Normalisation, standardisation et brevets, leviers de l’innovation
REPÈRES
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Les standards concourent à une meilleure interopérabilité des systèmes, permettant ainsi une adoption rapide des innovations techniques. Les normes facilitent la communication entre acteurs et permettent de passer d’une échelle artisanale à une échelle industrielle. Les brevets sont un élément fondamental de création de valeur à partir des innovations car ils matérialisent en quelque sorte le virtuel : ils permettent de planter des drapeaux sur des territoires, eux, bien réels (géographie, domaines techniques) et ensuite de les exploiter stratégiquement pour créer et maintenir des emplois.
Innovation et créativité
Il y a un apparent paradoxe à parler de normes et standards quand on évoque l’innovation. Cela vient de la confusion fréquente entre innovation et créativité : or la créativité n’a pas réellement besoin de règles, sauf pour la favoriser et lui permettre de s’exprimer, alors que l’innovation, ancrée sur le moyen et long terme, en a besoin pour survivre dans une logique de court terme encore très prégnante aujourd’hui.
Il existe une étroite relation entre innovation, normes et brevets
En effet, l’innovation est un véritable processus permanent et exigeant dont il faut mesurer toutes les facettes pour espérer la rendre réelle : elle ne saurait échapper à cette règle de la normalisation si elle doit tenir le rôle économique et sociétal que l’on entend lui faire jouer : il faudra bien lui donner un cadre pour lui permettre de déployer toute sa capacité prometteuse.
Marquer les territoires
Dans ce contexte – de manière structurante mais non nécessairement discriminatoire par rapport à d’autres formes de propriété intellectuelle –, les brevets sont un élément fondamental de création de valeur à partir des innovations, car ils matérialisent en quelque sorte le virtuel : ils permettent de planter des drapeaux sur des territoires, eux, bien réels (géographie, domaines techniques) et ensuite de les exploiter stratégiquement pour créer et maintenir des emplois. A contrario, l’absence de brevet crée des situations très difficiles à tenir face à une vive concurrence, parfois même rédhibitoires, lorsqu’on passe d’une échelle artisanale à une échelle industrielle.
À cause de ce besoin de réplication à grande échelle, il existe une étroite relation entre innovation, normes et brevets ; pour articuler convenablement cette relation tout en répondant aux grands défis de régions telles que les États- Unis ou la Chine, il est important d’œuvrer au niveau européen.
Un triple lien
Innovation, normes et propriété intellectuelle s’articulent entre elles de trois manières distinctes.
Milliards de dollars
En matière d’économie de la connaissance, certains États se lancent dans la compétition avec d’énormes moyens en créant des fonds souverains à hauteur du milliard de dollars – à titre de comparaison, la dotation de France Brevets est aujourd’hui de 100 M€ – dont le but est la constitution de portefeuilles de brevets permettant à leurs industries stratégiques de prospérer dans le monde entier.
Premièrement, par l’inclusion de technologies brevetées dans les normes officielles et les standards techniques (normes de fait) : on parle d’innovation partagée (open innovation) et de paniers (pools) de brevets mis en commun par plusieurs détenteurs.
Deuxièmement, par la recommandation de bonnes pratiques de management de l’innovation : il s’agit d’utiliser le processus normatif pour développer des normes de gestion de la recherche et de l’innovation ainsi que de la propriété intellectuelle. Les commissions de normalisation européenne CEN/TC-389 et française AFNOR/CN-INNOV œuvrent dans ce sens.
Troisièmement, par l’organisation des échanges de titres d’actifs immatériels : cela concerne le développement d’outils méthodologiques normatifs pour valoriser les brevets et améliorer la transparence dans les transactions mettant en jeu des brevets. Les acteurs économiques, dans une économie de plus en plus dépendante de la connaissance, étudient de près les moyens de mettre une valeur sur les actifs immatériels, et en particulier les brevets, tout au long de leur cycle de vie (ex-ante, ex-post).
Pas d’autorégulation
D’autre part, on ne peut espérer une autorégulation par les marchés en matière de connaissance et de savoir-faire, la compétition s’organisant désormais géographiquement, alors que l’on aurait pu croire au départ que l’économie de la connaissance s’orienterait vers une globalisation à coût marginal nul et sans limitation de territoire.
Ambition politique
Sécuriser les actifs
Parmi les actions qui pourraient être envisagées sur le plan français ou européen figurent des mesures encourageant les acteurs économiques et laboratoires publics à diffuser des brevets à travers les normes et les standards, afin de sécuriser et protéger leurs actifs tout en fluidifiant et rendant transparents les échanges économiques issus de ces brevets.
En conséquence, il devient nécessaire que la France s’organise en liaison avec ses partenaires européens pour créer une politique publique ambitieuse en la matière destinée aux entreprises, en complément de celle déjà mise en œuvre pour nos universités et nos laboratoires publics. Le crédit impôt recherche à lui seul ne répond pas à ce besoin d’un nouveau genre, puisqu’il ne prend en compte que la création de brevets nationaux dans le cadre de projets innovants, et non leurs extensions internationales ultérieures indispensables à un développement industriel et commercial massif.
Partager l’innovation
Il conviendrait aussi de favoriser la normalisation des pratiques de l’innovation partagée dans un respect mutuel d’intérêts bien compris entre grandes entreprises, PME et laboratoires publics ; c’est en effet un moyen privilégié de créer efficacement et à moindre coût la propriété intellectuelle nécessaire à un développement industriel sécurisé. Cela aurait, de plus, l’effet de rendre accessibles le langage décisionnel et les bonnes pratiques, de faciliter la transparence de gestion et de démystifier le caractère souvent ésotérique de la propriété intellectuelle.
Une Coface des brevets
Ce n’est pas tant la création de propriété intellectuelle qui pose un problème que son exploitation
Les pouvoirs publics pourraient enfin inciter à accompagner ces pratiques nouvelles par des mesures de mutualisation du risque de contentieux à l’international, à l’exemple de la Coface pour les risques financiers et commerciaux. Cette mesure aurait un poids très important auprès des PME-PMI dans la mesure où ce n’est pas tant la création de propriété intellectuelle qui pose un problème que son exploitation, en particulier lors de contentieux bien plus coûteux à l’international que la seule création de brevet avec ses extensions et la maintenance associée, déjà en soi fort coûteuse mais sans commune mesure avec le contentieux et ses risques industriels associés – voir les dernières affaires médiatisées dans le domaine des tablettes ou de la téléphonie mobile.