Nouvelles technologies et aménagement du territoire,
Le propre des technologies de l’information est d’être dématérialisées : il suffit d’un réseau et d’ordinateurs pour que l’information circule à la vitesse de la lumière, s’affranchissant des contraintes physiques traditionnelles. Les territoires, qui sont jusqu’à présent profondément conditionnés par leur position géographique et la proximité ou non d’axes de communication, peuvent voir ces technologies comme une chance de développement ou un risque d’exclusion supplémentaire. Comme dans le secteur économique, les territoires pionniers peuvent prendre une avance concurrentielle et bénéficier plus rapidement que les autres des possibilités offertes par le développement de l’Internet.
Cependant pour qu’un territoire puisse appuyer son développement sur les technologies de l’information il est nécessaire d’engager simultanément des actions dans des domaines complémentaires : celui des infrastructures de télécommunication, celui de la formation et enfin celui des applications et services démonstratifs.
Contexte canton rural 11 000 habitants
C’est dans cette perspective qu’en 1993 le canton de Saint-Laurent-de-Chamousset a décidé la création d’un « réseau cognitif multimédia ». Ce canton rural réunit 14 villages de moyenne montagne et 12 000 habitants. Situé à une heure à l’ouest de Lyon, il a engagé depuis vingt ans une politique de développement local basée sur l’intercommunalité, la diversification économique et l’accueil d’entreprises innovantes.
Ces actions connaissent un succès significatif puisqu’en vingt ans, alors qu’il était au départ le canton le plus « pauvre » du département du Rhône, plus de 1 000 emplois ont été créés et 70 entreprises se sont implantées, dont une quinzaine de haute technologie. Celles-ci ont bénéficié du support exceptionnel de la pépinière de projets innovants Axone.
Ce développement local par l’économie est accompagné d’actions sociales, culturelles et éducatives. Et depuis six ans, il est complété par une politique ambitieuse autour des technologies de l’information.
Les technologies de l’information axe de développement
Les nouvelles possibilités offertes par le multimédia communicant ont d’abord été vues comme une chance pour le monde rural puisqu’elles lui permettent de s’affranchir de son handicap traditionnel : l’enclavement géographique.
Cependant rapidement on s’aperçoit qu’un certain nombre de problèmes sont à traiter : les technologies de l’information sont généralement associées à une culture scientifique et technique qui n’est pas forcément très répandue en milieu rural, la topologie des villages de moyenne montagne et la faible densité de population n’en font pas un marché rentable pour les opérateurs de télécommunication.
En réponse à la première question, la communauté de communes a commencé (en 1993) par multiplier les actions de formation et de sensibilisation aux nouvelles technologies auprès du grand public et de personnes relais comme les membres d’associations artistiques, les enseignants, les bibliothécaires, les chefs d’entreprise, les élus et les fonctionnaires territoriaux.
Afin de permettre à chacun, quels que soient ses moyens, d’accéder à la société de l’information, nous avons développé des points de consultation Internet et de création multimédia. D’abord dans le centre multimédia Erasme, où une quinzaine de machines et un studio de production multimédia sont accessibles pour 60 F par an et par famille (le tarif des bibliothèques municipales) avec un accompagnement par des médiateurs ; puis dans les bibliothèques municipales qui équipent chaque village même le plus petit.
Des productions multimédias mettent en valeur les actions locales, qu’il s’agisse d’un site web touristique, d’un CD-ROM sur un contrat de rivière, démontrant ainsi que le multimédia peut servir et souligner l’action locale. Une récente réalisation d’un CD-ROM de vulgarisation scientifique sur la plus ancienne mine d’argent de France, la mine de Pampailly, nous a permis de valoriser à la fois les travaux de recherche de l’équipe d’archéologie des mines de la Sorbonne et ce patrimoine local inaccessible au public.
Les images et vidéos de plusieurs années de fouilles sont ainsi réunies sur un même support et seront proposées au public dans la prochaine « maison de la mine » de Brussieu.
Une expérience de télétravail est aussi conduite avec l’animation du Réseau national de surveillance aérobiologique (www.rnsa.asso.fr), et le centre Erasme héberge l’intranet des 14 mairies et des différents services publics locaux.
Aujourd’hui plus de 1 200 personnes fréquentent régulièrement le centre Erasme, 80 bibliothécaires bénévoles sont mobilisés dans les bibliothèques, et 9 000 heures de formation continue y sont dispensées chaque année.
Les infrastructures
Les actions présentées ci-dessus ont permis de faciliter l’appropriation des technologies de l’information par le tissu local, elles ne résolvent pas par contre le problème des infrastructures : s’il y a plus de 20 opérateurs de télécommunications dans le Rhône, la majorité d’entre eux n’opèrent que dans le quartier d’affaires de la Part-Dieu.
