Mus’Hope : une initiative polytechnicienne qui allie musique et santé
Faire entrer la musique dans les Ehpad. C’est l’objectif de l’association Mus’Hope, cofondée par deux polytechniciennes de la promo 2018, Juliette Lynch et Barbara Rialland. Leur passion pour la musique, accompagnée par la volonté d’aider les autres, a amené à la naissance de ce projet qui s’appuie sur un type de bénévolat original : améliorer le bien-être et le quotidien des personnes hospitalisées à travers des moments musicaux.
Nous prenons la plume aujourd’hui pour vous présenter l’association que nous avons créée il y a près de deux ans, dans un objectif humanitaire, social et artistique. L’association Mus’Hope a vu le jour en juin 2021, comme point d’orgue à l’issue de deux ans d’activités passionnantes sur le campus de l’École.
Genèse de l’association
Quelques mois avant le fameux Amphithéâtre de départ (ADD), Barbara Rialland, actuelle présidente de l’association, s’est vue réfléchir à son avenir. Nous avions eu une vie passionnante à Polytechnique mais, du jour au lendemain, nous allions tous être confrontés au marché du travail, à la recherche d’appartement, à quitter l’émulation et l’esprit de groupe si protecteur que peut représenter la vie de campus. Au milieu de tous ces bouleversements, nous allions également perdre une grosse partie de nos vies associatives : les binets.
C’est au milieu de ces réflexions que la solution lui est apparue : il fallait qu’elle crée sa propre association. Au rang de cela se trouvaient la musique et l’entraide. L’X était une fourmilière à talents. C’est alors que l’idée a germé : créer une association rassemblant des étudiants musiciens et proposer des prestations musicales bénévoles à des Ehpad ou à des centres de soins, avec l’appui des membres bénévoles. Un sondage a été lancé, afin de rassembler les polytechniciens volontaires et de constituer un bureau d’association. Le bouche à oreille a aidé. Au mois de mai, l’association était constituée : cinq membres pour le bureau (deux polytechniciennes, un étudiant en histoire, une étudiante en médecine et une étudiante en école de commerce). En juin, les statuts étaient déposés et Mus’Hope était officiellement une association à but non lucratif de loi 1901.
Barbara, présidente et fondatrice de l’association (X18) :
Mon parcours est celui d’une polytechnicienne comme une autre, somme toute. Bons résultats scientifiques à l’école, on m’a poussée à faire une classe préparatoire aux grandes écoles, filière PCSI-PC, pendant laquelle mon travail m’a amenée à réussir le concours de l’X. Mais il y a un « mais ». J’ai toujours été bien plus touchée par la musique que par les sciences. Par le violoncelle en particulier, que je pratique depuis mes cinq ans. Il n’y a qu’avec lui que je me sens à ma place. Il n’y a qu’avec lui que j’ai l’impression de faire partie de quelque chose de plus grand que moi, que j’ai l’impression d’être utile au monde. Alors j’ai cherché à voir ce que je pouvais faire de cette passion, comment je pouvais la partager. Comme j’ai en permanence le souci des autres, l’idée d’organiser des concerts en hôpitaux et en Ehpad est venue assez naturellement. Quoi de mieux que d’offrir une parenthèse dans le quotidien assez morne de ces personnes qui n’ont souvent pas d’autre choix que d’être dans ces structures ? Avec la bénédiction de mon professeur de violoncelle, j’ai donc créé l’association Mus’Hope, en espérant apporter quelques moments hors du temps à ces résidents. « La musique est la langue des émotions », disait Emmanuel Kant. Alors veillons à partager cette langue – la plus belle à mes yeux – autant qu’on le peut.
Le fonctionnement de Mus’Hope
Le principe de l’association est simple : nous disposons d’une liste de diffusion avec les musiciens, ainsi que d’un certain nombre d’Ehpad partenaires. Dès qu’un centre manifeste un besoin de musicien pour une occasion quelconque, il nous contacte. Nous entrons alors à notre tour en contact avec nos musiciens bénévoles, et ceux intéressés et disponibles reviennent vers nous. Nous nous chargeons de la mise en place de l’organisation et il ne reste plus au musicien qu’à se rendre sur place pour jouer. Les musiciens sont libres de choisir leur programme, en s’assurant simplement de la faisabilité pratique. Tous types de formations sont bienvenus : prestations en solo, en duo, en groupe, chant, etc.
La création de Mus’Hope, dans le contexte de la fin de crise Covid, a rendu les débuts de l’association assez houleux. À ce jour, nous disposons d’une petite dizaine de centres partenaires. Nous commençons, depuis six mois, à étoffer notre réseau de musiciens. Nous sommes à présent en contact avec de nombreuses écoles en région parisienne : des étudiants d’HEC, de l’Ensae, des Mines, de l’ESPCI, de Centrale ou encore de Sciences Po vont prochainement venir grossir les rangs de nos bénévoles. Nous avons à notre actif une dizaine de concerts réalisés en Ehpad et en hôpital.
