Duo violoncelle piano en Ehpad par des bénévoles de l’association Mus’Hope.

Mus’Hope : une initiative polytechnicienne qui allie musique et santé

Dossier : Environnement & sociétéMagazine N°787 Septembre 2023
Par Juliette LYNCH (X18)
Par Barbara RIALLAND (X18)

Faire entrer la musique dans les Ehpad. C’est l’objectif de l’association Mus’Hope, cofon­dée par deux poly­tech­ni­ciennes de la pro­mo 2018, Juliette Lynch et Bar­ba­ra Rial­land. Leur pas­sion pour la musique, accom­pa­gnée par la volon­té d’aider les autres, a ame­né à la nais­sance de ce pro­jet qui s’appuie sur un type de béné­vo­lat ori­gi­nal : amé­lio­rer le bien-être et le quo­ti­dien des per­sonnes hos­pi­ta­li­sées à tra­vers des moments musicaux.

Nous pre­nons la plume aujourd’hui pour vous pré­sen­ter l’association que nous avons créée il y a près de deux ans, dans un objec­tif huma­ni­taire, social et artis­tique. L’association Mus’Hope a vu le jour en juin 2021, comme point d’orgue à l’issue de deux ans d’activités pas­sion­nantes sur le cam­pus de l’École.

Genèse de l’association

Quelques mois avant le fameux Amphi­théâtre de départ (ADD), Bar­ba­ra Rial­land, actuelle pré­si­dente de l’association, s’est vue réflé­chir à son ave­nir. Nous avions eu une vie pas­sion­nante à Poly­tech­nique mais, du jour au len­de­main, nous allions tous être confron­tés au mar­ché du tra­vail, à la recherche d’appartement, à quit­ter l’émulation et l’esprit de groupe si pro­tec­teur que peut repré­sen­ter la vie de cam­pus. Au milieu de tous ces bou­le­ver­se­ments, nous allions éga­le­ment perdre une grosse par­tie de nos vies asso­cia­tives : les binets. 

C’est au milieu de ces réflexions que la solu­tion lui est appa­rue : il fal­lait qu’elle crée sa propre asso­cia­tion. Au rang de cela se trou­vaient la musique et l’entraide. L’X était une four­mi­lière à talents. C’est alors que l’idée a ger­mé : créer une asso­cia­tion ras­sem­blant des étu­diants musi­ciens et pro­po­ser des pres­ta­tions musi­cales béné­voles à des Ehpad ou à des centres de soins, avec l’appui des membres béné­voles. Un son­dage a été lan­cé, afin de ras­sem­bler les poly­tech­ni­ciens volon­taires et de consti­tuer un bureau d’association. Le bouche à oreille a aidé. Au mois de mai, l’association était consti­tuée : cinq membres pour le bureau (deux poly­tech­ni­ciennes, un étu­diant en his­toire, une étu­diante en méde­cine et une étu­diante en école de com­merce). En juin, les sta­tuts étaient dépo­sés et Mus’Hope était offi­ciel­le­ment une asso­cia­tion à but non lucra­tif de loi 1901.

Barbara, présidente et fondatrice de l’association (X18) :

Mon par­cours est celui d’une poly­tech­ni­cienne comme une autre, somme toute. Bons résul­tats scien­ti­fiques à l’école, on m’a pous­sée à faire une classe pré­pa­ra­toire aux grandes écoles, filière PCSI-PC, pen­dant laquelle mon tra­vail m’a ame­née à réus­sir le concours de l’X. Mais il y a un « mais ». J’ai tou­jours été bien plus tou­chée par la musique que par les sciences. Par le vio­lon­celle en par­ti­cu­lier, que je pra­tique depuis mes cinq ans. Il n’y a qu’avec lui que je me sens à ma place. Il n’y a qu’avec lui que j’ai l’impression de faire par­tie de quelque chose de plus grand que moi, que j’ai l’impression d’être utile au monde. Alors j’ai cher­ché à voir ce que je pou­vais faire de cette pas­sion, com­ment je pou­vais la par­ta­ger. Comme j’ai en per­ma­nence le sou­ci des autres, l’idée d’organiser des concerts en hôpi­taux et en Ehpad est venue assez natu­rel­le­ment. Quoi de mieux que d’offrir une paren­thèse dans le quo­ti­dien assez morne de ces per­sonnes qui n’ont sou­vent pas d’autre choix que d’être dans ces struc­tures ? Avec la béné­dic­tion de mon pro­fes­seur de vio­lon­celle, j’ai donc créé l’association Mus’Hope, en espé­rant appor­ter quelques moments hors du temps à ces rési­dents. « La musique est la langue des émo­tions », disait Emma­nuel Kant. Alors veillons à par­ta­ger cette langue – la plus belle à mes yeux – autant qu’on le peut.

