Nanosciences et nanotechnologies

Dossier : La physique au XXIe siècleMagazine N°604 Avril 2005
Par Jean-Yves MARZIN (75)

Les nano­struc­tures, objets dont les dimen­sions carac­té­ris­tiques dans une ou plu­sieurs direc­tions de l’es­pace sont de l’ordre de quelques nano­mètres, ne sont pas uni­que­ment arti­fi­cielles ou le fruit de tech­niques nou­velles : la nature nous en donne de nom­breux exemples, comme la struc­ture des ailes de papillons, et l’homme en uti­lise depuis l’an­ti­qui­té, des fards égyp­tiens aux nano­cris­taux colo­rant cer­tains verres.

Les vingt der­nières années ont tou­te­fois vu des avan­cées extra­or­di­naires dans les domaines de leur éla­bo­ra­tion, de leur obser­va­tion et de l’é­tude de leurs pro­prié­tés. Puits ou boîtes quan­tiques de semi-conduc­teurs et nano­tubes de car­bone sont une bonne illus­tra­tion de ce que sont ces objets : leurs pro­prié­tés ne se résument ni à celle des maté­riaux mas­sifs, ni à celle des atomes qui les consti­tuent, et leurs spé­ci­fi­ci­tés n’ap­pa­raissent que pour des dimen­sions inter­mé­diaires de quelques nano­mètres. Cette échelle est évi­dem­ment liée aux gran­deurs carac­té­ris­tiques impor­tantes qui sont de cet ordre de gran­deur : lon­gueur d’onde ther­mique de De Bro­glie pour un élec­tron de conduc­tion dans un métal ou un semi-conduc­teur, lon­gueur d’onde de la lumière visible dans un diélec­trique, etc. Elle l’est éga­le­ment lors­qu’on cherche à dis­po­ser de sonde pour des méca­nismes à cette échelle, par exemple suivre le tra­jet intra­cel­lu­laire de molé­cules bio­lo­giques, détec­ter des sites de per­méa­bi­li­té mem­bra­naire, etc.

Surface de matériau organique (TTFTCNQ) à 63K observée en microscopie tunnel.
Sur­face de maté­riau orga­nique (TTFTCNQ) à 63K obser­vée en micro­sco­pie tun­nel. On y observe clai­re­ment les chaînes uni­di­men­sion­nelles (ver­ti­cales sur l’image) qui confèrent à ce maté­riau des pro­prié­tés de trans­port unidimensionnelles

De ces avan­cées, qui ont ou auront des impacts forts dans tous les domaines des sciences et tech­niques, est né un nou­veau champ inter­dis­ci­pli­naire, celui des nanos­ciences et nano­tech­no­lo­gies. La plu­part des pays indus­tria­li­sés, des USA au Japon, mais aus­si l’U­nion euro­péenne ont pla­cé ce domaine émergent au rang de prio­ri­té tant ses poten­tia­li­tés sont de nature à débou­cher sur de nou­velles décou­vertes scien­ti­fiques comme à induire des tech­niques et pro­duits révo­lu­tion­nant leurs éco­no­mies mais aus­si, in fine, notre mode de vie. Si la dis­ci­pline à l’hon­neur dans cette année mon­diale de la phy­sique en a été le prin­ci­pal moteur, les domaines de la chi­mie et de la bio­lo­gie en sont éga­le­ment à la fois des acteurs et des bénéficiaires.

Désor­mais entrées dans notre quo­ti­dien, du tran­sis­tor qui ampli­fie le signal hyper­fré­quence de nos télé­phones por­tables au laser qui per­met de lire et d’é­crire disques com­pacts et DVD, aux têtes de lec­ture des disques durs de nos ordi­na­teurs, les nanos­ciences ont aus­si débou­ché sur leur lot de décou­vertes fon­da­men­tales : effet Hall quan­tique entier et frac­tion­naire, magné­to­ré­sis­tance géante… Les pers­pec­tives ouvertes sont mul­tiples et les enjeux poten­tiel­le­ment colos­saux, les ques­tions ouvertes nombreuses.
Comme sou­vent, ces avan­cées ont été tirées par des inven­tions tech­niques mais aus­si par des évo­lu­tions liées aux appli­ca­tions à impact éco­no­mique fort comme la micro­élec­tro­nique ou les télé­com­mu­ni­ca­tions. Les para­graphes qui suivent tentent d’illus­trer les dif­fé­rents grands domaines inves­tis pro­gres­si­ve­ment par les nanos­ciences et nanotechnologies.