On remarque là les limites des acteurs privés : ce sont les zones les plus rentables (les centres urbains) qui bénéficient naturellement des infrastructures et de la concurrence et ce au détriment de l’aménagement du territoire. Celui-ci est la mission des collectivités locales et en particulier des conseils généraux : ceux-ci gèrent déjà des routes, ont construit les réseaux de distribution d’eau et garantissent un niveau de solidarité territoriale.
Le Conseil général du Rhône a donc adopté en 1995 le principe d’un réseau câblé sur l’ensemble de son territoire : les autoroutes rhodaniennes de l’information. Ce réseau doit non seulement distribuer la télévision mais aussi des télécommunications à haut débit. Basé sur des technologies hybrides fibre/coaxial (HFC), ce réseau représentera 250 000 prises et raccordera 254 communes lorsqu’il sera terminé au début 2001. La moitié des prises est aujourd’hui livrée.
Son opérateur, Rhône Vision Câble, a pour actionnaire majoritaire le groupe UPC (au travers de sa filiale Médiaréseaux). Le Conseil général du Rhône finance environ 30 % de l’investissement total (lequel s’élève à 1,2 milliard de francs), le reste est financé par l’opérateur. En échange de cette participation publique, la zone rurale du département sera desservie et les services publics dépendant du conseil général et des communes bénéficieront d’un accès gratuit au réseau.
Ainsi tous les collèges, écoles et services du département pourront être interconnectés. L’Internet sur le câble est aujourd’hui en test mais sera déployé commercialement en début d’année prochaine. L’offre de Médiaréseaux à Marne-la-Vallée nous donne des indications sur cette offre : le particulier bénéficie d’un débit de 512 kbit/s sans limitation de trafic ni de durée pour un abonnement de 240 F par mois, location du câble modem compris.
Nous verrons avec intérêt dans les prochains mois le déploiement de l’offre ADSL de France Télécom qui permettra une saine concurrence dans le département en matière de réseau haut débit si toutefois cette offre ADSL ne se limite pas aux zones urbaines.
Les enjeux de l’accès au savoir
En complément de la construction de cette infrastructure, le Conseil général du Rhône s’attache à présent à développer les usages publics de ces technologies.
Avant de lancer différents projets sur la télémédecine, les téléprocédures administratives ou es secours d’urgence, l’accent a été placé sur l’éducation et l’accès au savoir.
Le moteur de la nouvelle économie de l’information étant le savoir, il est prioritaire de développer les conditions d’accès au savoir et d’apporter aux enseignants les possibilités des technologies de l’information pour une pédagogie plus efficace, plus centrée sur l’apprenant. Un effort important est donc fait cette année pour l’équipement et l’interconnexion des collèges, il est complété par l’ouverture de services en ligne pour les enseignants. C’est ainsi que le centre multimédia Erasme est maintenant rattaché depuis un an au Conseil général du Rhône et a engagé des expérimentations sur l’usage pédagogique du réseau.
Celles-ci sont conduites en partenariat avec l’Éducation nationale et différents acteurs publics et privés comme La Cinquième ou l’INA.
Erasme développe actuellement un serveur de contenus multimédias pédagogiques (http://laclasse.com) pour réseau haut débit, il comprend des ressources libres de droit et d’autres venant d’éditeurs privés ou publics et est destiné à favoriser l’utilisation et le partage de documents multimédias par les enseignants. Le centre héberge des serveurs de communication (forum, discussion, radio Internet) ou de travail collaboratif comme les arbres de connaissances qu’enrichissent chaque semaine des écoles primaires.
On s’aperçoit que des usages très différents d’Internet et des technologies de l’information peuvent voir le jour dans le cadre scolaire. Il peut s’agir de supports de documentation et de communication, mais aussi d’apprentissage au travail d’équipe, de gestion de la complexité et cartographie des savoirs. Cette phase d’expérimentation prépare un déploiement sur mille établissements l’an prochain. Des actions de coproduction multimédia et de formation compléteront ce dispositif.
À venir
Ces technologies ne pourront porter un développement local durable que si les entreprises locales se les approprient et entrent dans la dynamique de la Net-économie. Les modèles économiques et les cultures d’entreprises sont sur le point d’être profondément ébranlés et nous voyons aujourd’hui une course à la part de marché électronique extrêmement valorisée en Bourse.
Nous pensons que la disponibilité de réseaux haut débit, à facturation forfaitaire pour l’usager, vont générer de nouveaux usages et de nouveaux marchés très importants. Les entreprises qui en bénéficieront les premières auront ainsi une compétitivité accrue.
Avec le déploiement des autoroutes rhodaniennes de l’information, le Conseil général du Rhône souhaite offrir cette chance sur l’ensemble de son territoire et permettre aux entrepreneurs et aux salariés de choisir leur environnement de vie et de travail.
Pour en savoir d’avantage :
http://www.erasme.org
http://laclasse.com