« Nous devons repenser les mobilités » Émilie Gazeau (M07), cofondatrice d’Alltheway

« Nous devons repenser les mobilités » Émilie Gazeau (M07), cofondatrice d’Alltheway

Dossier : TrajectoiresMagazine N°798 Octobre 2024
Par Hervé KABLA (X84)

En 2023, Émi­lie Gazeau (M07) a cofon­dé All­the­way, qui a pour mis­sion de sim­pli­fier l’expérience des voya­geurs et d’accompagner leur par­cours de voyage à chaque étape. En com­men­çant par ôter les bagages de l’équation, l’entreprise donne aux voya­geurs un accès plus large et plus fluide à dif­fé­rents modes de trans­port, ce qui per­met de réduire l’impact envi­ron­ne­men­tal des déplacements.

Quelle est l’activité d’Alltheway ?

All­the­way offre une suite de solu­tions techno­logiques pour la ges­tion des bagages hors aéro­port, à des­ti­na­tion des pro­fes­sion­nels de la mobi­li­té et du tou­risme. Notre pre­mier cas d’usage est le sui­vant : on enre­gistre le bagage en trois minutes dans Paris (à domi­cile, dans un point relai, gare du Nord, dans les centres de congrès, à Dis­ney­land Paris) et on retrouve son bagage à son aéro­port de des­ti­na­tion. La mis­sion d’Alltheway, c’est de sim­pli­fier les voyages et de les rendre plus durables, en per­met­tant l’intermodalité, tout en sou­te­nant les pro­fes­sion­nels du voyage dans leurs défis en matière d’infrastructure et de mobi­li­té. Aujourd’hui, deux clients sur trois qui uti­lisent All­the­way vont se rendre à l’aéroport en trans­port en commun.

Quel est le parcours des fondateurs ?

J’ai tra­vaillé dix ans chez L’Oréal, de l’audit interne au numé­rique, puis j’ai été conseil en data et IA chez Arte­fact (voir n° 774 de la revue). Julien De Colf­ma­cker a été direc­teur opé­ra­tion­nel en France et aux USA pour un Ground Hand­ler.

Comment t’est venue l’idée ?

À la suite d’une mis­sion de conseil et au fil de mes lec­tures, j’ai réa­li­sé qu’il y avait un vrai pro­blème de satu­ra­tion des infra­struc­tures aéro­por­tuaires et fer­ro­viaires à venir, et un besoin d’autres mobi­li­tés indi­vi­duelles, en dis­so­ciant le par­cours voya­geur du par­cours bagage.

Qui sont les concurrents ?

Il n’existe, à ma connais­sance, aucun concur­rent sur le mar­ché fran­çais et dans l’espace Schen­gen. Il en existe sur d’autres ter­ri­toires. Aux États-Unis, par exemple, Bags Inc a mis en place un sys­tème au sein de Dis­ney­land il y a dix ans, mais seule­ment pour les vols domes­tiques et sans le pro­cess sûre­té et la tech­no­lo­gie déve­lop­pés par Alltheway.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?

Avant le lan­ce­ment opé­ra­tion­nel, il a fal­lu pas­ser par une phase de vali­da­tion de notre pro­cess par la DGAC et le déve­lop­pe­ment de nos outils et de notre pla­te­forme autour de pro­to­coles sûre­té bien spé­ci­fiques, propres à l’aérien. Nous avons ensuite pro­cé­dé au lan­ce­ment en juin 2023, par la signa­ture d’un par­te­na­riat avec Air France et le groupe ADP, puis au bout de quelques mois il y a eu l’accélération avec les hôtels du groupe Accor, le pro­gramme ALL et enfin Dis­ney­land Paris.

Voyager était autrefois un plaisir, n’est-ce pas devenu de nos jours une contrainte ?