Les outils pour travailler à l’échelle du nanomètre

Structure de type transistor à nanotube de carbone :
Struc­ture de type tran­sis­tor à nano­tube de car­bone : le cou­rant pas­sant dans le nano­tube entre les deux contacts de gauche et de droite est modu­lé par la grille cen­trale dépo­sée sur le nanotube.

Une pre­mière évo­lu­tion forte a été ame­née par la mise au point, à par­tir des années 1970, de tech­niques d’é­la­bo­ra­tion de couches minces avec un contrôle nano­mé­trique des épais­seurs dépo­sées : hété­ro­struc­tures de semi-conduc­teurs ou métal­liques sont nées de la mise au point, entre autres, de l’é­pi­taxie par jets molé­cu­laires ou à par­tir d’or­ga­no­mé­tal­liques. Les phy­si­ciens et les ingé­nieurs ont pu, ain­si, conce­voir des empi­le­ments de maté­riaux où sont contrô­lés ou exploi­tés les effets quan­tiques se mani­fes­tant à cette échelle, et construire, à la demande, des hété­ro­struc­tures aux pro­prié­tés des­si­nées à la demande (mais qui ont quel­que­fois réser­vé des sur­prises… comme l’ef­fet Hall quantique).

La deuxième révo­lu­tion, fruit de l’obs­ti­na­tion de quelques cher­cheurs, sous le regard il faut bien le dire incré­dule de leurs pairs, a été la mise au point des micro­sco­pies » à pointe « , au pre­mier rang des­quelles la micro­sco­pie tun­nel, qui per­met d’é­ta­blir sur une sur­face la car­to­gra­phie de la den­si­té élec­tro­nique, avec une réso­lu­tion sub­na­no­mé­trique. Ses dif­fé­rentes décli­nai­sons : micro­sco­pie à force ato­mique, à force magné­tique ou élec­tro­sta­tique, micro­sco­pie à champ proche optique sont deve­nues autant d’ou­tils pour scru­ter et mani­pu­ler la matière à l’é­chelle nano­mé­trique. Ces outils, dis­po­nibles dans de nom­breux labo­ra­toires, ont sou­vent aus­si per­mis d’ap­por­ter un éclai­rage nou­veau, à l’é­chelle micro­sco­pique, sur des obser­va­tions anciennes à l’é­chelle macroscopique.

D’autres évo­lu­tions impor­tantes concernent les outils plus tra­di­tion­nels. En micro­sco­pie élec­tro­nique, on est en passe d’at­teindre (grâce à des tech­niques de cor­rec­tion des aber­ra­tions) la réso­lu­tion ato­mique avec une déter­mi­na­tion pos­sible de la nature chi­mique des atomes son­dés. Les tech­niques de litho­gra­phie qui per­mettent de des­si­ner un motif sur une sur­face et de l’y trans­fé­rer (par gra­vure, par exemple) ont vu la mise au point de nano­mas­queurs (à fais­ceau d’élec­trons ou d’ions) très per­for­mants attei­gnant des réso­lu­tions de l’ordre de la dizaine de nano­mètres. Ces der­niers ins­tru­ments per­mettent de réa­li­ser les » masques » répli­qués en masse pour pro­duire micro­pro­ces­seurs et mémoires vives de nos ordi­na­teurs : dans un mar­ché colos­sal où une petite aug­men­ta­tion de la den­si­té des cir­cuits pro­duits se tra­duit par des mil­liards d’eu­ros de chiffre d’af­faires sup­plé­men­taire, les pro­grès tech­niques ont été natu­rel­le­ment for­te­ment sti­mu­lés et rapides. Une des consé­quences impor­tantes de l’exis­tence de ces nou­veaux outils, plus scien­ti­fique celle-là, est que nous pou­vons désor­mais avoir accès aux pro­prié­tés d’ob­jets nano­mé­triques indi­vi­duels, contour­nant les effets de moyenne d’en­semble domi­nant sou­vent celles de col­lec­tions d’ob­jets pré­sen­tant une grande varia­bi­li­té de mor­pho­lo­gie, de com­po­si­tion, d’environnement…

Un autre point impor­tant est que micro­sco­pie à pointe et tech­niques de litho­gra­phie per­mettent de cou­pler ces objets au monde macro­sco­pique (avec toutes les pro­blé­ma­tiques sous-jacentes : décohérence…).