Juliette, membre du bureau et cofondatrice de l’association (X18) :
J’ai un parcours relativement classique. Ayant suivi mes classes préparatoires dans un établissement parisien, j’ai toujours nourri une forte passion pour la musique, et plus spécifiquement pour le piano. Durant une période de ma vie j’ai caressé l’espoir de devenir concertiste, mais un certain manque de confiance doublé d’un esprit peu aventureux m’ont toujours freinée dans cette entreprise. J’ai par ailleurs un esprit d’entraide et social relativement développé, avec une attirance certaine pour le milieu médical et pour les individus hospitalisés ou bloqués dans des structures isolées. Et si j’aime beaucoup la musique, j’aime avant tout la partager et rendre les auditeurs heureux. On m’a dit assez tôt dans ma vie cette phrase : « La musique adoucit les mœurs. » Je trouve cette doctrine très à propos et j’en vois quotidiennement la manifestation. Il m’arrive très fréquemment de retrouver le moral simplement en écoutant un morceau ou en fredonnant une mélodie qui m’est chère. À travers de nombreuses visites en structure de soins, j’ai pu constater la pauvreté des stimulations sensorielles : les patients sont souvent stimulés intellectuellement ou physiquement, mais rares sont les moments dédiés au délassement ou à la pratique culturelle. Finalement n’aimeraient-ils pas, eux aussi, que des concerts s’offrent à leurs oreilles, ne serait-ce qu’une fois par an ? Si, vous aussi, vous êtes persuadés que la musique devrait aller à tous, lisez cet article et rejoignez Mus’Hope !
L’avenir de l’association
À présent, nous cherchons à rendre notre association plus importante. En étendant le réseau de musiciens partenaires, nous avons pour ambition de proposer plus de prestations, avec notamment plus de flexibilité dans les dates. Nous sommes conscients de la densité d’activités et des contraintes d’emploi du temps nombreuses des étudiants, ce qui rend parfois l’exercice excentrique et digne d’un Tetris géant ! C’est la raison pour laquelle nous comptons sur l’amplification de l’association pour gagner en flexibilité. Nous sommes également en train de nouer des partenariats et de chercher des subventions, qui permettraient principalement à l’association de rembourser les déplacements des musiciens.
Témoignage : Julien (X18), pianiste bénévole de l’association
J’aime jouer du piano. Cet instrument fait partie de ma vie depuis mon enfance. J’ai joué à des auditions, des concerts, seul ou avec un groupe (à Poly-technique ou ailleurs) ; mais j’ai surtout joué pour moi, parce que j’aime aiguiser ma tech-nique ou pour le plaisir de jouer avec des amis. Avec Mus’Hope, ce plaisir se joint à l’utile et on égaie la journée des personnes âgées dont le quotidien peut parfois être monotone. On y joue des classiques, qui sont rapidement reconnus par les pensionnaires (Bach, Rameau, Chopin), on y pianote en chantant du jazz, du Moustaki… C’est une belle expérience qu’il me tarde de renouveler !
La musique en centres de soins : un besoin presque vital
Lors de mon stage de formation humaine, j’avais pour mission d’animer des ateliers pédagogiques auprès d’enfants hospitalisés ou vivant en centre de soins. Ces ateliers étaient pour ces petits une véritable bouffée d’air frais, une parenthèse dans leurs vies.
Pour certains, le séjour n’est que temporaire : rééducation, réinsertion, etc. Ils savent qu’ils retrouveront le parfum des fleurs et la chaleur du soleil. Mais l’attente est longue, parfois déprimante. Pour d’autres, le séjour sera sans fin. Que leur offrir dans ce contexte d’attente ? S’ils ne peuvent pas sortir pour aller vers l’art ou la musique, alors il faut que la musique vienne à eux. Mais de manière un peu différente, un peu insolite.
En venant à eux leur proposer de la musique, nous leur offrons un élément piquant, nouveau, autre. Une altérité. Un nouveau visage, une nouvelle pièce de musique, qu’ils pourront voir comme au concert. Certains retrouveront le goût de leur passé ; une réminiscence de leur jeunesse. Lors d’une de mes prestations, une pensionnaire s’est mise à chanter en plein milieu du morceau. Elle est venue me parler à la fin et m’a confessé que la valse que j’avais jouée lui avait rappelé sa jeunesse et les bals à Paris. J’ai vu son visage s’illuminer. Ces moments sont rares pour les pensionnaires ; et c’est cette rareté qui en constitue la valeur.
“Nous leur offrons un élément piquant, nouveau, autre.
Une altérité.”
À mesure que nous progressons dans la vie active, les occasions pour jouer en public se font de plus en plus rares. Se projeter dans un concert ou dans une prestation en centre de soins, c’est aussi redonner du souffle à notre propre envie de faire de la musique. J’ai moi-même retrouvé la motivation pour travailler des morceaux grâce à la perspective des concerts en Ehpad.
Si cet article vous a donné envie, si vous sentez grandir en vous des envies de partage musical, n’hésitez pas, rejoignez-nous ! Si ce projet vous inspire, mais que vous n’avez pas vous-même l’occasion de nous rejoindre, vous pouvez en parler autour de vous !
Comme déjà dit plus haut, nous sommes intéressés à la fois par des contacts en centre de santé et par de nouveaux bénévoles !