« La diversité sous toutes ses formes est une véritable richesse »
Diversité, multiculturalité, parité et leadership sont au cœur du parcours de Marine Liang, CFO au sein de Michelin Chine. Dans cet entretien, elle nous en dit plus sur sa carrière professionnelle et ses missions, la place qu’occupent la parité et la diversité dans son entreprise. Rencontre.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?
Née en Chine, j’ai fait l’intégralité de mes études en France. Je suis titulaire d’un master de l’école de commerce parisienne ESLSCA où je me suis spécialisée dans les affaires internationales. J’ai ensuite complété ma formation avec un programme en finance que j’ai suivi à Wharton Business School. Mariée et mère de trois enfants, aujourd’hui, je vis à Shanghai où j’occupe les fonctions de CFO pour l’entité Grande Chine au sein du groupe Michelin.
Mes premières années dans le monde du travail m’ont permis d’acquérir et de développer mes compétences en occupant différentes fonctions dans le domaine de la finance : comptabilité, crédit, contrôle de gestion… Ces postes m’ont permis de comprendre l’importance de définir un bon planning et de s’y tenir de manière rigoureuse, de l’adaptabilité et de l’agilité. Au fil des années et des responsabilités qui m’ont été confiées, j’ai été confrontée à une plus forte dimension business. Cette nouvelle étape m’a permis de développer des compétences nouvelles et complémentaires à mes expertises métiers : l’écoute active, l’empathie, l’intelligence émotionnelle. Enfin, j’ai aussi la chance de bénéficier d’une certaine ouverture géographique et culturelle. J’ai travaillé et interagi avec des collègues d’abord en Europe du Sud, puis partout en Europe.
Au cours des 26 dernières années, j’ai eu la chance d’avoir un parcours multiculturel entre la France, l’Europe et la Chine. Ces expériences m’ont permis de forger une conviction forte qui est aujourd’hui un leitmotiv dans ma carrière : la diversité sous toutes ses formes est une véritable richesse.
Aujourd’hui, en quoi consistent vos fonctions ? Quel est votre périmètre d’action ?
Le groupe Michelin s’est établi en Chine continentale en 1989. Sur ce territoire, le groupe dispose d’un siège régional, cinq usines, un centre de R&D, un réseau de distribution. On retrouve aussi en Chine continentale de nombreux restaurants étoilés Michelin dans plusieurs villes.
En tant que CFO, je suis en charge de la fonction finance et je suis membre du comité de direction. Ma mission est d’assurer la réalisation et l’atteinte des objectifs fixés par le groupe à court et long terme. Sur un plan plus opérationnel, avec mes équipes, mon rôle consiste à superviser l’ensemble des activités financières : la comptabilité, la trésorerie, la fiscalité, le crédit, le contrôle de gestion, la conformité fiscale et comptable. Dans ce cadre, je suis amenée à interagir au quotidien avec notre CEO et les différents départements du groupe, mais aussi nos parties prenantes industrielles, économiques et politiques en Chine.
« Nous explorons différentes pistes afin de tirer profit du potentiel des nouvelles technologies au service de nos métiers. »
En parallèle, avec mon département, nous explorons différentes pistes afin de tirer profit du potentiel des nouvelles technologies au service de nos métiers. Nous nous intéressons notamment à l’IA, la robotisation et l’automatisation. En effet, comme de nombreux métiers et domaines, la finance se transforme sous l’impulsion de ces technologies qui ouvrent de nouvelles perspectives en termes de performance, de productivité et d’efficacité. Au-delà, elles impactent également nos relations comptables et économiques avec nos clients.
Au sein du groupe, il y a également une réflexion poussée autour de la question de la neutralité carbone et de la lutte contre le réchauffement climatique. La pandémie, les transitions, l’évolution des marchés et du comportement des consommateurs qui sont de plus en plus sensibles à ce sujet ont donné une nouvelle dynamique à la prise en compte de ces enjeux. Entreprise responsable, Michelin s’est saisi de ces thématiques depuis déjà plusieurs années. Par exemple, le groupe investit significativement dans l’énergie verte. Au niveau de la finance, cela se traduit par une prise en compte renforcée de la dimension ESG.
Justement, Michelin opère dans un secteur à la croisée de transitions majeures. Comment votre entreprise appréhende-t-elle ces sujets ?
Michelin est un groupe qui a vu le jour il y a déjà 130 ans. La longévité de l’entreprise s’explique par sa capacité à innover, à s’adapter et à se réinventer afin de répondre aux évolutions des marchés, de la demande et des consommateurs. Aujourd’hui, la Chine entre dans une nouvelle phase avec un très fort accent qui est mis sur la qualité. Fort de ce constat, Michelin a lancé de nombreuses initiatives et explore de nombreuses pistes afin de renforcer son positionnement dans cette zone stratégique pour le groupe. Cela se traduit par une accélération de sa transformation digitale afin de mieux répondre aux besoins et attentes de nos clients.
Nous avons, par exemple, mis à leur disposition une application développée en propre afin d’avoir une visibilité en temps réel sur les besoins immédiats des consommateurs et affiner en retour nos prévisions. Nous capitalisons aussi sur le potentiel technologique de l’IA pour aider nos clients à identifier plus rapidement le service ou le produit dont ils ont besoin. En parallèle, nous travaillons aussi sur la notion de « smart mobility » en développant des systèmes donnant la possibilité à nos clients de mieux gérer leur flotte, son exploitation et sa maintenance.
