NATHD : un modèle différenciant qui continue à faire ses preuves dans le monde des infrastructures numériques

Dossier : Vie des entreprises - Logistique et supply chain, les infrastructures du numériqueMagazine N°800 Décembre 2024
Par Mathieu HAZOUARD

La SPL Nou­velle-Aqui­taine Très Haut Débit (NATHD) exploite et com­mer­cia­lise les réseaux de fibre optique construits par ses action­naires publics sur les zones les plus rurales de Nou­velle-Aqui­taine selon un modèle inno­vant et orien­té vers les coûts. Il per­met­tra de fina­li­ser la cou­ver­ture FTTH à 100 % de l’ensemble du ter­ri­toire sur lequel elle inter­vient d’ici fin 2025 dans un contexte de décom­mis­sion­ne­ment du réseau his­to­rique cuivre déci­dé par Orange. Mathieu Hazouard, pré­sident de NATHD, nous en dit plus.

Quel est le positionnement de NATHD ? Quelles sont les particularités de votre modèle dans le paysage des infrastructures numériques ?

Avant le déploie­ment de la fibre dans le cadre du Plan France Très Haut Débit, nous avions accès au réseau télé­pho­nique cuivre his­to­rique, basé sur un prin­cipe de péréqua­tion géo­gra­phique et offrant le même accès, les mêmes condi­tions et la même tech­no­lo­gie à tous via un opé­ra­teur unique et public d’infrastructure, France Télécom. 

Aujourd’hui, nous avons un mar­ché ouvert à la concur­rence avec un cer­tain nombre d’opérateurs pri­vés. Le ter­ri­toire natio­nal s’est ain­si vu divi­sé en 3 zones : les zones denses et ren­tables sur les­quelles les opé­ra­teurs se sont posi­tion­nés en prio­ri­té pour inves­tir et prendre des parts de mar­ché ; les zones moins denses et moins ren­tables mais qui pré­sen­taient tout de même un inté­rêt pour les opé­ra­teurs à condi­tion de béné­fi­cier d’un sou­tien finan­cier public via des sub­ven­tions ; et des zones peu denses, non-ren­tables et au titre des­quelles les opé­ra­teurs avaient indi­qué il y a dix ans ne pas vou­loir venir du tout.

En région Nou­velle-Aqui­taine, qui a une super­fi­cie équi­va­lente à celle de l’Autriche, seules les prin­ci­pales agglo­mé­ra­tions de chaque dépar­te­ment sont consi­dé­rées comme denses et ren­tables par les opé­ra­teurs. En paral­lèle, dans le reste des dépar­te­ments les plus denses prin­ci­pa­le­ment les Pyré­nées-Atlan­tiques, la Cha­rente-Mari­time et la Gironde, des ini­tia­tives publiques ont per­mis à un opé­ra­teur pri­vé, sou­te­nu par des finan­ce­ments publics, d’accompagner le déploie­ment du réseau fibre, son exploi­ta­tion puis sa commercialisation.

L’ensemble du reste du ter­ri­toire, des zones essen­tiel­le­ment rurales, n’a pas été adres­sé, ce qui repré­sen­tait envi­ron 1,5 mil­lion de per­sonnes et près de 750 000 bâti­ments et entreprises.

“NATHD est un modèle innovant et inédit de « quasi-régie » orientée vers les coûts, adossé à une démarche d’aménagement du territoire portée par une dynamique de service public visant à garantir l’accès au très haut débit grâce à la fibre à tous les habitants de la Nouvelle-Aquitaine.”

C’est dans ce contexte qu’a vu le jour NATHD il y a bien­tôt dix ans, l’Opérateur d’Infrastructures mis en place par la Région Nou­velle-Aqui­taine et les col­lec­ti­vi­tés de sept dépar­te­ments ruraux néo-aqui­tains regrou­pés en syn­di­cats mixte ouverts (« SMO ») incluant la Région, les Dépar­te­ments et les EPCI (ie : la Dor­dogne, les Landes, le Lot-et-Garonne, la Cha­rente, et « Dor­sal » pour la Cor­rèze, la Creuse et la Haute-Vienne) pour façon­ner l’aménagement numé­rique des ter­ri­toires et per­mettre ain­si à l’ensemble de ces admi­nis­trés d’être éli­gibles à la fibre : sans cet effort 100 % public, ces usa­gers n’auraient jamais eu le FTTH !

NATHD est un modèle inno­vant et inédit de « qua­si-régie » orien­tée vers les coûts, ados­sé à une démarche d’aménagement du ter­ri­toire por­tée par une dyna­mique de ser­vice public visant à garan­tir l’accès au très haut débit grâce à la fibre à tous les habi­tants de la Nouvelle-Aquitaine.

Avec cette approche, l’objectif a été de pal­lier de manière concrète le manque d’investissement pri­vé sur ce ter­ri­toire en mutua­li­sant au maxi­mum les coûts et en ame­nant une démarche locale de péréquation.

NATHD se posi­tionne ain­si aujourd’hui comme un opé­ra­teur d’infrastructures qui com­mer­cia­lise ces réseaux publics de fibre auprès des opé­ra­teurs pri­vés et qui génère ain­si un retour sur inves­tis­se­ment pour ses action­naires publics, les syn­di­cats mixtes numé­riques qui sont en charge de la construc­tion du réseau.

Alors que l’arrêt du réseau historique en cuivre est fixé à 2030, quel est l’état d’avancement au niveau de votre territoire ?