Nanostructures et nanosystèmes

Les struc­tures à puits quan­tiques, et plus géné­ra­le­ment les hété­ro­struc­tures de semi-conduc­teurs, et leurs appli­ca­tions dans les domaines des com­po­sants micro et opto­élec­tro­niques, les mul­ti­couches de maté­riaux magné­tiques essen­tielles pour le sto­ckage de l’in­for­ma­tion ont été les pre­miers objets per­mis par les évo­lu­tions citées pré­cé­dem­ment. Désor­mais, les phy­si­ciens et les chi­mistes (les pre­miers par les tech­niques d’é­pi­taxie, les deuxièmes par des tech­niques de chi­mie douce) sont à même d’é­la­bo­rer des boîtes quan­tiques, illus­tra­tion (presque) par­faite des pre­miers exer­cices de cours de méca­nique quan­tique : la loca­li­sa­tion des élec­trons dans ces struc­tures se tra­duit par des effets de confi­ne­ment per­met­tant d’in­fluer par leur taille sur leurs pro­prié­tés électroniques.

Dans les domaines tra­di­tion­nels de l’élec­tro­nique ou du sto­ckage de l’in­for­ma­tion, les tailles des élé­ments consti­tu­tifs sont d’ores et déjà lar­ge­ment sub­mi­cro­niques : les effets quan­tiques y feront tôt ou tard leur appa­ri­tion et de nou­veaux concepts seront néces­saires pour les » domes­ti­quer » ou s’y sub­sti­tuer. Par­mi les nou­veaux com­po­sants sur les rangs, ceux de l’élec­tro­nique à un élec­tron, ou ceux de l’élec­tro­nique molé­cu­laire pour­raient, à terme, sup­plan­ter le CMOS de notre élec­tro­nique digi­tale actuelle.

Dans des domaines plus pros­pec­tifs, les nano­struc­tures sont au cœur des recherches sur les phé­no­mènes d’in­tri­ca­tion quan­tique, pre­mière pierre d’un futur ordi­na­teur quan­tique. La mani­pu­la­tion d’a­tomes ou de molé­cules par les tech­niques de micro­sco­pie à pointe per­met éga­le­ment de créer des struc­tures arti­fi­cielles à cette échelle. Dans le domaine des nano­sys­tèmes, plu­sieurs pro­jets d’au­to­mates nano­mé­triques sont explorés.

Nanomatériaux

Bâti d’épitaxie par jets moléculaires
Bâti d’épitaxie par jets molé­cu­laires : les semi-conduc­teurs y sont éla­bo­rés par éva­po­ra­tion sous ultra­vide de leurs constituants.

Un troi­sième élé­ment fon­da­teur a été la décou­verte des nano­struc­tures car­bo­nées, comme les nano­tubes de car­bone, aux pro­prié­tés à la fois méca­niques et de trans­port excep­tion­nelles. Dans le domaine des maté­riaux, les nou­velles struc­tures, consti­tuées d’as­sem­blage de grains ou de fibres nano­mé­triques élar­gissent consi­dé­ra­ble­ment la boîte à outils des concep­teurs de maté­riaux qui per­met­tront de repous­ser les com­pro­mis actuels (poids-rigi­di­té) et de géné­rer de nou­veaux maté­riaux fonc­tion­nels (par exemple des maté­riaux auto­net­toyants ou super­hy­dro­phobes). Des pro­prié­tés nou­velles appa­raissent éga­le­ment si l’on sait for­cer l’as­sem­blage de struc­tures nano­mé­triques. Par exemple, le cuivre nano­cris­tal­lin est à la fois plus résis­tant et plus défor­mable que son équi­valent micro­cris­tal­lin… Ce champ de recherche fait ain­si lar­ge­ment appel à des stra­té­gies d’au­to-assem­blage, où l’on cherche les condi­tions pour que Dame Nature aide à la for­ma­tion de maté­riaux macro­sco­piques uti­li­sables à par­tir de nano­struc­tures contrô­lées. C’est sans doute là que les appli­ca­tions seront les plus rapides.

