Mathématiques dans la formation des ingénieurs

Mathématiques : la vision des fondateurs de l’École polytechnique et de Napoléon

Dossier : Mot du présidentMagazine N°782 Février 2023
Par Marwan LAHOUD (X83)

Qu’un numé­ro de notre revue ait pour thème les mathé­ma­tiques ne devrait pas sur­prendre, tant les mathé­ma­tiques ont joué un rôle impor­tant dans la vie de chaque poly­tech­ni­cien. Elles ont ser­vi à nous sélec­tion­ner, fon­dant notre répu­ta­tion de « forts en maths » ; beau­coup d’entre nous ont débu­té leurs car­rières en plon­geant dans des mathé­ma­tiques appli­quées aux dif­fé­rents métiers de l’ingénieur, éner­gie, télé­com­mu­ni­ca­tions, tra­vaux publics, aéro­nau­tique et espace, sys­tèmes d’information, mathé­ma­tiques finan­cières, météo­ro­lo­gie, et j’en oublie cer­tai­ne­ment. Cer­tains d’entre nous sont res­tés plus proches de la matière brute et sont deve­nus des mathé­ma­ti­ciens, des phy­si­ciens théo­ri­ciens ou des éco­no­mistes professionnels.

Dès sa créa­tion par les pères fon­da­teurs, tous des savants comme on disait à l’époque, l’X est asso­ciée aux mathé­ma­tiques et sa mili­ta­ri­sa­tion par Bona­parte n’a fait qu’accentuer cette asso­cia­tion, tant Napo­léon, lui-même « fort en maths », consi­dé­rait la maî­trise des sciences fon­da­men­tales comme essen­tielles à l’essor de la Nation, et pas seule­ment pour ses des­seins guer­riers. Le déve­lop­pe­ment du numé­rique, le trai­te­ment mas­sif des don­nées et l’intelligence arti­fi­cielle sont venus démon­trer que cette vision des fon­da­teurs et de Napo­léon Ier était tou­jours d’actualité.

“Rechercher l’égalité des chances à travers les mathématiques.”

Je pour­rais m’attarder sur la ques­tion et m’étonner des déci­sions prises en 2018 par le gou­ver­ne­ment de réduire le rôle des mathé­ma­tiques dans la for­ma­tion et la sélec­tion, au nom d’une plus grande éga­li­té des chances. Ces déci­sions ont rapi­de­ment mon­tré leur ina­ni­té et le minis­tère de l’Éducation revient des­sus aujourd’hui, après des dégâts impor­tants sur quatre classes d’âge dont sin­gu­liè­re­ment les jeunes femmes, à tel point que nombre de « cobayes de la réforme » expriment leurs regrets, comme le rap­por­tait récem­ment un heb­do­ma­daire parais­sant le jeu­di. L’absence de mathé­ma­tiques dans leur ensei­gne­ment secon­daire leur a fer­mé bien des débou­chés professionnels.

Il est pour le moins sur­pre­nant que les réfor­ma­teurs de 2018 aient recher­ché l’égalité des chances en sup­pri­mant les mathé­ma­tiques alors que les révo­lu­tion­naires de 1794 l’avaient recher­chée pré­ci­sé­ment à tra­vers les mathématiques.

Mon pro­pos serait incom­plet si je n’évoquais une expé­rience que j’ai vécue lors d’un de mes voyages d’affaires, alors que je pré­si­dais le grou­pe­ment indus­triel fran­çais aéro­nau­tique et spa­tial. Nous étions avec un groupe de chefs d’entreprise en visite dans un pays gou­ver­né par des isla­mistes rigou­reux. L’industrie aéro­nau­tique et spa­tiale s’y était déve­lop­pée remar­qua­ble­ment, à tel point que le pro­gramme de déve­lop­pe­ment com­plet d’un avion de com­bat local avait été lan­cé. En visi­tant le bureau d’études dudit pro­gramme, je fus frap­pé par la pro­por­tion éle­vée de femmes ingé­nieurs (80÷20), exac­te­ment inverse de celle consta­tée dans tous les pays occi­den­taux. J’interrogeai alors la direc­trice du pro­gramme, qui avait for­cé mon admi­ra­tion par sa com­pé­tence et son rayon­ne­ment. Sa réponse résonne encore dans ma tête : « Mais pour nous, les femmes de ce pays, les mathé­ma­tiques sont une émancipation. »


En illus­tra­tion : Cours de mathé­ma­tiques appli­quées d’au­to­ma­tique par Ugo Bos­cain du CMAP à l’É­cole poly­tech­nique. © École poly­tech­nique – J.Barande

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