Œuvres de Chostakovitch, Respighi et Nino Rota
Voilà un concert très original, réunissant un des tout premiers orchestres du monde dans un lieu paradisiaque jouant quatre « suites » étonnantes, des œuvres passionnantes mais sortant des sentiers battus.
L’amphithéâtre en plein air de la Waldbühne accueille chaque été l’Orchestre philharmonique de Berlin pour des concerts populaires qui sont de véritables événements. Dans ce lieu au milieu de la verdure, des milliers de spectateurs viennent voir, parfois assis assez loin, des concerts généralement très classiques mais dans une ambiance vraiment exceptionnelle. Des étés précédents, le DVD a gardé trace de quelques concerts remarquables, notamment les œuvres célèbres de Gershwin sous la direction de Seiji Ozawa (Euroarts) et un couplage russe avec Le Sacre du printemps et le Troisième Concerto de Rachmaninov sous la direction de Simon Rattle (chez Euroarts également).
Lors de l’été 2011, le concert qui a été conservé et publié est consacré à la Seconde Jazz Suite de Chostakovitch, à la suite composée par Nino Rota d’après la musique qu’il avait offerte à Fellini pour La Strada et aux deux suites les plus célèbres d’Ottorino Respighi célébrant Les Pins de Rome et Les Fontaines de Rome.
La Jazz Suite de Chostakovitch est en fait l’association de plusieurs musiques de films qu’il composa dans les années 1930 à 1950, pour des raisons principalement alimentaires, orchestrée pour un orchestre très riche, enrichi d’accordéon, guitare, quatre saxophones, piano et xylophone. La célèbre Valse n° 2, immortalisée par Kubrick et la publicité pour la CNP (déjà dirigée par R. Chailly), accompagnait initialement un film soviétique de 1956 célébrant le courage des pionniers cultivant les terres vierges. Et vous découvrirez dans cette suite d’autres valses similaires, à connaître.
La Strada de Fellini doit beaucoup à la musique de Nino Rota, un véritable compositeur classique, qui, comme Ennio Morricone et Michael Nyman, doit sa célébrité à des musiques de films alors qu’il a composé de nombreuses œuvres « savantes ». Sa musique est souvent défendue par les grands chefs italiens, comme Riccardo Muti et Riccardo Chailly. Ici réarrangés sous forme d’une suite de ballet, les différents moments du film font ressortir les thèmes récurrents, dont certains, immortels.
Les deux cycles de poèmes symphoniques romains de Respighi (manque le troisième cycle, moins réussi, Fêtes de Rome ) montrent une orchestration remarquable et une caractérisation des jardins et des fontaines de Rome surprenante. Écoutez la beauté de « La Fontaine de Trévi à midi », second poème des Fontaines de Rome, peut-être le poème où l’art de peintre de Respighi, élève à Saint-Pétersbourg de Rimski-Korsakov comme Prokofiev et Stravinski, est le mieux résumé.
Riccardo Chailly est un des rares chefs à avoir attaché son nom à deux des plus beaux orchestres du monde. Nommé à trente-cinq ans à la tête du Concertgebouw d’Amsterdam, il y a animé une période faste pendant seize ans, du même niveau que la période de trente ans qui eut lieu auparavant sous la direction de Bernard Haitink.
Désormais à la tête du Gewandhaus de Leipzig, il offre chaque fois avec cet orchestre des concerts magnifiques, et ses passages à Paris sont autant de témoignages de l’immense qualité de cet ensemble. Ici à la tête du Philharmonique de Berlin, Riccardo Chailly fait rayonner cette musique pour le plaisir apparent de tous les spectateurs. Et il conclut, comme le veut la tradition, par un Berliner Luft (de Paul Lincke) repris par le public visiblement ravi.
Les images de ce concert, comme souvent à la Waldbühne (c’est le cas des concerts russe et Gershwin cités plus haut), sont superbes. Une scène magnifiquement éclairée et décorée, dans un parc rayonnant, tout au long du coucher du soleil. Et une réalisation qui permet de parfaitement suivre la musique, montrant successivement les pupitres pertinents et le chef. Et en haute définition (en Blu- Ray), on voit aussi bien que si on était sur place lors des plans larges, et bien mieux lors des gros plans. Un Blu- Ray auquel on reviendra souvent.