Nanophotonique


Fais­ceau de nano­tubes de car­bone, obser­vé en micro­sco­pie élec­tro­nique haute résolution

Guide défini dans une structure à bande interdite à deux dimensions.
Guide défi­ni dans une struc­ture à bande inter­dite à deux dimen­sions. L’évolution de la taille des trous le long du guide per­met de cou­pler plus effi­ca­ce­ment le mode du guide étroit (en haut sur la micro­gra­phie) à celui d’une fibre optique.

Dans le domaine de l’op­tique, la nano­struc­tu­ra­tion agit sur deux registres : la modi­fi­ca­tion des pro­prié­tés élec­tro­niques se tra­duit par celle des pro­prié­tés optiques, mais une struc­tu­ra­tion à l’é­chelle de la lon­gueur d’onde agit aus­si direc­te­ment sur les modes propres du champ élec­tro­ma­gné­tique. S’ap­puyant sur le pre­mier de ces effets, les struc­tures à puits quan­tiques ou à boîtes quan­tiques ont per­mis de mettre au point des émet­teurs lasers dans l’in­fra­rouge ou dans le proche infra­rouge pour les télé­com­mu­ni­ca­tions optiques, ou dans le bleu, pour le sto­ckage de l’information.

Dans ce domaine des télé­com­mu­ni­ca­tions, cette ingé­nie­rie des lasers, des modu­la­teurs ou des com­po­sants pas­sifs (guides, com­bi­neur…) a per­mis de conce­voir l’ar­chi­tec­ture des sys­tèmes de demain (ou d’a­près-demain) qui feront lar­ge­ment appel, pour obte­nir des débits de cen­taines de giga­bits par seconde, au mul­ti­plexage dense en lon­gueur d’onde de canaux de trans­mis­sions à très haut débit. La mise au point de lasers ou de diodes élec­tro­lu­mi­nes­centes dans le bleu ouvre la porte, quant à elle, aux disques optiques haute capa­ci­té et au rem­pla­ce­ment des tubes néon et autres lampes à incan­des­cence par des émet­teurs solides à haut rendement.

L’in­gé­nie­rie des modes optiques a don­né nais­sance de son côté aux micro­ca­vi­tés semi-conduc­trices ou aux struc­tures à bande inter­dite pho­to­nique (struc­tures pério­diques d’in­dice ayant pour les pho­tons un effet sem­blable à celui du réseau pério­dique d’a­tomes dans les solides, avec appa­ri­tion de bandes d’éner­gie per­mises ou inter­dites). Ces struc­tures per­mettent de modi­fier ou de redi­ri­ger l’é­mis­sion spon­ta­née, de construire à l’é­tat solide des états mixtes pho­tons-par­ti­cule maté­rielle, de géné­rer des super­prismes (à dis­per­sion mille fois plus grande que les prismes réfrac­tifs tra­di­tion­nels), d’exal­ter les pro­prié­tés non-linéaires, de construire des cir­cuits inté­grés pho­to­niques com­plexes et compacts.

Nano-objets pour la biologie

Dans le domaine de la bio­lo­gie et de la san­té, les enjeux du diag­nos­tic, du trai­te­ment, et de la com­pré­hen­sion des méca­nismes fon­da­men­taux sont condi­tion­nés par les nanos­ciences et nano­tech­no­lo­gies qui per­mettent d’ores et déjà d’i­ma­gi­ner de nou­velles approches. À l’é­chelle micro­nique, la micro­flui­dique, qui a pour objet le contrôle de volume de liquide de quelques nano­litres, per­met déjà de trans­por­ter des liquides dans des micro­ca­naux, de les aiguiller, de les mélan­ger, de les chauf­fer ou de les refroi­dir… Ces tech­niques ont per­mis de conce­voir de véri­tables labo­ra­toires sur puce. Dans ce contexte, des nano­struc­tures arti­fi­cielles peuvent y être inté­grées pour ser­vir de gels arti­fi­ciels aux pores contrô­lés, ou de tamis molé­cu­laires, deux sys­tèmes qui per­met­tront peut-être la sépa­ra­tion plus facile de molé­cules bio­lo­giques, voire le séquen­çage d’ADN. Elles per­mettent déjà ou per­met­tront éga­le­ment de nou­velles ima­ge­ries basées sur des cap­teurs ultra­sen­sibles. Dans un autre registre, l’é­mis­sion optique de boîtes quan­tiques gref­fées sur des bio­mo­lé­cules peut être sui­vie, révé­lant ain­si leur cheminement.

