Musicothérapie
Depuis les temps bibliques – David calme les agitations du roi Saül en jouant de la harpe – et l’Antiquité grecque – Platon et Aristote ont théorisé l’influence de la musique sur les passions et la moralité – et chinoise qui associe, en gros, la fréquence des notes aux organes du corps humain, jusqu’à la France des années 1950 où l’on a commencé à soigner certaines affections – pas seulement psychiatriques – par la musique, notamment la maladie de Parkinson, la musicothérapie a acquis droit de cité.
Des universités – en France Montpellier et Nantes – délivrent aujourd’hui des diplômes de musicothérapie. Qui d’entre nous n’a jamais écouté un disque pour éliminer le stress, dissiper le vague à l’âme ou provoquer une décharge d’adrénaline ?
La Rage de vivre
La pochette du dernier disque des Dixieland Seniors affirme que son écoute « fera faire des économies à la Sécurité sociale ». Et il est vrai que ce sextette désormais mythique et plus vivant que jamais, issu de la promo 45 dont deux anciens jouent encore dans le groupe – François Mayer, trombone et Jacques Napoly, banjo – rayonne l’optimisme et la joie de vivre qui sont la marque du jazz New Orleans1.
Des standards connus – Really the blues, qui rend hommage au vieil enregistrement de Mezz Mezzrow et Tommy Ladnier, Chatanooga Stomp, Somebody stole my gal – et des thèmes moins connus comme Little Lawrence de Jelly Roll Morton, Mojo Blues de Tommy Ladnier, sont l’occasion de très beaux chorus de Daniel Pélissier au cornet et Gilbert Lévy à la clarinette.
Ce 4e disque est de très loin le meilleur des Dixie Seniors, le plus achevé. Rappelons que l’on peut entendre les Dixieland Seniors le 3e mercredi de chaque mois au Petit Journal Saint-Michel (exceptionnellement le 4e mercredi en février 2013).
Schubert et Bartok
Saviez-vous que Schubert avait écrit 13 symphonies ? 6 sont restées inachevées dont 5 impossibles à exécuter, l’Inachevée étant la seule des 6 dont deux mouvements entiers aient été terminés. Jos Van Immerseel et l’Anima Eterna Brugge ont enregistré en 1997 une intégrale des 8 symphonies « jouables » qui est publiée à nouveau aujourd’hui2.
Immerseel s’applique, on le sait, à renouveler les interprétations des grandes œuvres en les débarrassant des scories accumulées au cours du temps par des éditeurs et des chefs approximatifs plus soucieux de se conformer à la mode de leur temps que d’authenticité.
Il a ainsi consacré beaucoup de temps et de moyens à rechercher et restituer les données du temps de Schubert : hauteur du diapason (à 440), instrumentarium, taille de l’orchestre (pas plus de 35 cordes, pas de doublement des vents si cela n’est pas spécifié dans le manuscrit, soit au total un effectif de 50 musiciens au maximum, rupture fondamentale avec les habitudes contemporaines), recherche approfondie pour retrouver le tempo voulu par Schubert, etc.
Le résultat est exceptionnel de clarté et de rigueur : un Schubert symphonique comme vous ne l’avez jamais entendu.
Schubert s’est inspiré pour une part – on le sait peu – de la musique tzigane. C’est dans la musique populaire et donc en partie dans cette même musique tzigane que, un siècle plus tard, Bartok puise les thèmes de nombre de ses œuvres, dont les 44 Duos pour violon que viennent d’enregistrer Jan Talich, premier violon du Quatuor Talich, et Agnès Pika3.
Cette interprétation est totalement différente de celle de Gérard Poulet et Régis Pasquier naguère évoquée dans ces colonnes : celle-ci était sage et posée, typiquement française, propre à calmer un esprit agité ; celle-là est beaucoup moins académique, vibrante, vraiment tzigane : un excitant.
Musique médiévale
On ne connaît guère la musique du Moyen Âge qu’à travers des pseudo-reconstitutions pour les besoins d’un film, ou bien par de sympathiques mais souvent laborieuses restitutions archéologiques.
L’ensemble Millenarium et ses partenaires publient une somme qui couvre la totalité du spectre de la musique médiévale et qui fera date4 : Chansons de troubadours et danses de jongleurs, dont les chansons du célèbre Bernard de Ventadorn ; Chansons de trouvères et danses de ménestrels ; Carmina Burana, extraits des originales (et non, bien sûr, celles de Carl Orff) ; des Danses instrumentales virtuoses ; l’extraordinaire Llibre Vermell de Montserrat, pièces anonymes et collectives à caractère religieux ; enfin un disque consacré aux Maîtres de l’organetto florentin.
L’intelligence de Millenarium est d’avoir adapté ces pièces à notre époque et de les avoir rendues audibles sans les déformer, en en conservant l’esprit plus que la lettre.
Tout comme dans bien des domaines, en particulier celui de la cuisine, ce coffret, accompagné d’un livret très savant, témoigne de l’extraordinaire richesse d’une époque que la Renaissance puis les Lumières ont voulu faire passer pour pauvre et obscurantiste.
À lui seul, il constitue, contre la bêtise et le préjugé, une belle et salutaire thérapie.
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1. 1 CD – Tél. : 06 09 81 86 00.
2. 4 CD ZIG ZAG.
3. 1 CD INDESENS.
4. 7 CD RICERCAR.