Marius Lavet, l’archétype de l’ingénieur-inventeur
Doté par Marius Lavet pour récompenser chaque année un ingénieur français dont l’innovation constitue une rupture technologique et commerciale reconnue, le « Prix Marius Lavet, Ingénieur et Inventeur », est doté de 15 000 euros. Il entend valoriser le mérite de l’ingénieur inventeur et son aptitude à anticiper les besoins de nouveaux marchés et sa détermination. Le Prix contribue aussi à diffuser une culture de l’innovation, notamment auprès des jeunes publics qui se destinent aux métiers scientifiques ou d’ingénieur.
Vie et œuvres de Marius Lavet
Qui connaît Marius Lavet ? Personne ? Pas tout à fait, les ingénieurs chevronnés en électromagnétisme parlent encore du « moteur Lavet » qui est au moteur pas-à-pas ce qu’est le moteur Diesel pour les moteurs à explosion. Cet ingénieur diplômé des Arts et Métiers et de Supélec, petit-fils de sabotier et fils d’aubergiste, né à l’aube du XXe siècle est à l’origine de la mécatronique, et a déposé une centaine de brevets dans le domaine de l’horlogerie électrique puis des systèmes électromécaniques. Sa méthode de travail était remarquable :
- Dans un premier temps, il agit comme « guetteur », détecte, parmi les publications, une nouveauté et en recherche des applications dans son domaine d’intérêt, pour augmenter ses savoirs ;
- Dans un deuxième temps, il prend garde de ne pas se perdre dans des perfectionnements successifs, mais à développer des applications nouvelles. C’est ainsi que, apprenant la découverte du transistor par Bell Laboratories, il imagine de réguler les moteurs « Brushless » par un circuit électronique piloté par la fréquence propre parfaitement constante d’un quartz pour atteindre une précision inégalée, et dépose le brevet n° 986536 sur la régulation des horloges électriques par un circuit à transistor. Aujourd’hui encore, de nombreux actionneurs fonctionnent sur ce principe, sans cesse enrichi, par exemple par le pilotage en micro-pas.
- Son regret était que le rôle des ingénieurs- inventeurs ne soit pas suffisamment reconnu par le public, ce qui l’a conduit à léguer ses biens, essentiellement le fruit des redevances qu’il a perçues avec les brevets qu’il a continué à déposer après sa retraite des établissements HATOT, pour créer un prix portant son nom, destiné à « remettre chaque année un prix à un ingénieur français ayant fait preuve d’activité inventive ».
Le Prix Marius Lavet, Ingénieur et inventeur
Le prix annuel Marius Lavet de 15 000 euros créé en sa mémoire vise à mettre à l’honneur des hommes et des femmes, souvent peu connus du grand public, dont la solide formation d’ingénieur et les qualités humaines de persévérance dans leur volonté d’innover a conduit à faire progresser leur secteur d’activité. Le jury attache une importance particulière au parcours humain des candidats, qui auront démontré une démarche inventive constante.
Le Prix est organisé par une fondation présidée par Pierre Breesé, exécuteur testamentaire de Marius Lavet, les Ingénieurs et Scientifiques de France IESF, représentant du corps social des ingénieurs et des scientifiques reconnus par leurs diplômes ou leurs fonctions en France, la Fondation des Arts et Métiers et l’Académie des Technologies, et des personnalités1 du monde de l’ingénieur.
Quelques finalistes du « Prix Marius Lavet, ingénieur et inventeur »
Les lauréats sont des exemples pour les jeunes. Ils découvrent à travers leurs parcours consacrés aux sciences et aux techniques la richesse et les satisfactions que procure le métier d’ingénieur.
Le premier lauréat, en 2002, Jean Morlet (X52)2 est à l’origine du traitement du signal par transformation en ondelettes, que tout ingénieur a potassé pendant sa formation. Confronté aux difficultés de l’interprétation des signaux vibrosismiques pour détecter des champs pétrolifères, Jean Morlet, a force d’obstination, a su imposer son approche mathématique qui a depuis révolutionné le domaine du traitement des signaux numériques.
Autre lauréat, Bernard Didier, ingénieur de l’école du bois, visionnaire : « seule la biométrie permettra d’établir un lien indiscutable et non répudiable entre une personne et une transaction ». Ces travaux sur l’analyse automatique des minuties menés dans le cadre de la société Morpho qu’il a créé dans les années 80 ont permis à la France de devenir le leader mondial des systèmes biométriques.
En 2015, Pierre Gandel, prolongeant les travaux de Marius Lavet, en étant à l’origine de 34 brevets dans le domaine des actionneurs et capteurs électromagnétiques, a permis à Moving Magnet Technologies d’être présent, par le biais de licences, dans toutes les voitures et camions circulant dans le monde, et à créer des standards mondiaux dans le domaine de la mécatronique.
Plus récemment, Luc Soler, ingénieur en informatique à l’IRCAD puis créateur de Visible Patient, a développé de nouvelles méthodes de modélisation 3D des patients pour segmenter les organes, et créer des jumeaux numériques permettant au chirurgien d’évaluer la meilleure stratégie opératoire avant l’intervention sur le patient.
André Choulika chercheur entrepreneur visionnaire a industrialisé la médecine personnalisée en créant Cellectis, pour de développer une nouvelle génération de traitement contre le cancer, grâce aux celulles T ingéniérées.
L’ingénieur-inventeur du XXIe siècle
La place des ingénieurs-inventeurs ne décline pas, bien au contraire, elle s’adapte aux temps. Aujourd’hui, moins solitaire, l’ingénieur-inventeur devient un élément fertile de projets collaboratifs tenant sa place comme le musicien de free-jazz, mais sa maîtrise de savoirs profonds, sa détermination et sa créativité restent essentielles. Il continue à mixer différentes disciplines, du numérique à la biologie en passant par la mécanique et la physique, et est de plus en plus inspiré par une écologie intégrale prenant en compte toutes les déclinaisons de l’écologie : environnementale, sociale, humaine et culturelle. Avec la conviction que le progrès technique n’est pas un obstacle mais un moyen pour concilier la préservation d’une qualité de vie avec un meilleur respect de la nature.
Bientôt, les 20 ans du Prix Marius Lavet, ingénieur et inventeur
Dès que les circonstances le permettront, une grande manifestation est prévue pour fêter les 20 ans du prix Marius Lavet, ingénieur et inventeur, et rassembler la communauté des ingénieurs et célébrer leur rôle essentiel dans le progrès technique, sociétal et environnemental, en alliant une curiosité intellectuelle, une ouverture au monde, un profond savoir et une détermination pour faire aboutir leur intuition créatrice. N’hésitez pas à signaler l’existence de ce prix aux ingénieurs-inventeurs que vous côtoyez !
1 Christine Bénard, Alain Bravo, Jean-Yves Boisson, Jean Carayon, Jean-Pierre Cariou, Michel Harmant, François Blin, Jean-Claude Lehmann, Bruno Wiltz, José Chesnoy, Guy Walter, Louise Taupin