Nous sommes aussi très engagés en faveur de la neutralité carbone. 100 % de l’électricité que nous utilisons est verte (hydroélectricité, photovoltaïque…). Nous recyclons les eaux usées. D’autre part, nous contribuons à préserver la biodiversité en créant des zones et des parcs. Nous avons aussi lancé « l’Étoile verte » pour récompenser les restaurateurs ayant des pratiques durables et vertueuses sur le plan environnemental. Enfin, nous accordons aussi une attention particulière à l’humain dans une logique de symétrie des attentions afin de garantir la satisfaction de nos clients et de nos collaborateurs.
Comment votre entreprise appréhende-t-elle la question de la diversité, de l’inclusion et de la parité ? Quelles sont les actions déployées en ce sens ?
Michelin est très engagé sur ces sujets et déploie de nombreuses actions et initiatives en ce sens afin de créer un environnement de travail inclusif, paritaire et multiculturel. Le groupe s’est ainsi doté d’un indicateur, l’Inclusion and Diversity Management Index (IMDI), pour évaluer et mesurer ses progrès en termes de parité, d’inclusion des personnes en situation de handicap, de diversité… Au niveau du groupe, cet indicateur est, d’ailleurs, pris en compte dans le cadre de l’évaluation de la performance des différentes régions.
Plus particulièrement, afin de tendre vers une meilleure égalité des chances entre les femmes et les hommes, nous avons mis en place des programmes dédiés, comme Women Leadership et Gender Diversity in Sales. L’idée est ainsi de casser les idées reçues sur certains métiers ou fonctions dans l’entreprise, comme les commerciaux, les opérateurs dans les usines, afin que les femmes ne s’auto-censurent plus et se sentent légitimes à tous les niveaux de l’entreprise. Nous mettons ainsi en place des actions très concrètes en ce sens. Par exemple, dans les usines, nous avons réalisé un important travail sur l’ergonomie avec des investissements significatifs afin d’adapter les postes de travail aux opératrices et techniciennes.
« Nos programmes visent à valoriser les femmes dans l’entreprise dans une logique d’attraction et de fidélisation des talents féminins. »
Nos programmes visent également à valoriser les femmes dans l’entreprise dans une logique d’attraction et de fidélisation des talents féminins. Chaque année, Michelin Chine organise un forum autour de la question de la diversité, Women Can. Pour l’édition 2024, nous avons le plaisir de recevoir Patricia Crifo, économiste, professeure à Polytechnique, qui nous a parlé de ses travaux et recherches sur la neutralité carbone, les inégalités et qui a partagé avec nous son retour d’expérience en tant que femme dans le monde de l’enseignement et de la recherche.
Le groupe a la forte conviction que la féminisation de ses métiers et de son organisation est une démarche vertueuse et à forte valeur ajoutée. Aujourd’hui, dans le groupe Michelin, à une échelle mondiale, 30,6 % des managers sont des femmes. Parmi les 11 personnes du comité de direction du groupe, un quart des membres sont des femmes. Au cours des dix dernières années, la part des salariées femmes est passée de 15 à 20 %. Dans les fonctions commerciales et industrielles, où les taux sont les plus bas, nous sommes passés de 12 à 16 %. Enfin, dans mon département, nous avons près de 88 % de collaboratrices, alors que la moyenne mondiale au niveau de la finance est de 58 % !
Comment définiriez-vous votre style de management ? Pensez-vous qu’on puisse parler d’un leadership au féminin ?
Issue d’une double culture, je suis intimement convaincue que l’ouverture sur le monde et les autres est une véritable force dans le monde du travail. Elle facilite la communication et l’interaction avec les autres, la coopération et la collaboration. Elle contribue à créer la confiance dans les équipes et à renforcer l’engagement et l’implication des équipes. Cela contribue aussi à libérer la parole. C’est, par ailleurs, un sujet très important au niveau du groupe qui encourage l’ensemble des collaborateurs et des collaboratrices à exprimer leurs idées, leurs opinions, leurs questionnements et leurs doutes. Cette démarche permet de mieux appréhender les besoins, les aspirations, les enjeux et les craintes. En tant que manager, j’essaye aussi de promouvoir une culture de l’innovation afin que chacun puisse apporter sa pierre à l’édifice, être force de proposition et saisir les opportunités quand elles se présentent.
Enfin, en matière de leadership, il me semble qu’il existe de légères différences entre les hommes et les femmes, qui ont des sensibilités différentes en matière de bienveillance, d’empathie ou encore d’écoute active. En parallèle, dans les communautés féminines, il y a aussi une certaine volonté de promouvoir les autres femmes et de les aider à se dépasser.
En matière de management, comment votre entreprise accompagne-t-elle ses talents en termes de montée en compétences et de développement personnel ?
La montée en compétences et la gestion des talents sont au cœur des priorités de Michelin. Cela passe par des formations personnalisées et des parcours sur-mesure notamment pour les jeunes talents débutant dans la société, les nouveaux managers que nous accompagnons dans le cadre de programmes spécifiques d’une durée moyenne de 7 à 8 mois pour développer leur leadership, les hauts potentiels participant aux groupes de travail portant sur des sujets business d’actualité pendant 4 mois… sans oublier le recours à la pratique du mentoring et coaching pour renforcer le développement personnel.
Et pour conclure, un mot à nos lecteurs ?
Ce monde en profonde mutation, où les crises et les transitions se succèdent et s’accélèrent, est porteur d’opportunités et de challenges passionnants à relever. Dans ce contexte, il me semble important de développer son réseau et de ne pas avoir peur d’exprimer ses ambitions auprès de son management. Plus particulièrement, j’aimerais inviter les lectrices et les lecteurs à se valoriser et à se mettre en avant pour contribuer à construire le monde de demain.