Marguerite Deperrois-Chaumont (X86) « Toujours innover, innover, innover »
Du fait de son évidente sincérité, comme de son éloquence, je lui ai beaucoup laissé la parole. Marguerite Deperrois-Chaumont tire sa présence au monde de l’ikigaï japonais ; son altruisme me rappelle tant Ivan Illich (1926−2002) qu’Albert Jacquard (X45). Comme le proclama Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » C’est dire mon admiration.
Sa lucidité est impressionnante. Fille aînée avec une sœur cadette, de parents internes des hôpitaux de Lyon et biologistes. Ils se sont installés à Avignon, où sa sœur et elle eurent une enfance très heureuse. Elle garde la nostalgie des ciels d’Avignon, que le mistral purifie. Prépa M’ à Ginette, avec en P’ des enseignants de chimie hors pair, MM. Beynier et Heerts. Service militaire comme lieutenant parachutiste (« j’ai adoré »), avec raids sur le terrain et des soldats fiers de s’être dépassés. À l’École, elle choisit les majeures de chimie puis d’économie. Elle épousa un X de sa promotion, Vincent Deperrois. Une étape cruciale fut la maternité, qu’elle découvrit avec ardeur et épousa avec enthousiasme : elle fit le choix de se consacrer alors totalement à sa famille (trois enfants). « Avant d’être mère, je n’aurais jamais imaginé donner autant de temps à quelqu’un. C’est merveilleux. »
Mille et une listes
Mais ce ne fut pas tout. J’emprunte à ce que m’écrivit d’elle l’un de ses camarades : « Dans la série des Xe atypiques formidables et débordant d’énergie positive, je me permets aussi de recommander Marguerite Deperrois, hyperactive sur le climat notamment, une philosophe toujours dans l’action ! » Quelle action, quelles actions plutôt ? « Je quitte Lafarge pour cofonder « Mille et une listes », une start-up qui bouscule cet univers très traditionnel de la liste de mariage pour offrir des services totalement nouveaux, en phase avec l’air du temps et des mariés qui rêvent d’une liste de mariage qui leur ressemble ! Je découvre l’instabilité des systèmes d’information fondés sur les technologies internet, les levées de fonds, les hauts et les bas, les joies des premiers succès et les difficultés de l’association. Cette aventure durera deux ans, par manque de fonds après le 11 Septembre, les investisseurs choisissent une seule associée et me voilà dehors en une séance. Ça a été assez brutal. »
Des extraits liquides de plantes
« Je crée Delo, une entreprise autour de l’eau – un sujet extrêmement intéressant quant à la nutrition, au bien-être et à la santé. Il y a un besoin de produits sains et de boissons agréables à boire, efficaces en plus. Je lance des extraits liquides de plantes pour se faire à volonté des boissons énergisantes, déstressantes, amincissantes, détoxifiantes ou tout simplement équilibrantes. Il suffit d’un bouchon-capsule universel à visser sur une petite bouteille. J’ai mis au point avec mon mari et breveté cette invention, et tout démarre très bien. J’aime l’eau, j’aime les plantes, j’aime apporter des solutions qui font du bien aux personnes, j’aime créer. Je construis et fais grandir une équipe. J’arrive à vendre aux distributeurs et sur une bonne dynamique je lève des fonds. Et le prix de revient n’est pas trop cher, c’est vendable en grande distribution. La suite est moins sympathique. Mon client principal, Monoprix, adopte une charte graphique très proche de mon produit et me déréférence. J’ai été bien naïve ; je ne l’attaque pas, pensant qu’on ne peut pas attaquer son principal client. J’aurais dû écouter mes investisseurs et mon mari, qui étaient plutôt pour se confronter à ce client. Je ne l’ai pas fait et ce déréférencement a signé la fin de mes boissons. »
“J’ai compris intérieurement que le changement climatique était là, que c’était vrai et grave.”
Puis la Chine
« Mon mari, nos trois enfants et moi débarquons à Shanghai fin août 2013. Je m’investis totalement dans l’apprentissage du chinois, dans la lecture de l’histoire de la Chine, de la pensée chinoise, de la culture chinoise et de l’histoire économique. En Chine, devant la pollution de l’air et de l’eau (presque tous les fleuves de Chine sont pollués), les milliards d’objets mal conçus juste bons à être utilisés une fois et à être jetés, objets conçus pour les marchés hors de Chine, devant les profondes inégalités de la société chinoise, devant les dégâts de tout le XXe siècle en Chine et en Asie, j’ai tout d’un coup eu un déclic. J’ai compris intérieurement que le changement climatique était là, que c’était vrai et grave, que la biodiversité était mise à mal, que c’était vrai et grave, que les injustices sociales s’aggravaient, que c’était vrai et grave. » De retour en France, parce que l’agriculture est un sujet clé transverse au climat, à la biodiversité et aux questions sociales, elle choisit la permaculture, « nouveau rêve éveillé ».