Napoleon Group : les nouvelles technologies au service de la gestion d’actifs
Stéphane Ifrah (92) est un des cofondateurs de Napoleon Group, groupe qui offre aux professionnels de l’investissement des outils et des conseils faisant appel principalement aux nouvelles technologies.
Quelle est l’activité de Napoleon Group ?
Napoleon Group est un jeune groupe, lancé il y a deux ans, spécialisé en finance quantitative et en blockchain. Trois entités opérationnelles composent ce groupe. Napoleon Capital (CIF, Conseil en investissement financier) propose aux investisseurs professionnels des conseils d’allocation basés sur des algorithmes quantitatifs. Ces outils sont nécessaires à la gestion quantitative des actifs qui est basée sur le traitement d’un grand nombre de données sur des univers d’investissement très larges et aux profils différents. Napoleon AM est une société de gestion agréée par l’AMF et qui va lancer des véhicules d’investissement en cryptomonnaie. Enfin, Napoleon Index est publicateur et administrateur d’indices récemment enregistré sous la norme européenne Benchmark – BMR. La blockchain est au cœur de son processus opérationnel en proposant une trace d’audit immuable qui abrite notre savoir-faire.
Comment vous est venue l’idée et quel est le parcours des fondateurs ?
Nous sommes partis d’une conversation sur les robo-advisors lors d’une réunion X‑Finance avec Arnaud Dartois (98). J’avais développé de nombreuses stratégies de gestion quantitative qui fonctionnaient bien et ça faisait un moment que je cherchais à les valoriser. Arnaud, lui, avait un passé d’entrepreneur et cherchait un nouveau challenge. Nous avons rapidement affiné notre approche en intégrant aussi la dimension blockchain permettant d’offrir une trace d’audit immuable à nos clients. La blockchain a de nombreuses utilisations et nous commençons seulement à exploiter sa richesse fonctionnelle.
Les trois fondateurs à la base de ce projet sont : Jean-Charles Dudek avec lequel j’ai travaillé chez BNP Paribas et qui est passé par Dauphine puis dans des banques côtés buy side et sell side en structuration / vente ; Arnaud Dartois (98), titulaire d’un PhD en computer science que j’ai rencontré lors d’une formation Executive proposée par l’École sur le thème du big data – Arnaud a un passé entrepreneurial notamment en private equity – ; et moi-même, j’ai passé une grande partie de ma carrière chez BNP Paribas et notamment dans leur société de gestion.
Qui sont les concurrents ?
Nous n’avons pas encore rencontré de groupes aussi jeunes et avec cette vision aussi large de notre métier. Cependant, la finance quantitative est en train d’émerger depuis une dizaine d’années parmi les maisons plus traditionnelles. La blockchain est un domaine en plein essor et peu de cas d’utilisation ont complètement abouti à ce jour.
“La blockchain a de nombreuses utilisations
et nous commençons seulement
à exploiter sa richesse fonctionnelle”
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Il y a d’abord eu le lancement de Napoleon Capital en décembre 2016, puis nous avons intégré le programme d’accélération de X‑Up en mars 2017. Napoleon Capital a obtenu son statut de CIF en septembre 2017. Nous avons ensuite lancé une ICO, Initial Coin Offering, qui s’est conclue avec succès en février 2018. Une ICO est une méthode de levée de fonds, fonctionnant via l’émission d’actifs numériques échangeables contre des cryptomonnaies, dans notre cas les NPX durant la phase de démarrage d’un projet offrant des droits à ces détenteurs. Cela nous a permis de lancer une plateforme, www.napoleonx.ai, et d’obtenir un agrément de société de gestion pour Napoleon AM. Enfin, Napoleon Index vient tout juste d’obtenir un enregistrement auprès de l’AMF.
Quels sont les grands changements en cours dans l’univers de la gestion d’actifs ?
Le changement fondamental de ces dix dernières années est l’émergence de la gestion systématique. Les gestions systématique, quantitative ou algorithmique sont des synonymes. Cette méthode, à l’inverse de la gestion discrétionnaire, utilise des séries numériques. Les gestionnaires effectuent des tests de différentes stratégies sur le passé et essentiellement basés sur des données d’analyse graphique, temporelle et définissent ainsi un portefeuille de stratégies. Cette approche repose sur des règles prédéfinies qui ont pour objectif de déceler des configurations d’achat ou de vente. Fin 2018, les encours ont atteint 1,5 trillion USD, en partant de presque rien. Ces encours se présentent sous plusieurs formes entre des fonds dits risk parity, des ETF (Exchange Traded Funds) smart beta et des CTA (Commodity Trading Advisors). Il s’agit de produits d’investissement qui ont émergé ces dernières années et permettent de diversifier les investissements des clients. Cette forte croissance tient à deux raisons principales. D’une part, il y a eu une véritable défiance vis-à-vis de la gestion discrétionnaire qui n’a en rien protégé les investisseurs lors de la dernière crise en 2007–2009. D’autre part, avec l’émergence des data et une capacité à les traiter, de nouvelles recherches sont apparues. La gestion quantitative est pour nous une évolution majeure et apparaît comme une clé pour le futur des investissements.
