Météorologie et aéronautique
Météorologie et aéronautique partagent un même objet, l’atmosphère, et sont liées par une histoire commune. Chacune stimule l’autre dans une efficace recherche à la fois de sécurité et de meilleure performance économique. L’importance de l’espace aérien français donne à la France un rôle international majeur dans le domaine de la météorologie aéronautique.
Au sortir de la Première Guerre mondiale, l’industrie aéronautique et l’aviation françaises sont parmi les plus performantes du monde et leur développement encourage celui de la météorologie : sciences, moyens, services progressent pour l’aviation. L’assistance aux premières traversées de l’Atlantique démontre l’essor de la météorologie aéronautique. Depuis, l’aviation civile n’a cessé de stimuler l’innovation et les progrès techniques en météorologie, et de tirer bénéfice de services de plus en plus pointus, avec deux objectifs majeurs : sécurité et performance économique des opérations, en gérant au mieux les vents favorables et en évitant les aléas contraires. Préparation des plans de vol, assistance en vol, routage, formation des pilotes… sont autant de services qui visent à faciliter l’évolution des avions au sein de l’atmosphère, en croisière et en phases d’approche. Aujourd’hui les informations météo sont mises à jour en temps réel sur des tablettes mises à disposition des pilotes d’Air France et des plus grandes compagnies avant et durant le vol.
REPÈRES
La conquête de la 3e dimension a réuni la météorologie et l’aéronautique dès l’aube du xxe siècle : en 1898, découverte de la stratosphère et préfiguration des radiosondages actuels ; en 1909, traversée de la Manche… Citons aussi un immense personnage, Gustave Eiffel, qui s’intéressa d’abord au vent
pour le calcul des structures, puis devint à la fois un grand chercheur en ‑météorologie et un pionnier en soufflerie pour l’étude de l’aérodynamisme des premiers avions.
Les avions : des capteurs au service de la météo
Les avions sont de formidables moyens d’observation permettant de disposer de profils verticaux de l’atmosphère et de mesures en croisière (température, vent mais aussi composition atmosphérique) avec une résolution spatiale fine et une grande fréquence. Les observations des pilotes et les mesures embarquées ont largement contribué à faire progresser les recherches et les applications opérationnelles.
La densité des observations in situ en altitude reste en effet faible. Aussi, la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) et Météo-France œuvrent sans cesse à la consolidation de la mise à disposition des météorologues d’un flux opérationnel sur les données mesurées ou déduites des relevés des vols.
La France est un contributeur essentiel
Cette stimulante coopération gagnant-gagnant se donne aujourd’hui de nouveaux défis.
Les services français gèrent l’un des espaces aériens les plus grands d’Europe, avec les espaces méditerranéens et du pourtour atlantique que lui délègue l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). À cela s’ajoutent les espaces aériens d’outre-mer. Par ailleurs, le trafic contrôlé par la France connaît des évolutions structurelles importantes avec des variations marquées, aussi bien saisonnières, hebdomadaires, quotidiennes et horaires. Disposer d’informations météo enrichies est l’un des leviers importants pour faire face à ces enjeux capacitaires auxquels s’adossent aussi des impératifs économiques et environnementaux (réduction des émissions, du bruit). Et surtout les services météo se doivent d’être à la pointe pour accompagner une mission de service public où les enjeux de sécurité sont critiques.
La météo, enjeu majeur pour la sécurité aéronautique
La compréhension et la prévision des conditions atmosphériques adverses, de leurs effets sur les aéronefs et moteurs, demeurent des enjeux majeurs. L’activité convective entraîne un cortège de risques pour la navigation aérienne tels que la turbulence, le foudroiement, le givrage, les cristaux de glace, le cisaillement de vent, phénomènes qui peuvent également survenir en ciel dit « clair », ou être dramatiques en phase d’approche.
Le transport aérien est particulièrement gêné par la formation du brouillard qui conduit les aéroports à adopter un mode de fonctionnement dégradé, la Low Visibility Procedure ou LVP, avec un espacement plus grand des avions. Retards, annulations de vols, déroutements, mises en attente induisent des complications et surcoûts en cascade pour les compagnies et les passagers. Comment prévoir avec anticipation l’heure de formation et de dissipation d’une nappe de brouillard avec une précision de quelques centaines de mètres ? L’information sur la levée possible de procédure LVP même sur une seule des pistes d’un hub aéroportuaire peut en effet permettre la réallocation des vols et éviter la saturation.
Le givrage de tous les dangers
Un autre phénomène dangereux en aéronautique est le givrage. Il peut, par exemple, alourdir l’avion, déformer son profil aérodynamique, obstruer des capteurs essentiels. Il est dû à la présence dans les nuages d’eau sous forme liquide à des températures négatives (surfusion). Ce phénomène est bien connu mais aussi instable, et très diversifié. Il dépend des conditions météo, de la taille des gouttelettes d’eau nuageuses, mais aussi de paramètres propres à l’avion (vitesse, type d’avion, temps de vol passé sous certaines conditions, matériaux…). Des incidents sans dépôt de glace depuis les années 90 ont mis aussi en évidence un phénomène différent du givrage classique, dit de « cristaux de glace » se produisant à haute altitude. Une meilleure compréhension des phénomènes de formation de ces cristaux de glace permettra d’améliorer la détection et l’évitement des zones où se produisent ces phénomènes, zones peu visibles avec les radars actuels des avions, mais aussi la protection des avions et de leurs équipements en faisant évoluer les standards de certification. De tels progrès nécessitent le croisement des disciplines et la collaboration entre météorologues, chercheurs, pilotes, contrôleurs aériens, concepteurs d’équipements et avionneurs.
