Nicolas Duvinage (95) : « Servir mon pays et les autres »
J’ai commencé ma carrière en commandant un peloton de gendarmerie mobile à Besançon. C’était en 1998, juste à ma sortie de l’école d’appli. Vraiment sur le terrain !… Et depuis, j’ai veillé à alterner, comme le font la plupart des camarades gendarmes, postes opérationnels sur le terrain et postes plus spécifiques, généralement en région parisienne. Le Finistère, c’est mon troisième temps de commandement : après Besançon puis, quelques années après, le commandement de la compagnie départementale de Loire-Atlantique à Rezé. Là-bas, je commandais
235 gendarmes, pour couvrir un territoire de 50 communes et 250 000 habitants. C’était déjà la dimension au-dessus ! Et maintenant, le Finistère : je ne suis pas breton, mais c’était mon premier choix géographique. J’aurais certainement pu plus mal tomber !
De la criminalistique à la cybercriminalité
Entre-temps, j’ai alterné avec des postes plus spécialisés à dominante scientifique, d’abord à l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN), alors installé à Rosny et depuis relocalisé à Pontoise. Ce centre a été fondé par un camarade, Serge Caillet (75). J’y ai rejoint le département d’informatique-électronique comme adjoint d’un autre camarade, Éric Freyssinet (92), à qui j’ai ensuite succédé comme patron du département. Notre chef de division était aussi un X : Philippe Baudoin (85). Bref, l’IRCGN était un peu le centre de prédilection pour les X au sein de la Gendarmerie !
Ensuite, après mon passage sur le terrain à Rezé, ce fut l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) à Arcueil. Ce centre avait été créé à l’époque pour traiter les aspects judiciaires (pénaux) de l’affaire du sang contaminé. J’ai eu à y traiter la fin du volet pénal de l’affaire des implants mammaires PIP, puis à celui du scandale de la viande de cheval dans l’affaire « Spanghero »…
Pour mon troisième poste « en centrale », j’ai dirigé, toujours à Pontoise, le C3N (centre de lutte contre les criminalités numériques). On y est au cœur de la lutte contre la cybercriminalité. On y trouve le pistage d’individus qu’on repère au départ juste comme des auteurs de tweets apologiques, jusqu’à ce qu’on les identifie comme des individus radicalisés. Mais aussi le trafic d’armes sur le darknet… Ce centre a accompagné le développement du GIP ACYMA, émanation de l’ANSSI pour le soutien aux particuliers et aux entreprises, au-delà de sa mission originelle pour le monde de services gouvernementaux et des objectifs d’importance vitale.
Pour tous ces postes, la formation pluridisciplinaire de l’X m’avait bien préparé !
“Travailler à servir son pays et les autres
est un bon objectif pour faire sa vie”
Et maintenant, le Finistère
Retour sur le terrain depuis l’été dernier, à la tête d’un groupement qui compte 900 gendarmes et civils, ce qui veut dire au passage une grosse charge RH ! J’y retrouve toute la palette des actions de la Gendarmerie sur le terrain, avec des préoccupations d’ordre public : le Finistère est une terre traditionnelle de revendication forte des agriculteurs ou des marins pêcheurs (on se souvient des Bonnets rouges !). Ces manifestations peuvent être assez dures, comme avec l’incendie de la Mutualité agricole de Morlaix en 2014. On a aussi à gérer des événements de grande ampleur, comme les grands festivals l’été : les « Vieilles Charrues » à Carhaix ou le « Bout du Monde » à Crozon, qui déplacent des dizaines, voire centaines de milliers de personnes, avec tous les risques associés, y compris aujourd’hui la prise en compte de la menace terroriste sur ces grands rassemblements. Il y a aussi, bien sûr, le lot habituel de risque routier, de violences intrafamiliales ou des problèmes de voisinage, assez souvent – il faut bien le dire – sur fond d’alcool… Sans oublier les fonctions de police judiciaire, avec quelques « belles » affaires qui ont défrayé la chronique, comme le massacre de la famille Troadec à Pont-de-Buis l’an dernier, ou cette année le meurtre du boulanger de Plonévez-du-Faou.
Pourquoi gendarme ?
C’est le jour où je suis arrivé à l’X que j’ai réalisé que c’était une école militaire ! On vous coupait les cheveux, il y avait des adjudants… À l’époque, ce n’était pas trop mon truc ; du coup, lorsqu’il a fallu choisir une armée pour y faire mon service (il n’y avait encore alors pas de possibilité de faire un service civil), j’ai opté pour celle qui me semblait la moins « mili » : ce fut la Gendarmerie. Et j’ai eu la chance d’être envoyé comme aide de camp d’un général à quatre étoiles, commandant une zone de défense, qui m’a pris dans ses bagages et emmené partout où il allait. J’ai découvert alors la fantastique variété et l’étendue des activités des gendarmes. De retour à l’École, j’ai fait une majeure « mathématiques appliquées à l’économie », pour découvrir seulement à la fin que, si j’aimais bien la matière, je n’avais en fait aucun goût pour le type de jobs auxquels elle menait. C’est là que je me suis dit que travailler à servir mon pays et les autres était un bon objectif pour faire sa vie. Et je suis entré dans la Gendarmerie !
Je dois dire que, en vingt ans de métier maintenant, je n’ai pas été déçu ! Pas par la variété des missions, en tout cas : on m’a déployé trois mois en Nouvelle-Calédonie ; j’ai fait de la surveillance de détenus à Fleury-Mérogis ; j’ai eu entre les mains les disques durs de l’affaire Clearstream ; j’étais au C3N pour gérer les aspects cyber-financement du terrorisme au moment des attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan ; j’ai travaillé sur la viande de cheval… Je ne connais pas beaucoup de métiers où on voit autant de choses si différentes !
Tous les ans, nous avons l’amphi retape des armées à l’École. C’est l’occasion de se retrouver et d’échanger avec les camarades des autres armées. Je peux témoigner que les gendarmes ne sont pas les plus malheureux !