Les contraintes dues au tou­risme de masse sont de plus en plus visibles ; les gens cherchent à échap­per aux endroits encom­brés, où il faut faire la queue et où l’expérience est trop stan­dar­di­sée. Mais le voyage pos­sède tou­jours ce même attrait pour les jeunes et pour les seniors : les des­ti­na­tions ont évo­lué et les pra­tiques du voyage se sont adap­tées à une volon­té de per­son­na­li­sa­tion de l’expérience. Enfin, il y a tou­jours le voyage pour regroupe­ment fami­lial ou pro­fes­sion­nel, et on voit qu’ici la tech per­met d’améliorer les condi­tions de voyage.

Est-ce la faute aux trajets hôtel-maison-aéroport, aux mesures de sécurité, aux retards, ou bien y a‑t-il des raisons intrinsèques ?

Les voya­geurs attendent de l’expérience voyage les mêmes béné­fices que ceux aux­quels nous sommes désor­mais habi­tués dans d’autres domaines : pro­cé­dures accé­lé­rées, self-ser­vice, livrai­son à domi­cile. Or, que ce soit dans le tra­jet ville-aéro­port ou à l’intérieur même de l’aéroport, les temps d’attente et les dif­fi­cul­tés de mobi­li­té ne semblent pas évo­luer. D’où la pos­sible per­cep­tion qu’il y ait des contraintes accrues dans ce domaine.

Est-ce qu’un événement comme les Jeux olympiques constitue un accélérateur pour le développement de solutions comme la tienne, ou une contrainte de plus, lourde à gérer ?

Les JO ont été un accé­lé­ra­teur de coopé­ra­tion avec des par­te­naires clés : avec les com­pa­gnies aériennes, ADP, la SNCF, la RATP et les hôtels Accor. Les JO sont éga­le­ment un accé­lé­ra­teur en termes d’usage pas­sa­ger : les contraintes de mobi­li­té étaient telles pen­dant cette période que les per­sonnes ont cher­ché des solu­tions alter­na­tives pour évi­ter la queue et les em­bouteillages ; notre solu­tion répond très bien à ces pro­blé­ma­tiques de pointes d’en­gorge­ment des aéro­ports et de leur accès.

Le transport ferroviaire suit-il les mêmes logiques et contraintes que le transport aérien ?

Pour assu­rer nos objec­tifs de réduc­tion d’émissions, nous devons aug­men­ter la part de mar­ché du fer­ro­viaire (de 10 % à 20 % en France), au détri­ment de la voi­ture et de l’avion. Or il y a un pro­blème de capa­ci­tés limi­tées pour le trans­port des bagages avec les pas­sa­gers. Là où on peut voir une ana­lo­gie avec le trans­port aérien, c’est qu’il y a un pro­blème de satu­ra­tion des infra­struc­tures. Ce que le fer­ro­viaire peut apprendre de l’aérien (et per­mettre ce fai­sant le report modal), ce sont les pro­cess de sécu­ri­sa­tion, de tra­cking et de dis­patch des bagages dans l’aérien. C’est exac­te­ment sur ces sujets que tra­vaille Alltheway.

« Rendre les déplacements intermodaux efficaces et attractifs. »

La lutte contre le réchauffement climatique ne va-t-elle pas rebattre les cartes ?

Tout à fait, nous n’avons pas le choix et nous devons repen­ser les mobi­li­tés. Et le bagage est, pour cer­tains par­cours et cer­taines popu­la­tions, un irri­tant qui empêche des choix indi­vi­duels ver­tueux en termes de mobi­li­té (train, covoi­tu­rage, cyclo­tou­risme, et demain eVTOL, c’est-à-dire elec­tric ver­ti­cal take-off and lan­ding…). Glo­ba­le­ment, All­the­way cherche à avoir un impact posi­tif en stan­dar­di­sant une tech­no­lo­gie et des pro­cess de sécu­ri­sa­tion des bagages dans des par­cours inter­mo­daux, à amé­lio­rer l’expérience client, à coor­don­ner le bagage avec les horaires des dif­fé­rents modes de mobi­li­té et à rendre les dépla­ce­ments inter­mo­daux effi­caces et attractifs.

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