Offrir des outils conceptuels décisifs
L’X et les humanités. Le titre pourrait prêter à confusion. Certains pourraient y voir l’annonce d’un ensemble d’articles consacrés aux grandes figures polytechniciennes qui ont su conjuguer dans leurs carrières ou destins excellence scientifique et excellence « humaniste ».
Il est vrai qu’elles ne manquent pas : de Jean-Baptiste Biot (1794), le fin lettré de la première promotion de l’École, à Antoine Compagnon (70), aujourd’hui professeur de littérature à Columbia et au Collège de France, en passant par Georges Sorel (1865), philosophe et sociologue, ou Alfred Sauvy (20), lui aussi sociologue et démographe, nombreux sont les polytechniciens qui ont fait se croiser avec talent leur formation d’ingénieur et leur passion pour les humanités et sciences humaines.
“ Une dimension éthique inappréciable dans l’éveil et la formation de nos étudiants ”
Nous voudrions ici nous en tenir à quelques questions et approches sur ce qui fonde, légitime et perpétue aujourd’hui la dimension « humaniste » de notre École, présente dès l’origine dans le projet polytechnicien : pourquoi de « vieilles » humanités, des « beaux-arts » appliqués et de « jeunes » sciences humaines et sociales en renfort du socle des sciences exactes ?
Quels défis à relever pour le corps des professeurs, chercheurs ou artistes de ces champs parfois inattendus en école d’ingénieurs ? Quelles attentes, quels plaisirs mais aussi quelles réticences éventuelles pour les polytechniciens français ou étrangers conviés tous les jeudis matin à pareilles découvertes et initiations ?
Quels profits professionnels et surtout quels bénéfices intellectuels « différés » en perçoivent les jeunes anciens dans leurs débuts de vie active, comme les patrons confirmés de nos entreprises ?
À travers ces analyses et témoignages, la problématique de « L’X et les humanités » rejoindra inévitablement celle de la place de la culture tout court au sein de la culture scientifique du polytechnicien.
On y verra qu’à côté des instruments opératoires de la science et de la technique, les humanités ont aussi pour mission d’offrir des outils conceptuels décisifs dans l’investigation de la complexité du réel social ; qu’elles ont enfin – et peut-être surtout – une dimension éthique inappréciable dans l’éveil et la formation de nos étudiants, futurs cadres de l’entreprise comme de l’administration, aux valeurs de responsabilité, d’autonomie et de citoyenneté.