Le fonctionnement de Mus’Hope

Le prin­cipe de l’association est simple : nous dis­po­sons d’une liste de dif­fu­sion avec les musi­ciens, ain­si que d’un cer­tain nombre d’Ehpad par­te­naires. Dès qu’un centre mani­feste un besoin de musi­cien pour une occa­sion quel­conque, il nous contacte. Nous entrons alors à notre tour en contact avec nos musi­ciens béné­voles, et ceux inté­res­sés et dis­po­nibles reviennent vers nous. Nous nous char­geons de la mise en place de l’organisation et il ne reste plus au musi­cien qu’à se rendre sur place pour jouer. Les musi­ciens sont libres de choi­sir leur pro­gramme, en s’assurant sim­ple­ment de la fai­sa­bi­li­té pra­tique. Tous types de for­ma­tions sont bien­ve­nus : pres­ta­tions en solo, en duo, en groupe, chant, etc.

La créa­tion de Mus’Hope, dans le contexte de la fin de crise Covid, a ren­du les débuts de l’association assez hou­leux. À ce jour, nous dis­po­sons d’une petite dizaine de centres par­te­naires. Nous com­men­çons, depuis six mois, à étof­fer notre réseau de musi­ciens. Nous sommes à pré­sent en contact avec de nom­breuses écoles en région pari­sienne : des étu­diants d’HEC, de l’Ensae, des Mines, de l’ESPCI, de Cen­trale ou encore de Sciences Po vont pro­chai­ne­ment venir gros­sir les rangs de nos béné­voles. Nous avons à notre actif une dizaine de concerts réa­li­sés en Ehpad et en hôpital.

Juliette, membre du bureau et cofondatrice de l’association (X18) :

J’ai un par­cours rela­ti­ve­ment clas­sique. Ayant sui­vi mes classes pré­pa­ra­toires dans un éta­blis­se­ment pari­sien, j’ai tou­jours nour­ri une forte pas­sion pour la musique, et plus spé­ci­fi­que­ment pour le pia­no. Durant une période de ma vie j’ai cares­sé l’espoir de deve­nir concer­tiste, mais un cer­tain manque de confiance dou­blé d’un esprit peu aven­tu­reux m’ont tou­jours frei­née dans cette entre­prise. J’ai par ailleurs un esprit d’entraide et social rela­ti­ve­ment déve­lop­pé, avec une atti­rance cer­taine pour le milieu médi­cal et pour les indi­vi­dus hos­pi­ta­li­sés ou blo­qués dans des struc­tures iso­lées. Et si j’aime beau­coup la musique, j’aime avant tout la par­ta­ger et rendre les audi­teurs heu­reux. On m’a dit assez tôt dans ma vie cette phrase : « La musique adou­cit les mœurs. » Je trouve cette doc­trine très à pro­pos et j’en vois quo­ti­dien­ne­ment la mani­fes­ta­tion. Il m’arrive très fré­quem­ment de retrou­ver le moral sim­ple­ment en écou­tant un mor­ceau ou en fre­don­nant une mélo­die qui m’est chère. À tra­vers de nom­breuses visites en struc­ture de soins, j’ai pu consta­ter la pau­vre­té des sti­mu­la­tions sen­so­rielles : les patients sont sou­vent sti­mu­lés intel­lec­tuel­le­ment ou phy­si­que­ment, mais rares sont les moments dédiés au délas­se­ment ou à la pra­tique cultu­relle. Fina­le­ment n’aimeraient-ils pas, eux aus­si, que des concerts s’offrent à leurs oreilles, ne serait-ce qu’une fois par an ? Si, vous aus­si, vous êtes per­sua­dés que la musique devrait aller à tous, lisez cet article et rejoi­gnez Mus’Hope !

