Move’n see, le robot caméraman
En 2011 Éric Willemenot (90) a créé Move’n see, une start-up qui a développé un robot caméraman destiné à faciliter l’usage de la vidéo en filmant des heures sans cadreur. Et pas seulement en sport, mais également pour les conférences, les cérémonies, les répétitions de spectacle et de danse, les vloggers, les journalistes, les télévisions… La start-up exporte 94 % de sa production !
Quelle est l’activité de Move’n see ?
Nous faisons des robots caméramans (à 800 euros pièce, donc à un tarif assez accessible) qui résolvent le problème du caméraman dont on ne dispose pas toujours. Trois quarts d’entre eux sont utilisés dans le cadre d’entraînements de sportifs, et le quart restant pour la scène : conférenciers, professeurs et pasteurs évangéliques. Nos robots caméramans sont fabriqués en France et nous en exportons la majeure partie (94 % très exactement), c’est assez exceptionnel pour le souligner.
Comment t’est venue l’idée ?
Tout d’abord par mon background : je suis ingénieur, depuis toujours très sportif, et passionné de vidéo depuis l’adolescence. Ensuite par un événement déclencheur : dix ans de parachutisme, domaine où la vidéo est utilisée de façon très approfondie. Puis en 2007 j’ai quitté Paris et je me suis installé près de Brest, où j’ai débuté le surf en prenant des cours où je n’étais jamais filmé. J’ai alors commencé une réflexion très floue qui a duré trois ans. Un matin de septembre 2010, je me suis réveillé avec l’idée d’un instrument qui filme tout seul depuis un trépied en orientant la caméra et en la faisant zoomer sans aucune intervention humaine.
Quel est le parcours des fondateurs ?
Je suis le seul fondateur. Après l’X, j’ai fait un DEA d’astrophysique, puis une thèse dans le domaine de l’instrumentation scientifique spatiale, suivie de trois années à l’Onera comme chef de projet sur un instrument scientifique pour un satellite. En 2000 j’ai été embauché dans une PME (Photonetics qui est ensuite devenue Ixsea, puis Ixblue) pour faire à peu près la même chose, mais dans l’industrie cette fois-ci. Plus tard j’ai eu la chance de pouvoir y diriger le département R & D avec 45 personnes, puis un site industriel à Brest et un autre à Lannion. Je les ai quittés en 2010 et j’ai créé Move’n see en mars 2011, après six mois de préparation.
Qui sont les concurrents ?
Il n’y en avait absolument aucun lors de la création. Et c’était très amusant car certains de mes interlocuteurs me disaient alors : « Ça ne marchera pas, un tel instrument ne peut pas exister, la preuve c’est que ça n’existe pas. » Puis dès 2012 les concurrents ont commencé à émerger, et heureusement, car lorsque l’on est seul sur un marché c’est qu’il n’y a pas de marché. Les deux principaux concurrents sont des start-up américaines apparues en 2012. On se « tire la bourre » depuis lors et on s’en sort très bien, puisqu’à titre d’exemple la Fédération équestre américaine a choisi de s’équiper avec nos instruments qui sont désormais pour eux un « outil officiel d’entraînement », ce qui n’est pas le cas des concurrents qui sont pourtant sur place aux USA.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Un premier robot qui ne fonctionne qu’en extérieur sorti en 2013, puis le lancement du Pixio qui marche aussi en indoor en 2015, au CES Las Vegas pour lui donner immédiatement le maximum d’impact international. Plus récemment, c’est une levée de fonds début 2020 pour étendre notre offre aux 200 sports avec des services purement numériques et un robot à base d’intelligence artificielle dédié aux sports collectifs comme le foot, le hand, le rugby, le basket, le hockey, etc.
Qu’est-ce que la vidéo change dans la pratique du sport ?
Le premier objectif de nos clients est d’avoir plus de vidéo pour améliorer les débriefings des entraînements et ainsi progresser beaucoup plus vite. Les autres usages sont en général la communication : blogs vidéo (appelés vlogs), influenceurs, sportifs sponsorisés qui doivent communiquer…, et le business, par exemple la vente de chevaux à distance, la vente de cours en ligne, l’autopromotion…
Et dans la retransmission d’événements sportifs, est-ce la même chose ?
Non, nos robots sont pour l’instant peu utilisés dans ce contexte car ils ont été conçus pour être légers et transportables, ce qui conduit à certaines limites, comme l’autonomie des batteries (trois heures), le poids assez limité des caméras utilisables (1 kg) et surtout la nécessité d’un tag radio porté par le ou les sportifs, ce qui complique l’utilisation sur des événements. Mais cela va changer avec notre nouvelle génération de robots dédiée aux sports collectifs, car cette fois il n’y aura pas de tag radio à porter.
Pourra-t-on un jour se passer de coach ou d’entraîneur ?
On considère en général qu’avoir plus de vidéo ne remplace pas le coaching. La vidéo est un outil de plus, qui permet d’accélérer la progression. Mais cette progression conserve les mêmes limites : si on est seul, on buttera sur ses propres limites, alors que si on a un coach on ira beaucoup plus loin. Et, si le coach utilise bien la vidéo, alors c’est le sommet puisque non seulement on va plus loin, mais on y va plus vite.
Tu pratiques de nombreux sports extrêmes, qu’est-ce que cela t’apporte dans la conduite de ton entreprise ?
Trois choses probablement : un esprit d’équipe qui s’est développé en partie grâce au sport et que je considère comme un enrichissement, un bien-être physique qui influence le mental, et une règle simple apprise en parachutisme et que j’applique en entreprise : un risque faible d’un problème grave ne doit être méprisé que si son coût de traitement est hors d’atteinte.
Cela fait presque dix années que ta société a été créée. Toujours la même niaque ?
Oui, car les journées ne se ressemblent pas et nous sommes toujours en phase d’innovation et de construction de choses nouvelles. Je répète toujours que l’entreprise est transformée tous les six mois, et pour l’instant ça fait dix ans que ça dure.