Nicolas Cruaud (2016), raconte-nous Néolithe
Nicolas Cruaud (2016), fondateur de Néolithe, revient sur la création de cette entreprise spécialisée dans la fossilisation des déchets.
Pendant longtemps, j’ai eu tendance à me dire que si l’on faisait quelque chose d’une certaine façon, c’est qu’il y avait une bonne raison, que des gens bien plus malins que moi avaient réfléchi au problème. Mes passages en prépa militaire et à l’X n’ont rien fait pour arranger ce formatage naturel. C’est en réalité l’exact opposé du raisonnement qui mène à l’innovation. Il faut être de mauvaise foi pour innover, se dire que tous les autres sont nuls et que c’est moi qui ai raison.
Mon père, c’est cette mauvaise foi incarnée. Il peut venir discuter avec le patron de n’importe quel grand groupe et, en l’espace de quelques minutes, lui expliquer qu’il fait n’importe quoi et qu’il ferait mieux de faire comme ceci ou comme cela. Cette méthode, bien qu’outrageusement non rigoureuse, a le mérite de produire des idées « disruptives » comme on dit.
Dinosaures, fossiles et déchets non recyclables
Alors, une fois que je suis arrivé à l’X, il a voulu me déformater. Notre petit jeu était de chercher, pour des technologies bien établies, quelles seraient les alternatives diamétralement opposées non retenues par l’évolution technologique.
Une fois, alors que nous parlions d’envoyer des déchets nucléaires dans le Soleil avec un gros canon à la Jules Verne, il m’a parlé de l’idée de Néolithe : « Et si on transformait les déchets en pierre ? Finalement, les calcaires, ce sont les déchets des dinosaures fossilisés, alors pourquoi on ne fossiliserait pas nos déchets à nous ? » Au départ, l’idée m’a semblé fumeuse, comme souvent. Mais après avoir regardé le marché des déchets, ses prix, sa réglementation et surtout son bilan écologique, j’étais convaincu que nous avions là une idée qui valait le coup d’être développée. En particulier, ce qui m’a frappé, c’est que si nous fossilisions tous les déchets non recyclables (ordures ménagères, déchets de chantiers non inertes, déchets industriels), nous réduirions de 5 % les émissions mondiales de CO2, toutes industries confondues, soit près de deux fois les émissions du trafic aérien mondial.
Plus que l’envie d’entreprendre, il y avait là une vraie raison de se lever le matin.
Néolithe, assemble !
Nous avons alors testé le projet lors du start-up week-end de l’X, où nous avons rencontré Clément, jeune AgroParisTech, notre troisième associé. Je crois que personne n’a vraiment compris ce que l’on racontait ce jour-là, sauf le PDG de Vinci Construction Jérôme Stubler (86), qui était membre du jury et qui nous a incités à continuer. J’ai recruté autour d’une bouteille Louis Jardin (2016), un camarade de promo, et l’équipe des fondateurs était complète.
Un nouvel âge de pierre
Aujourd’hui, notre modèle est fixé : nous développons des fossilisateurs, unités de traitement de déchets en containers, qui peuvent transformer dix tonnes de déchets en granulats par jour. Ils permettent, en plus de fossiliser les déchets ménagers, les déchets du BTP et les déchets industriels, de relocaliser le traitement des déchets. En effet, la faible quantité de déchets nécessaire à leur fonctionnement évite les transports de déchets sur de longues distances. Nous vendons ces fossilisateurs aux industriels ou aux collectivités, et nous fournissons ensuite de manière récurrente le liant, clé de voûte du procédé, qui permet la transformation des déchets et sans lequel les granulats produits ne peuvent pas être normés.
Cap sur la production
Nous sommes désormais treize, finissons notre deuxième levée de fonds, et présenterons notre fossilisateur pilote dans les prochaines semaines. Les douze premiers fossilisateurs seront produits en 2022. Je vous tiens au courant de la suite !
Pour en savoir plus sur la fossilisation des déchets par Néolithe : https://neolithe.fr/