Mélancolie
« En dépit de sa verve et de sa bonne humeur, la gaîté de Molière laisse aux âmes pensives et profondes un arrière-goût de mélancolie… »
Antonin Rondelet, Réflexions de littérature, de philosophie, de morale et de religion.
« Mélancolie un jour s’achève, Mélancolie on n’y peut rien.
Chaque jour dans la fumée et dans l’alcool, on noie ses rêves,
Seul, jusqu’au matin… »
Pierre Dudan, Mélancolie (chanson).
Janáček, Bartók, Barrios
Qu’y a‑t-il de plus mélancolique que la musique pour guitare d’Amérique latine ? Sous le titre El Bohemio, Thibaut Garcia ressuscite pour nous un des maîtres de cette musique-là, le Paraguayen Agustín Barrios. À mi-chemin entre musique populaire et romantisme, Barrios séduit dès l’abord par ses mélodies exquises et ses harmonies sans fard. L’enregistrement comporte une vingtaine de pièces, parmi lesquelles se sont glissées trois transcriptions de Chopin, Schumann, Beethoven, clin d’œil à une Europe lointaine et admirée.
1 CD ERATO
Fazil Say et Patricia Kopatchinskaja sont des musiciens hors du commun, passionnés, passionnants. Il fallait de tels interprètes pour enregistrer deux œuvres qui ont marqué la première moitié du XXe siècle : la Sonate de Janáček et la Sonate n° 1 de Bartók, toutes deux composées en 1921. La Sonate de Bartók est proprement révolutionnaire par ses harmonies, ses rythmes, ses mélodies qui puisent dans le folklore hongrois : un chef‑d’œuvre, au sommet de l’œuvre de Bartók. La Sonate de Janáček, elle aussi inspirée par le folklore – tchèque –, est typique de la musique de la Mitteleuropa, tourmentée, déchirante. La Sonate n° 3 de Brahms complète ce disque, jouée comme du Debussy, impressionniste, avec des recherches de couleurs.
1 CD ALPHA-CLASSICS
Berg, Schoenberg, Hindemith, Chausson
Tandis que Brahms était resté, à la fin du XIXe siècle, fidèle au système tonal vieux de trois siècles, les débuts du XXe siècle sont témoins de véritables bouleversements de la composition musicale, avec la naissance de l’École de Vienne. Mais, en même temps que la forme explosait, ces œuvres nouvelles étaient toutes imprégnées d’un profond sentiment d’inquiétude, comme si elles anticipaient les grandes catastrophes à venir. En témoignent trois œuvres majeures que viennent d’enregistrer le Quatuor Emerson, la soprano Barbara Hannigan et le pianiste Bertrand Chamayou : le Quatuor op. 3 d’Alban Berg, le Quatuor n° 2 de Schoenberg – œuvre phare qui déclencha un scandale lors de sa création – et le cycle de lieder Melancholie de Paul Hindemith. La Chanson perpétuelle de Chausson, tribut d’un romantisme poignant au XIXe siècle finissant, complète le disque. Il sera le dernier des Emerson, qui se séparent fin octobre 2023 après plus de 40 ans de musique.
1 CD ALPHA-CLASSICS
Nicholas Angelich – Prokofiev
Dès les premières mesures de la Sonate n° 8 de Prokofiev, on reconnaît le toucher d’une extrême finesse de Nicholas Angelich. ‑Prokofiev était, on le sait, un pianiste virtuose à la technique d’acier, et ses interprètes privilégient en général cet aspect de sa musique, en jouant durement sans trop se soucier de la couleur. Ce n’est pas le cas d’Angelich qui a rassemblé, dans ce qui devait être un de ses derniers enregistrements, outre la Sonate n° 8, les Visions fugitives et dix pièces de la suite Roméo et Juliette. Les passages les plus virtuoses sont traités avec distance, on pourrait dire avec tendresse, et l’on voit là, rareté extrême, comment une technique transcendante peut savoir se faire oublier. Ce pianiste d’exception aura laissé une marque indélébile dans son époque, tout particulièrement par ses interprétations de Brahms et de Prokofiev. Nicholas Angelich nous a quittés en 2022, nous laissant le sentiment d’une indicible mélancolie.
1 CD ERATO