouloir créer de nouvelles forêts si nous participons à détruire celles qui apportent tant aujourd’hui.
Sur ce sujet, quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?
L’enjeu associé à l’effondrement de la biodiversité et la crise climatique, c’est la paix du monde… Il y a donc urgence à agir immédiatement et à faire sa part et bien davantage.
C’est la raison de notre entretien aujourd’hui. S’il y a parmi vos lecteurs d’autres dirigeantes et dirigeants d’entreprises qui souhaitent prendre leur part et répondre à cet immense défi auquel notre génération doit faire face, je les invite à nous rejoindre.
Le chantier est pharaonique mais réaliste. Encore faut-il l’attaquer en dépassant les clivages concurrentiels et en agrégeant nos talents et nos moyens financiers.
Mettons-les en commun pour le bien commun !