On s’est défié de la gestion discrétionnaire, mais la gestion systématique n’est-elle pas porteuse d’un risque d’une autre nature : les emballements mimétiques ?
En effet, ces dernières décennies, les gestions discrétionnaires n’ont pas su anticiper les grands retournements de marchés ni même les gérer une fois le nouveau trend enclenché. C’est la raison principale qui a conduit à une nouvelle approche, basée sur des algorithmes. Ces derniers ont bien entendu été un petit peu optimisés sur la période de test, mais globalement, ils se sont bien comportés ces dernières années. Cependant, à y regarder de plus près, nous avons connu plusieurs passages un peu inquiétants, que ce soit à l’été 2015 ou plus récemment en fin d’année 2018. De ce qu’on a pu observer, les fonds à contrôle de volatilité (risk parity) et les fonds CTA ont amplifié des prises de profits par les acteurs plus traditionnels. Pour mémoire, le krach de 1987 et la crise asiatique ont été également déclenchés par des gestions dites systématiques, donc le sujet n’est pas nouveau.
Le secteur n’évolue-t-il pas vers plus de transparence et de responsabilité sociale ?
Depuis effectivement un certain temps, on retrouve cette thématique d’investissement dans les sociétés de gestion traditionnelle. Cependant, l’engagement sociétal est une notion assez difficilement mesurable et quantifiable. Les processus de reporting nécessaires seraient lourds à mettre en œuvre et sans bénéfices certains pour les entreprises. Donc, personnellement, je pense qu’au-delà des déclarations que ne manquent pas de faire les groupes sur ce sujet, il est assez difficile d’intégrer ce genre de composantes dans une politique d’investissement. Après, c’est bien évidemment un développement à encourager d’un point de vue plus responsable.
“La formation de nos ingénieurs est parfaitement adaptée
pour se lancer dans une aventure comme celle-ci”
Faut-il craindre que la prochaine crise financière soit d’origine algorithmique ?
C’est une question très pertinente et dont on a commencé à entrevoir la réponse. Tout d’abord, on a déjà vécu de grands krachs à cause de ce type de gestion, comme en 1987 ou lors de la faillite du fonds LTCM (Long Term Capital Management). Compte tenu du fort développement de ces gestions et d’une forme de corrélation entre les différents modèles (notamment les fonds risk parity), on constate de plus en plus de mini-événements de correction sévère et rapide. Cela étant, il faut prendre un peu de recul et se rappeler que historiquement toutes les grandes crises qui ont frappé nos économies sont venues du crédit après une longue période où les conditions de prêt ont été trop laxistes entraînant le financement de nombreux projets / sociétés non économiquement viables.
Le secteur financier semble pourtant attirer moins d’ingénieurs qu’il y a vingt ou trente ans ?
Deux observations. D’une part, de nouveaux domaines passionnants sont apparus comme le traitement des données. Dans ces domaines-là, les compétences des ingénieurs sont parfaitement adaptées. Ce domaine a véritablement explosé ces dix, quinze dernières années. D’autre part, un élan nouveau est apparu en France avec un essor de l’entrepreneuriat et la création de nombreuses start-up. Là encore, la formation de nos ingénieurs est parfaitement adaptée pour résoudre tout un tas de problèmes qui émergent lorsque vous vous lancez dans une aventure comme celle-ci. Enfin, il ne faut pas oublier que la finance a traversé une crise majeure en 2007–2009 et qu’elle ne s’en est jamais vraiment remise. Il n’y a qu’à voir les rémunérations variables qui ont très fortement chuté dans la plupart des banques.
Pourquoi avoir choisi ce nom de Napoleon, si particulier ?
Il faut déjà savoir que Napoléon est une des « marques » les plus connues au monde, ce qui aide toujours lorsqu’on veut se faire connaître. La première raison est liée à notre École qui pour mémoire a acquis son statut militaire grâce à Napoléon Bonaparte en 1804. Entre nos parcours respectifs pour Arnaud et moi, notre rencontre lors de cette formation sur le big data en 2015, notre incubation dans le parcours X‑Up, l’École a joué un rôle important dans ce projet. La deuxième raison est que le Napoléon est aussi une pièce d’or, symbole de l’épargne pour nos ancêtres. Quoi de mieux pour représenter nos solutions d’investissement ! Enfin, en son temps, Napoléon a été quelqu’un de très novateur, valeur que nous souhaitons incarner au travers de notre ancrage dans la finance du futur (finance quantitative) et dans la blockchain.