Monde du vivant, Agriculture et société
Dans cet ouvrage novateur, les deux auteurs, que leur carrière a conduits à des fonctions de haute responsabilité administrative, technique et politique dans le secteur de l’agriculture et dans le milieu rural français, présentent un essai remarquable sur les perspectives que ne manquera pas d’ouvrir la généralisation qui s’annonce de la “pensée biologique” à quasiment tous les secteurs de l’activité humaine.
Partant de la situation de crise de la société contemporaine, les auteurs diagnostiquent que l’humanité est en train de passer de l’ère de la mécanique et de la matière inanimée à celle de la biologie et du vivant ; elle n’a pas intégré, ni dans ses comportements ni dans ses institutions, la prise en compte de “l’incommensurable valeur de la Vie”.
Une première partie de l’ouvrage, intitulée “Penser”, rapproche des événements récents et a priori indépendants survenus dans le monde et brosse un constat pessimiste de la société dont elle ébauche ensuite une reconstruction autour de “l’ère du vivant”, après avoir passé en revue les véritables pionniers (de Bergson à aujourd’hui) de la “biologie en tant que mode de pensée”.
Suit une “application” de ces réflexions, la plus immédiate car déjà traduite en actes pour partie, à l’agriculture et à l’évolution du monde agricole comme aussi du milieu rural, lesquels constituent ainsi un modèle où la dimension biologique rejoint les aspects spatiaux, temporels, relationnels qui conditionnent notre existence et notre devenir. Toute cette partie se conclut sur l’émergence d’une nouvelle éthique respectueuse de la Vie organisée.
Enfin, une seconde partie, intitulée “Agir”, qui couvre la moitié du livre, témoigne combien l’approche biologique peut appréhender sinon déjà résoudre les grands problèmes actuels. Elle se fonde sur l’idée, déjà très répandue, que le modèle de société libérale d’aujourd’hui, s’il est plus acceptable que tous les totalitarismes de ce siècle, n’est pas à même de résoudre les défis du monde de demain, qu’il les aggrave même (il est antibiologique, “autodestructeur de l’homme”) et qu’il est urgent mais malaisé de trouver d’autres voies. Sont ainsi décryptés dans cette problématique, notamment :
les solidarités nouvelles et le devoir d’ingérence, l’idéologie compétitiviste dans un contrat mondial, les modèles de développement et l’économie de marché, la Valeur et les ressources rares, les limites de la liberté, le coût de la croissance et le gouvernement de la Cité.
Au total, sous un titre quelque peu réducteur et dans un texte dense, les auteurs n’offrent pas une doctrine élaborée mais, comme ils le disent eux-mêmes, posent les bases d’une démarche qui mériterait d’être reprise et approfondie. Les pistes ouvertes à l’action comme à la réflexion sont en effet multiples et riches de promesses, fondant un véritable développement soutenable sur une culture élargie, un nouvel humanisme. Bref, un livre qui s’adresse à l’honnête homme autant qu’au décideur.