Fin 2019, Orange a déci­dé de reti­rer le réseau his­to­rique. Alors que le réseau fibre a voca­tion à se sub­sti­tuer au réseau en cuivre, il n’est, en effet, pas per­ti­nent éco­no­mi­que­ment de conser­ver les deux. En tant qu’opérateur d’infrastructures, une fois le réseau his­to­rique reti­ré, nous serons en situa­tion de mono­pole sur notre ter­ri­toire avec la seule infra­struc­ture THD fixe acces­sible. Notre démarche aujourd’hui est d’anticiper et d’accompagner cette bas­cule du réseau his­to­rique à la fibre pour s’assurer que tout le monde sera bien raccordé.

Pour garantir l’accès au réseau à tous sur votre territoire, quels sont vos enjeux ?

Nous avons, d’abord, un enjeu finan­cier qui a évo­lué au fil du temps et à l’occasion du déploie­ment du réseau. Tout d’abord, l’exploitation du réseau en zone rurale coûte plus cher qu’en zone urbaine et dense. NATHD a réus­si à rele­ver ce défi et à maî­tri­ser ce risque finan­cier dès l’origine grâce au mar­ché public pas­sé avec son pres­ta­taire indus­triel qui pré­voit un prix for­fai­taire d’exploitation à la prise sur l’ensemble du territoire. 

Tou­te­fois, à par­tir de 2020, nous avons été confron­tés à des sur­coûts décou­verts à l’occasion de l’exploitation effec­tive du réseau. En plus des coûts rela­tifs à l’utilisation des infra­struc­tures exis­tantes d’Orange (poteaux et infra­struc­tures Orange via le contrat « GCBLO »), nous devons assu­mer des coûts sup­plé­men­taires essen­tiel­le­ment pour finan­cer des tra­vaux de génie civil, soit de remise en état d’infrastructures exis­tantes soit pour étendre le réseau et assu­rer, in fine, un ser­vice uni­ver­sel qui a dis­pa­ru depuis 2020 par manque de trans­po­si­tion en droit fran­çais de dis­po­si­tions euro­péennes. Ain­si, le ser­vice uni­ver­sel cuivre per­met­tait le déploie­ment d’infrastructures vers les immeubles neufs, l’ensemble étant finan­cé par la com­mu­nau­té des opé­ra­teurs pri­vés. Ces infra­struc­tures étaient réuti­li­sables pour la fibre. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et pour finan­cer ces sur­coûts, nous avons déci­dé d’augmenter les prix d’accès à notre réseau pour les opé­ra­teurs pri­vés en res­tant de notre côté orien­tés vers les coûts.

Fin du service universel, accélération du déploiement de la fibre, hausse des usages numériques… Comment imaginez-vous votre rôle dans cette continuité ? 

Comme pré­cé­dem­ment men­tion­né, NATHD et ses action­naires SMO auront fina­li­sé le déploie­ment de la fibre sur son ter­ri­toire à d’ici la fin 2025, ce qui nous per­met­tra d’être au ren­dez-vous fixé par l’État.

Il res­te­ra en revanche à réa­li­ser l’ensemble des rac­cor­de­ments de chaque bâti­ment éli­gible pour per­mettre une sub­sti­tu­tion défi­ni­tive au réseau cuivre voué à disparaître.

Nous avons par ailleurs fait émer­ger il y a plus de trois ans au niveau natio­nal une pro­blé­ma­tique liée à la dépé­réqua­tion des coûts d’exploitation de nos réseaux publics ruraux. En d’autres termes, notre modèle éco­no­mique est mis à mal par des sur­coûts impré­vi­sibles il y a dix ans (dis­pa­ri­tion du ser­vice uni­ver­sel, un mar­ché des rac­cor­de­ments dés­équi­li­bré en termes de retour sur inves­tis­se­ment au pro­fit des opé­ra­teurs pri­vés, de nou­veaux besoins de génie civil non financés…). 

“NATHD et ses actionnaires SMO auront finalisé le déploiement de la fibre sur son territoire à d’ici la fin 2025, ce qui nous permettra d’être au rendez-vous fixé par l’État.”

Aus­si il nous semble impor­tant que soient mis et remis en place des outils de péréqua­tion géo­gra­phique qui existent dans d’autres sec­teurs d’infrastructures essen­tielles (ie : élec­tri­ci­té, eau). En notre qua­li­té d’opérateur d’infrastructures, nous serions par exemple prêts à assu­mer le rôle de réci­pien­daires d’un nou­veau ser­vice uni­ver­sel fibre finan­cé comme aupa­ra­vant, par les opé­ra­teurs com­mer­ciaux. Cette démarche est essen­tielle éga­le­ment afin de per­mettre le finan­ce­ment de la rési­lience des réseaux. 

Enfin, en paral­lèle de l’infrastructure, les usages et les ser­vices sont des élé­ments majeurs de l’aménagement numé­rique des ter­ri­toires. Nous avons voca­tion à accom­pa­gner la hausse des usages numé­riques en met­tant à dis­po­si­tion une infra­struc­ture publique ouverte et non dis­cri­mi­na­toire. Dans ce cadre, nous accor­dons une atten­tion par­ti­cu­lière à la cyber­cri­mi­na­li­té ain­si qu’à toute forme de ser­vices indis­pen­sables aux col­lec­ti­vi­tés en termes de ser­vice public. 

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