Maurice Bernard

Maurice Bernard (X48) pionnier de l’optoélectronique et homme de culture

Dossier : TrajectoiresMagazine N°795 Mai 2024
Par Henri-Jean DROUHIN (76)

Décé­dé le 3 mars 2024, Mau­rice Ber­nard fut une figure majeure de la phy­sique des semi-conduc­teurs et de la micro­élec­tro­nique. Vision­naire et homme de culture, il a eu un par­cours excep­tion­nel, très lié à l’École, et un enga­ge­ment constant dans la com­mu­nau­té polytechnicienne.

Maurice Ber­nard naît à Mont­pel­lier en 1928. Son père, Anto­nin, est X de la pro­mo­tion 1919 S. Après des études secon­daires à Alger, une pré­pa au lycée Saint-Louis, Mau­rice sort de l’X comme ingé­nieur des télé­com­mu­ni­ca­tions et pour­suit sa for­ma­tion à l’ENST. Sa ren­contre avec Pierre Aigrain, phy­si­cien qui don­na son essor en France à la phy­sique des semi-conduc­teurs, sera déter­mi­nante : celui-ci l’incite à pré­pa­rer une thèse de doc­to­rat puis le guide dans ses tra­vaux. En 1958, Mau­rice sou­tient sa thèse de doc­to­rat d’État ès sciences, sur les phéno­mènes de géné­ra­tion et de recom­bi­nai­son de por­teurs dans le ger­ma­nium, qui était à cette époque le maté­riau pri­vi­lé­gié pour le dévelop­pement des com­po­sants électroniques.

Un chercheur au rayonnement international

Sa plus célèbre contri­bu­tion scien­ti­fique est la condi­tion d’inversion de popu­la­tion dans les semi-conduc­teurs qu’il publie avec son élève en thèse, Georges Dur­ra­fourg (X52), en 1961. Ce résul­tat majeur, uni­ver­sel­le­ment connu aujourd’hui sous le nom de « condi­tion de Ber­nard et Dur­ra­fourg », ouvrit la voie à la concep­tion des lasers à semi-conduc­teurs. Dès l’année sui­vante, l’émission laser fut annon­cée, pra­ti­que­ment simul­ta­né­ment, par trois labo­ra­toires amé­ri­cains qui tra­vaillaient sur des jonc­tions à base d’arséniure de gal­lium, deve­nu aujourd’hui maté­riau clé de l’opto­électronique.

« Son implication dans l’enseignement de la physique à l’École a été de tout premier plan : il fut nommé maître de conférences en 1956, puis professeur en 1973. »

Mau­rice fut à l’origine d’autres per­cées dans le domaine de la phy­sique des défauts et des phé­no­mènes optiques non linéaires. Arri­vé en 1953 au Centre natio­nal d’études des télé­com­mu­ni­ca­tions (CNET) à Bagneux, il y fonde un labo­ra­toire dédié à la phy­sique des semi-conduc­teurs. Il devient plus tard res­pon­sable de l’orientation et du sui­vi des études menées au CNET et dans des labo­ra­toires indus­triels, jouant un rôle essen­tiel dans la mise en place du plan cir­cuits inté­grés fran­çais, de la créa­tion du CNET Mey­lan et du déve­lop­pe­ment des télé­communications par fibres optiques. Deve­nu direc­teur du CNET en 1978, il s’attache à y atti­rer des cher­cheurs du plus haut niveau, mène une poli­tique d’ouverture natio­nale et internationale. 

De 1983 à 1990, il est direc­teur de l’enseignement et de la recherche de l’X, années mar­quées par l’arrivée de Ber­nard Esam­bert (X54) à la pré­si­dence du conseil de l’X, lequel lan­ce­ra de grandes réformes qui ont mar­qué la fin du siècle. En 1990, Mau­rice prend la direc­tion du Labo­ra­toire de recherche des musées de France, met­tant la science au ser­vice de l’art. Il a été un ensei­gnant pas­sionné, dans de grandes écoles d’ingénieurs fran­çaises et des uni­ver­si­tés. Son impli­ca­tion dans l’enseignement de la phy­sique à l’École a été de tout pre­mier plan : il fut nom­mé maître de confé­rences en 1956, puis pro­fes­seur en 1973. Il assu­ra la pré­si­dence du dépar­te­ment de phy­sique de 1975 à 1977.

Un attachement profond à la communauté polytechnicienne

En 1987, avec Emma­nuel Gri­son (X37), il créa la Socié­té ami­cale de la biblio­thèque de l’X (Sabix) pour valo­ri­ser le patri­moine scienti­fique de l’École. Il en assu­me­ra la pré­si­dence en 1992 et pour­sui­vra l’œuvre de mise en valeur des archives et d’acquisition. Pas­sion­né d’histoire, il pré­si­de­ra le groupe X‑Histoire et Archéo­lo­gie. Homme de lettres, Mau­rice Ber­nard écri­vit divers ouvrages trai­tant de la for­ma­tion des élites, sujet qui lui tenait à cœur, ain­si qu’une auto­bio­gra­phie. Il fut pré­sident du comi­té édi­to­rial de La Jaune et la Rouge. J’ai eu la chance de tra­vailler avec lui. Mau­rice m’accorda très tôt sa confiance et ce fut le début d’interactions aus­si fruc­tueuses qu’amicales. C’est avec émo­tion que j’écris cet hom­mage. 


En savoir plus

On décou­vri­ra la créa­ti­vi­té bouillon­nante qui régnait alors dans ce nou­veau labo­ra­toire dans l’article de Pierre Baruch et Ludi­vine Ban­ti­gny, Pierre Aigrain et le Labo­ra­toire de phy­sique des solides de l’École nor­male supé­rieure Genèse et déve­lop­pe­ments des semi-conduc­teurs : 1948–1965. Bul­le­tin de la Socié­té Fran­çaise de Phy­sique, 136, 4 (2002) ; https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/2002/05/refdp_bsfp-136.pdf .

Étude des phé­no­mènes de recom­bi­nai­son et de géné­ra­tion dans les jonc­tions de ger­ma­nium p0-n0, Mau­rice G. A. Ber­nard, Annales des Télé­com­mu­ni­ca­tions, 15, 2 (1960) ; https://link.springer.com/article/10.1007/BF03021150 .

Georges Dur­ra­fourg (X52), pré­cur­seur des lasers à semi-conduc­teurs, Mau­rice Ber­nard, La Jaune et la Rouge, 728, 39 (2017) ; https://www.lajauneetlarouge.com/wp-content/uploads/2017/09/728-page-039.pdf .

Laser condi­tions in semi­con­duc­tors, Mau­rice, G. A. Ber­nard and Georges Dur­ra­fourg, Phys. Sta­tus Soli­di 1, 699 (1961) ; https://doi.org/10.1002/pssb.19610010703 .

The his­to­ry of laser condi­tions in Semi­con­duc­tors, Mau­rice Ber­nard, Semi­cond. Sci. Tech­nol. 27, 090201 (2012) ; https://iopscience.iop.org/article/10.1088/0268–1242/27/9/090201/pdf .

Connaître l’Histoire pour éclai­rer l’action, La Jaune et la Rouge, décembre 2007 ; https://www.lajauneetlarouge.com/wp-content/uploads/2012/07/630-page-074–075.pdf .

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