Matières premières : l’indépendance à tout prix
La part de la Chine dans la consommation des matières premières agricoles est en ligne avec la population, aux écarts liés aux habitudes alimentaires près. Jusqu’à présent, le pays a réussi à mener une politique d’autosuffisance en céréales, mais les importations peuvent être essentielles pour certains produits (60% des importations mondiales de soja et 40% pour le coton).
La dépendance à l’égard du reste du monde devrait toutefois croître, avec notamment la hausse de la consommation de viande (60 kg aujourd’hui contre 100 kg en Europe) et des ressources locales qui se raréfient (terre, eau et population agricole vieillissante). À cet effet, le pays acquiert des terres arables à l’étranger et négocie des accords bilatéraux avec les principaux pays producteurs (préfinancements, partenariats, etc.).
Sur le plan national, il fait de l’amélioration de la productivité par le développement d’une agriculture rationnelle (consolidation des terres, développement des semences, infrastructures, etc.), accompagnée d’un programme de développement rural, une de ses priorités.
REPÈRES
Les prix mondiaux de nombreuses matières premières se sont envolés depuis une dizaine d’années. La croissance exceptionnellement forte de la demande chinoise, que très peu de producteurs avaient anticipée, a en effet créé de fortes tensions sur l’offre.
Plusieurs années de prix élevés ont suscité de nombreux projets, souvent mis en oeuvre ou financés par les Chinois eux-mêmes. La grande incertitude réside dans le niveau à venir de la demande et des importations chinoises.
Ce sont surtout les métaux, qui ont le plus profité de la croissance chinoise, qui risquent de souffrir d’un futur ralentissement.
Le règne du charbon
La Chine produit son électricité essentiellement à partir du charbon, dont elle représente 50% de la consommation mondiale. Les importations de charbon, effectuées pour des raisons d’économies logistiques (demande des zones côtières alors que les ressources sont en grande partie dans le Nord et l’Ouest), ont fortement crû depuis quelques années. Elles ne représentent certes qu’environ 6 % de la demande chinoise, mais près de 20% du commerce mondial ; leur évolution a donc un impact important sur les prix.
Un fort potentiel en offshore pétrolier
La part du gaz est encore très faible, mais devrait croître rapidement, via les importations (gazoducs, GNL) et surtout le développement des gaz de schiste dont le pays a des ressources considérables. La Chine ne représente que 11 % de la consommation de pétrole, notamment en raison d’un taux d’équipement en véhicules encore dix fois plus faible que dans les pays riches. La production nationale ne couvre qu’un peu plus de 40% des besoins (contre 70% en 2000), et la dépendance à l’égard des importations devrait augmenter, malgré un fort potentiel en offshore et l’essor très rapide des projets de liquéfaction du charbon.
Cela explique la présence croissante des pétroliers chinois à l’étranger, notamment en Afrique ou en Asie centrale, où ils devraient contrôler une production de 3 millions de barils par jour en 2015.
Métaux : une croissance explosive
Des changements en cours et à venir
- décélération de la croissance,
- baisse du taux d’investissement,
- hausse de la consommation de viande et de l’équipement des ménages en voitures,
- développement du gaz de schiste, de la liquéfaction du charbon, du pétrole offshore,
- achat de terres, de mines et de champs pétroliers à l’étranger,
- importance croissante des problématiques environnementales.
Les métaux constituent sans doute la singularité la plus remarquable. La croissance annuelle de presque 20 % depuis dix ans, très nettement supérieure à la hausse du PIB, a été tirée par l’investissement (construction d’immeubles, de ponts, de barrages, de lignes à haute tension, de machines, etc.), dont la part dans le PIB est passée de 33 % en 2000 à presque 50% en 2011, soit nettement plus que le Japon ou la Corée dans leur phase de décollage. Le taux d’urbanisation, qui a crû de 1% chaque année pour atteindre plus de 50 %, en a été un puissant moteur.
La conséquence a été l’envol des prix mondiaux, de 100 % à 400 % de croissance entre 2000 et 2008 selon les métaux, et une forte dépendance à l’égard du reste du monde, puisque la Chine importe en moyenne les deux tiers des métaux qu’elle consomme.
De grosses surcapacités de transformation dans la métallurgie
Remarquons que le déficit, et donc la marge, se trouvent au niveau des mines que les Chinois achètent et développent très activement en dehors de chez eux. En ce qui concerne les capacités de transformation (complexes sidérurgiques, fonderies de métaux de base), la Chine a créé de grosses surcapacités, profitant de coûts d’investissement au moins deux fois inférieurs au reste du monde et de financements faciles de la part des grandes banques étatiques. La transition vers une croissance tirée plus par la consommation que par l’investissement conduira à une nette décélération de la demande chinoise de métaux.
Des prévisions difficiles
La Chine conservera un fort potentiel de déstabilisation dans le futur, en raison de la taille de sa demande et de sa dépendance aux importations. En effet, de nombreuses incertitudes planent sur le niveau à venir de la croissance ainsi que sa composition sectorielle et ses moteurs. La capacité exceptionnelle de mobilisation et d’exécution du pays peut encore réserver des surprises. Tout va très vite dans ce pays, et avec le développement du gaz de schiste, de la liquéfaction du charbon ou de l’éolien, il est difficile de prévoir quelle sera la situation énergétique du pays dans une dizaine d’années.
Stratégie de sécurisation
La stratégie d’acquisition de ressources à l’étranger continuera à être mise en œuvre, car les dirigeants chinois ont l’obsession de l’indépendance. Les entreprises, souvent étatiques, reçoivent des financements massifs pour acheter et développer des terres agricoles, des mines ou des champs pétroliers en ex- URSS, en Indonésie, en Australie, en Afrique ou en Amérique du Sud. Au-delà de la volonté de sécurité, c’est aussi une façon de diversifier l’utilisation des énormes réserves de devises accumulées par le pays.