Nous avons créé une combinaison martienne
Un PSC, classé parmi les trois meilleurs, qui débouche sur une réalisation pratique, mais bien sûr pas encore industrielle. Ils continuent à travailler sur le sujet et seront ce mois-ci en test dans une base de simulation martienne dans le désert de l’Utah.
L’idée est née à la sortie d’un cours de maths pendant le tronc commun. Nous devions choisir un sujet de PSC (Projet scientifique collectif de deuxième année) : je (Thibault) suis allé voir Arno, que je connaissais un peu parce que nous étions dans la même section à La Courtine, et je lui ai proposé de nous lancer dans la réalisation d’une combinaison pour aller sur Mars.
Ça semblait un peu fou, dit comme ça, mais il a tout de suite été d’accord. Une première étape de franchie !
UN PROJET PAS FACILE À DÉMARRER
Le PSC nécessitant d’être au moins cinq par groupe, nous avons d’abord cherché d’autres élèves pour se joindre à l’aventure : cela n’a pas été si facile, vu le peu de bases solides que nous avions alors à offrir. Pourtant, cinq camarades nous ont (courageusement) rejoints : Cédric, Alfred, Benjamin, Antoine et Quentin, chacun apportant une compétence différente et complémentaire (maths/info, physique, chimie, mécanique, génie thermique, etc.).
Mais comment procéder ensuite ? Nous n’avions aucune base technique préalable, pas de tuteur, pas de fonds, et encore moins d’entreprises intéressées par le projet.
Quelques semaines plus tard, nous avons trouvé notre tuteur : ce serait Alain Souchier, ingénieur en charge des moteurs de l’ex-programme Ariane 4 et aujourd’hui président de l’Association Planète Mars, qui mène des actions en faveur de la conquête de la planète rouge. Exactement ce qu’il nous fallait !
Lui était très intéressé par notre projet, et il avait déjà de l’expérience dans la fabrication de combinaisons dites « analogues », des combinaisons non pressurisées qui servent à simuler des missions sur Terre.
NOUS ENTRONS EN PHASE ACTIVE
Dès nos premiers échanges, il nous a guidés sur le chemin épineux de l’état de l’art des combinaisons spatiales, pour donner une base solide à notre projet.
Les choses se précisaient également du côté du coordinateur (un professeur de l’X qui oriente les élèves pour atteindre les attentes académiques de l’École sur le PSC). Jean-Marc Chomaz, du LadHyx, a ainsi accepté de nous encadrer.
Restait la question du financement. Nous avions estimé les coûts de développement et le prix des matériaux à environ 7 500 euros. Malgré nos multiples sollicitations, nous ne sommes pas parvenus à trouver de sponsors. En cause : nous n’avions alors que quelques schémas préliminaires à leur montrer et le secteur des combinaisons spatiales ne peut pas vraiment être qualifié de porteur.
L’investissement était trop incertain. C’est finalement la direction des études et de la recherche de l’École qui a accepté de nous financer.
1 500 HEURES D’IMPRESSION EN 3D
La principale innovation de notre projet était de réaliser la combinaison entièrement en impression 3D, l’idée étant que, avec ce procédé, il est possible de créer une combinaison directement sur place, de la réparer et même de la recycler puisque le matériau de base peut être réimprimé en d’autres objets.
Ce choix était pertinent par rapport à notre objectif mais il nous a cependant posé quelques difficultés, à savoir que les imprimantes 3D du Fablab de l’X étaient trop sollicitées pour pouvoir tout imprimer avant la soutenance finale et que les rares acteurs privés pouvant le faire en demandaient un prix ahurissant.
Finalement, c’est une solution radicale mais efficace que nous avons retenue : après avoir assemblé et calibré quatre imprimantes 3D nous-mêmes, nous avons organisé un roulement jour et nuit, pendant deux mois, pour imprimer les 213 pièces de notre combinaison. Un travail de fourmi de 1 500 heures cumulées, pour 12 000 mètres fil imprimés.
Certaines pièces ou opérations, que nous ne pouvions pas réaliser nous-mêmes par manque de temps ou d’expertise (gants, coutures, etc.), ont été réalisées en parallèle par l’Association Planète Mars à Marseille. Une fois tous les éléments réunis sur le plateau de Saclay, le puzzle géant a enfin pu commencer et il nous a fallu deux semaines supplémentaires pour tout assembler.
Les finitions ont été particulièrement délicates car même en anticipant sur les jeux, les dernières pièces imprimées en 3D ne rentraient pas dans l’ensemble. Nous avons néanmoins pu les réimprimer en quelques heures, au bon format, ce qui montre l’intérêt de cette technologie.
Nous étions alors à moins de quatre jours de la soutenance finale. Pari tenu ! En moins d’un an, nous venions de construire un prototype de combinaison de sortie martienne imprimée en 3D, désormais appelée X‑1.
DIRECTION LA « MISSION MARS »
Depuis, les choses ont bien avancé. Nous avons réalisé des tests de mobilité et de régulation thermique sur le campus et nous prévoyons de réaliser les premiers tests de pressurisation cette année.
L’été dernier, des interviews du Parisien, de BFMTV et d’Air & Cosmos nous ont permis de communiquer sur notre projet et de partager notre passion du spatial. Enfin, nous avons participé à des conférences internationales sur la conquête de Mars et nous avons pu échanger avec le grand public lors de la dernière Fête de la Science.
Nous avons également été récompensés par l’un des trois prix du meilleur PSC de l’année, attribués par l’École et la FX.
L’aventure est cependant loin d’être terminée puisque Thibault et Arno ont décidé de reprendre le projet pour leur troisième année. En plus de continuer à le développer, ils participeront en décembre à la mission MDRS 185, organisée par la Mars Society américaine dans le désert de l’Utah : dans une base de simulation martienne, ils testeront X‑1 dans un environnement et des conditions proches de ce que les futurs « marsonautes » rencontreront.
Les résultats de ces tests de terrain leur permettront d’améliorer le design de la combinaison, dont tous les plans et fichiers 3D seront ensuite mis en libre accès sur Internet, pour que d’autres équipes étudiantes puissent se lancer à leur tour dans l’aventure.
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combinaison martienne
Fier de Thibault, ancien de Science Ouverte !