La vec­to­ri­sa­tion de médi­ca­ments pour­ra éga­le­ment peut-être un jour béné­fi­cier des pos­si­bi­li­tés de l’en­cap­su­la­tion dans des nano­struc­tures car­bo­nées de leurs prin­cipes actifs.

Enfin, de nom­breux sys­tèmes bio-mimé­tiques peuvent être conçus et étu­diés pour mieux com­prendre, sur ces sys­tèmes modèles, les prin­ci­paux méca­nismes à l’œuvre dans des situa­tions réelles autre­ment complexes.

Modélisation

La modé­li­sa­tion des pro­prié­tés phy­siques de nano-objets fait lar­ge­ment appel aux tech­niques de cal­culs mises au point pour la phy­sique du solide ou la chi­mie (cal­culs abi­ni­tio ou de dyna­mique molé­cu­laire pour com­prendre les méca­nismes de crois­sance ou d’au­to-assem­blage). Avec l’aug­men­ta­tion des capa­ci­tés des ordi­na­teurs, des cal­culs abi­ni­tio de la struc­ture élec­tro­nique d’ob­jets com­por­tant quelques dizaines de mil­liers d’a­tomes sont à notre por­tée. Le rac­cord entre ces modé­li­sa­tions à l’é­chelle nano­mé­trique et la modé­li­sa­tion du monde macro­sco­pique, la mise au point de modé­li­sa­tion mul­ti-échelles sont un autre enjeu impor­tant de ce domaine.

Nanos et société

Mani­pu­ler la matière à l’é­chelle du nano­mètre et par­ti­cu­liè­re­ment des bio­mo­lé­cules, rendre pos­sible une ultra­mi­nia­tu­ri­sa­tion de sys­tèmes com­plexes, pro­duire des com­po­sites à par­tir de matière fine­ment divi­sée, tout cela n’est pas sans poser des pro­blèmes d’é­thique, d’en­vi­ron­ne­ment ou d’ac­cep­ta­bi­li­té sociale. Comme toute nou­velle tech­no­lo­gie, les nano­tech­no­lo­gies sus­citent ain­si un ques­tion­ne­ment légi­time. La lit­té­ra­ture de science-fic­tion comme les prises de posi­tion de per­son­na­li­tés ren­forcent les inquié­tudes que les nanos­ciences et nano­tech­no­lo­gies cristallisent.

Suivi de molécules biologiques auxquelles ont été greffées des boîtes quantiques luminescentes à l’intérieur d’un neurone
Sui­vi de molé­cules bio­lo­giques aux­quelles ont été gref­fées des boîtes quan­tiques lumi­nes­centes à l’intérieur d’un neu­rone (in vitro).

Comme le décrit si bien Louis Laurent, elles se déclinent en trois craintes prin­ci­pales : la perte de contrôle, la mau­vaise uti­li­sa­tion des décou­vertes et la trans­gres­sion d’in­ter­dits. Le risque lié à la perte de contrôle est en jeu lors­qu’on évoque « la gelée grise » ou le risque envi­ron­ne­men­tal de la matière fine­ment divi­sée. Si le pre­mier (non-contrôle de nano­ro­bots pou­vant s’au­to­ré­pli­quer et pro­dui­sant des nano-objets, pou­vant consom­mer toutes les res­sources ter­restres) est pure­ment de l’ordre de la science-fic­tion à une époque où nous ne savons pas contrô­ler le sens de rota­tion de nano­mo­teurs molé­cu­laires, le deuxième doit être pris au sérieux. Les études de toxi­co­lo­gie et de dégra­da­bi­li­té doivent être enta­mées avant toute pro­duc­tion en masse et déploie­ment de nanomatériaux.