Cendres et éruptions solaires sous surveillance
D’autres phénomènes plus rares sont mis sous la surveillance attentive des météorologues. La France a une mission internationale de Centre d’avis de cendres volcaniques (VAAC) pour un secteur couvrant une partie de l’Europe, l’Asie, de l’océan Atlantique et la totalité de l’Afrique. Avec les données d’observation satellitaires et son modèle de chimie atmosphérique Mocage, Météo-France prévoit la trajectoire de dispersion des cendres très dangereuses pour les moteurs d’avion. Plus récemment, la France a été désignée par l’OACI comme centre mondial d’observation de la météorologie de l’espace, pour faire face aux risques liés à l’activité solaire. Une éruption solaire peut en effet générer plusieurs types d’impacts : perturbations des systèmes de géolocalisation et de communication (radio, satellite), augmentation du niveau de radiation du personnel et des passagers, perturbation de l’aviation en haute altitude.
Le trafic passagers va doubler en 15 ans
Les projections de l’Association du transport aérien international (IATA) indiquent que le nombre de passagers aériens va presque doubler d’ici 2036,
atteignant 7,8 milliards de voyageurs par an.
Des outils collaboratifs innovants
La météorologie aéronautique ne cesse donc d’ouvrir de nouvelles perspectives aux progrès scientifiques et techniques.
Elles ne doivent pas masquer le potentiel de l’innovation dans le domaine de la diffusion des services. Les progrès scientifiques n’ont de sens que s’ils se traduisent en infrastructures, outils et conseils adaptés aux besoins d’aide à la décision des acteurs de l’Aviation civile. L’ergonomie des vecteurs de diffusion est par exemple un facteur de compréhension de l’information météorologique. L’améliorer nécessite de faire dialoguer les expertises et l’action humaine. C’est ainsi que la DSNA et Météo-France animent un réseau collaboratif de contrôleurs et ingénieurs en vue de faire émerger et vivre des projets innovants. Il s’agit notamment de développer des systèmes intégrés permettant d’optimiser les flux de trafic par des portails multiapplicatifs qui peuvent être mis à disposition des contrôleurs, mais aussi des dispatcheurs des compagnies aériennes ou des gestionnaires de plateformes.
Échelle européenne et échelle mondiale
Les programmes européens SESAR (Single European Sky ATM Research) encouragent au développement d’interfaces entre les systèmes de navigation aérienne et les services météorologiques. Le programme TBS Lord est un système de régulation dynamique des avions à l’atterrissage tenant compte des conditions de vent qui sera mis en place sur la plateforme de CDG à l’horizon de 2021. Il s’agit dans un premier temps de réduire le temps de séparation entre deux avions sur une durée fixe, réduction applicable à partir de seuils de vent préalablement définis. Dans un deuxième temps, le système doit permettre de calculer en temps réel le temps de séparation entre deux avions à partir de profils de vent observés et prévus sur l’axe de descente. La France est aussi responsable du développement de la plateforme MET-GATE qui permettra, à l’horizon 2025, de disposer d’un point d’entrée unique, à l’échelle européenne, pour les données météo en format harmonisé à l’échelle mondiale dans un système global de gestion de l’information (System Wide Information Management ou SWIM).
Anticiper les menaces
Sécurité, innovation, conseil, interopérabilité, produits à haute valeur ajoutée, aide à la décision… Ces mots qui fédèrent le partenariat entre les femmes et les hommes de l’aéronautique et de la météorologie se déclineront demain dans de nouveaux défis. Le métier de déconfliction des trajectoires de vols s’exercera dans des espaces aériens étendus aux couches les plus basses (vols de drones) ou plus élevées (vols suborbitaux). Il aura à s’adapter à des usages futurs, civils ou militaires, professionnels ou de loisirs, avec de nouveaux aéronefs sans pilotes à bord. L’impératif de sécurité devra mesurer et anticiper de nouvelles menaces, telles que les cybermenaces. Le ciel est, depuis Léonard de Vinci, une formidable aventure humaine, et restera indubitablement un espace sensible de notre système Terre. Les experts de l’aéronautique et de la météorologie auront toujours en commun ce même regard tourné vers les nuages.
Sortir du brouillard grâce à l’ANR
L’ANR (Agence nationale de la recherche) finance un programme ambitieux de recherche, SOFOG3D, porté par Météo-France avec des partenaires français, anglais et italien. À compter d’octobre 2019 démarre une campagne d’observation de six mois pour mieux comprendre les processus à l’œuvre. Il s’agit de combiner des profils verticaux fournis par des instruments de télédétection innovants (radiomètre micro-onde, radar nuage et lidar Doppler) et par des mesures in situ sous ballons captifs, sur drones, ou issues d’un réseau dense de stations de surface, afin d’explorer notamment les hétérogénéités spatiales du brouillard. Le brouillard est en effet très difficile à prévoir ; présent par poche, il se forme ou se dissipe rapidement. Il met en jeu des processus complexes, en interaction avec la composition atmosphérique et la surface. Comprendre et prévoir le brouillard est un véritable défi scientifique. SOFOG3D combinera des observations 3D précises sur des natures de sols différentes (types de végétation, cours d’eau, relief) avec des simulations numériques 3D à résolution métrique.