L’avenir de l’association

À pré­sent, nous cher­chons à rendre notre asso­cia­tion plus impor­tante. En éten­dant le réseau de musi­ciens par­te­naires, nous avons pour ambi­tion de pro­po­ser plus de pres­ta­tions, avec notam­ment plus de flexi­bi­li­té dans les dates. Nous sommes conscients de la den­si­té d’activités et des contraintes d’emploi du temps nom­breuses des étu­diants, ce qui rend par­fois l’exercice excen­trique et digne d’un Tetris géant ! C’est la rai­son pour laquelle nous comp­tons sur l’amplification de l’association pour gagner en flexi­bi­li­té. Nous sommes éga­le­ment en train de nouer des par­te­na­riats et de cher­cher des sub­ven­tions, qui per­met­traient prin­ci­pa­le­ment à l’association de rem­bour­ser les dépla­ce­ments des musiciens.

Témoignage : Julien (X18), pianiste bénévole de l’association

J’aime jouer du pia­no. Cet ins­tru­ment fait par­tie de ma vie depuis mon enfance. J’ai joué à des audi­tions, des concerts, seul ou avec un groupe (à Poly-tech­nique ou ailleurs) ; mais j’ai sur­tout joué pour moi, parce que j’aime aigui­ser ma tech-nique ou pour le plai­sir de jouer avec des amis. Avec Mus’Hope, ce plai­sir se joint à l’utile et on égaie la jour­née des per­sonnes âgées dont le quo­ti­dien peut par­fois être mono­tone. On y joue des clas­siques, qui sont rapi­de­ment recon­nus par les pen­sion­naires (Bach, Rameau, Cho­pin), on y pia­note en chan­tant du jazz, du Mous­ta­ki… C’est une belle expé­rience qu’il me tarde de renouveler !

La musique en centres de soins : un besoin presque vital

Lors de mon stage de for­ma­tion humaine, j’avais pour mis­sion d’animer des ate­liers péda­go­giques auprès d’enfants hos­pi­ta­li­sés ou vivant en centre de soins. Ces ate­liers étaient pour ces petits une véri­table bouf­fée d’air frais, une paren­thèse dans leurs vies.

Pour cer­tains, le séjour n’est que tem­po­raire : réédu­ca­tion, réin­ser­tion, etc. Ils savent qu’ils retrou­ve­ront le par­fum des fleurs et la cha­leur du soleil. Mais l’attente est longue, par­fois dépri­mante. Pour d’autres, le séjour sera sans fin. Que leur offrir dans ce contexte d’attente ? S’ils ne peuvent pas sor­tir pour aller vers l’art ou la musique, alors il faut que la musique vienne à eux. Mais de manière un peu dif­fé­rente, un peu insolite.

En venant à eux leur pro­po­ser de la musique, nous leur offrons un élé­ment piquant, nou­veau, autre. Une alté­ri­té. Un nou­veau visage, une nou­velle pièce de musique, qu’ils pour­ront voir comme au concert. Cer­tains retrou­ve­ront le goût de leur pas­sé ; une rémi­nis­cence de leur jeu­nesse. Lors d’une de mes pres­ta­tions, une pen­sion­naire s’est mise à chan­ter en plein milieu du mor­ceau. Elle est venue me par­ler à la fin et m’a confes­sé que la valse que j’avais jouée lui avait rap­pe­lé sa jeu­nesse et les bals à Paris. J’ai vu son visage s’illuminer. Ces moments sont rares pour les pen­sion­naires ; et c’est cette rare­té qui en consti­tue la valeur.

Nous leur offrons un élément piquant, nouveau, autre.
Une altérité.

À mesure que nous pro­gres­sons dans la vie active, les occa­sions pour jouer en public se font de plus en plus rares. Se pro­je­ter dans un concert ou dans une pres­ta­tion en centre de soins, c’est aus­si redon­ner du souffle à notre propre envie de faire de la musique. J’ai moi-même retrou­vé la moti­va­tion pour tra­vailler des mor­ceaux grâce à la pers­pec­tive des concerts en Ehpad.

Si cet article vous a don­né envie, si vous sen­tez gran­dir en vous des envies de par­tage musi­cal, n’hésitez pas, rejoi­gnez-nous ! Si ce pro­jet vous ins­pire, mais que vous n’avez pas vous-même l’occasion de nous rejoindre, vous pou­vez en par­ler autour de vous !

Comme déjà dit plus haut, nous sommes inté­res­sés à la fois par des contacts en centre de san­té et par de nou­veaux bénévoles !


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