La mau­vaise uti­li­sa­tion des décou­vertes, pos­sible pour toute inno­va­tion, est ici par­ti­cu­liè­re­ment pré­gnante car les nano­tech­no­lo­gies per­met­tront de déve­lop­per des sys­tèmes de plus en plus per­for­mants mais aus­si de les minia­tu­ri­ser (et donc aus­si de les cacher). On peut en don­ner maints exemples : les labo­ra­toires sur puce, qui faci­li­te­ront la détec­tion de pré­dis­po­si­tion géné­tique à telle ou telle mala­die, pour­raient aus­si être mis à pro­fit par un employeur indé­li­cat, ou un ban­quier, ou un assu­reur (à par­tir d’un che­veu per­du…) pour accé­der aux mêmes infor­ma­tions. D’autres exemples sont ceux des sys­tèmes implan­tés (cer­tains per­met­tant la télé­sur­veillance de para­mètres bio­lo­giques, d’autres peut-être en liai­son directe avec notre sys­tème ner­veux) ou de la « pous­sière intel­li­gente » (bar­dée de cap­teurs, com­mu­ni­quant en réseau…). Ces aspects sont du domaine de l’é­thique, pour contrô­ler qui pour­ra dis­po­ser des pro­duits ren­dus pos­sibles par ces technologies.

La der­nière source d’in­quié­tude, liée à la trans­gres­sion d’in­ter­dits, est prin­ci­pa­le­ment induite par nos facul­tés nou­velles à agir sur le vivant, à pro­duire clones et chi­mères : là aus­si, le seul enca­dre­ment pos­sible est éthique.

S’y ajoute le risque réel de voir leur uti­li­sa­tion mas­sive ampli­fier le dés­équi­libre Nord-Sud entre pays riches et en voie de développement.

Au-delà de toutes ces inquié­tudes, les usages que sou­haite faire la socié­té des révo­lu­tions que per­met­tront nanos­ciences et nano­tech­no­lo­gies sont un champ sans doute inté­res­sant pour les sciences sociales.

Conclusion

Ce domaine des nanos­ciences et nano­tech­no­lo­gies est, on l’a vu dans tous ces exemples, à la conver­gence de domaines dis­ci­pli­naires divers, des mathé­ma­tiques appli­quées à la bio­lo­gie, en pas­sant par la phy­sique et la chi­mie. Elles sont por­teuses de mul­tiples pro­messes d’ap­pli­ca­tion, seront à la source de nou­velles décou­vertes et sont aus­si géné­ra­trices d’in­ter­ro­ga­tions salu­taires. Comme tous les domaines inter­dis­ci­pli­naires, elles se nour­ri­ront de dis­ci­plines fortes et solides.

Si je peux m’a­dres­ser pour conclure aux élèves de cette école, j’ai envie de vous rap­pe­ler qu’elle vous per­met d’ac­qué­rir des bases solides dans la plu­part des dis­ci­plines scien­ti­fiques d’in­té­rêt dans le domaine des nanos­ciences et nano­tech­no­lo­gies : je suis per­sua­dé que cette for­ma­tion est un atout ines­ti­mable pour ceux d’entre vous qui exer­ce­ront leur acti­vi­té pro­fes­sion­nelle dans ce champ scien­ti­fique et tech­nique fas­ci­nant et sur bien des aspects encore balbutiants.

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AVICENNrépondre
3 novembre 2011 à 12 h 21 min

Une veille d’in­for­ma­tion citoyenne sur les nano­tech­no­lo­gies
Pour tous ceux que le sujet inté­resse, retrou­vez une infor­ma­tion plu­ra­liste, lisible par les non spé­cia­listes, et régu­liè­re­ment actua­li­sée sur nos deux sites :
http://wikinanos.fr qui recense les infor­ma­tions en pro­ve­nance de sources variées
http://veillenanos.fr qui pro­pose une ana­lyse en crea­tive commons

Ces deux sites sont édi­tés par l’Avicenn – Asso­cia­tion de Veille et d’Information Civique sur les Enjeux des Nanos­ciences et des Nano­tech­no­lo­gies : http://avicenn.fr – dont le but est de per­mettre aux citoyens de prendre une part active aux débats et déci­sions dans ce domaine.

Nous vous invi­tons à décou­vrir nos travaux

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