Okwind : une énergie intelligente en circuit court
Produire et consommer une énergie verte dans un même lieu : c’est l’idée développée par la société Okwind, grâce à un dispositif photovoltaïque innovant. Entretien avec Louis Maurice, président d’Okwind.
À partir de quelle idée avez-vous créé Okwind ?
Nous avons fondé Okwind en 2009 avec l’idée de faire des générateurs d’énergie dédiés à l’autoconsommation. Nous avons commercialisé nos premiers trackers en 2014.
Qu’est-ce qu’un tracker et quelle est votre originalité à ce niveau ?
Un tracker est un générateur d’énergie. Dans le photovoltaïque, la captation d’énergie solaire est à son optimum lorsque le rayon est perpendiculaire aux cristaux de silicium. Si l’on prend le cas de panneaux photovoltaïques fixes, attachés sur un toit par exemple, le meilleur rendement est à midi. Notre idée était donc de construire une structure portant les panneaux qui puisse suivre la trajectoire du soleil, avec un rendement optimal quelles que soient l’heure et la saison. Par conséquent, nous n’avons pas de pic de production à midi. La courbe de production est constante, s’il y a du soleil. Or, il est plus facile d’injecter de l’énergie dans un process avec une tension constante plutôt qu’avec des tensions très variables.
Nous avons par ailleurs introduit la notion de « bifacial » : on récupère le rayonnement sur la face arrière des cellules. Ce qui fait que nous produisons 70 à 80 % davantage qu’une installation de panneaux fixes.
Quels niveaux d’autonomie parvenez-vous à apporter à vos clients ?
Il y a quelques années, nous savions assurer un taux d’autonomie énergétique pour nos clients de l’ordre de 30 %. Nous avons mis en œuvre des techniques de management de l’énergie qui permettent de l’utiliser avec une meilleure efficacité. Désormais, on atteint des taux de 50 % ou 60 %.
Le management de l’énergie est la capacité à utiliser l’énergie disponible le mieux possible. Il faut donc savoir l’utiliser au moment adéquat et/ou la stocker. Nous utilisons des accumulateurs qui permettent de stocker l’excédent d’énergie de l’installation photovoltaïque, sous une forme thermique ou électrique. Ensuite, grâce à des systèmes d’alarme et d’analyse, nos clients peuvent contrôler leur production et consommation d’énergie, et utiliser l’énergie produite par le tracker de manière optimale.
“Notre but est de donner aux citoyens le maximum d’autonomie dans sa production d’énergie, et donc lui apporter les moyens de l’utiliser avec la plus grande efficience possible.”
Avec notre installation, la station d’épuration de Rennes Métropole, par exemple, est autonome en énergie à hauteur de 60 %. Rennes Métropole n’a donc plus qu’à acheter les 40 % restant au lieu de 100 % auparavant.
Il faut également noter que nos dispositifs s’inscrivent parfaitement dans les politiques RSE. Notre tracker produisant presque deux fois plus d’énergie qu’un panneau classique, l’installation émet environ deux fois moins de CO2. La moyenne du photovoltaïque en France est de 43,9g de CO2 par kW/h produit ; nous émettons 26g seulement.
Quel est le rôle de l’IA dans votre technologie ?
Nous avons une vingtaine d’ingénieurs en recherche et développement, dont la moitié se consacre à l’aspect électro-technique, la mise au point des structures, etc. Mais une grande partie de nos effectifs d’ingénieurs travaille sur l’informatique industrielle, et notamment sur l’intelligence artificielle. Il s’agit de faire les bons arbitrages pour obtenir une meilleure efficience de la consommation de l’énergie disponible. Les appels de charge d’un process peuvent être assez aléatoires. Il faut donc que, par apprentissage, on puisse mettre sous charge tel ou tel élément de consommation d’énergie du process, tout en respectant des conflits d’intérêt. Entre la durée de vie de la batterie, son temps d’utilisation, et l’optimisation de l’énergie en question, il y a des arbitrages à opérer. C’est ce que rend possible la capacité d’apprentissage de l’intelligence artificielle.
L’IA a donc un rôle important dans la problématique de l’efficience énergétique ?
Sa place est déterminante. Les process vont consommer de manière très variable en fonction de l’environnement : s’il fait froid, s’il fait chaud, s’il y a des nuages, etc. Il faut également prendre en compte la capacité de stockage, et un marché qui se caractérise par des cours très volatiles. La multiplicité de ces variables condamne les automates sur ce type d’application, et rendent nécessaires le travail par processeur et algorithmie.
Quels sont vos projets à l’heure actuelle ?
L’agrivoltaïsme est un aspect important de notre développement. Il s’agit ici de concilier la qualité de rendement agronomique des terres, équipées de trackers, la qualité de la biodiversité présente, la réversibilité de l’utilisation des sols, un partage équitable des revenus. Nous avons à ce niveau des contrats de recherche avec le CNRS portant essentiellement sur les volets biodiversité et rendement agronomique. Avec nos solutions l’agriculteur ne devrait pas perdre un seul point de rendement agronomique en favorisant la biodiversité. C’est ce à quoi nous pouvons contribuer en permettant de produire de l’énergie sur des terres agricoles sans les dénaturer. L’agriculture est donc pour nous une cible prioritaire.
Comment voyez-vous le futur du photovoltaïque dans le mix énergétique ?
Le photovoltaïque doit être la pierre angulaire du mix énergétique. Le déploiement industriel d’une énergie renouvelable comme l’hydrogène ne sera pas effectif avant 10 ou 15 ans. Idem pour le mini-nucléaire. Les temps de cycle d’obtention des différents permis pour la construction d’éoliennes sont trop longs ; ces temps sont beaucoup plus courts pour le photovoltaïque. Enfin, le photovoltaïque possède l’avantage de générer l’énergie de manière passive, sur un plan mécanique, nécessitant de ce fait très peu de maintenance. Le nucléaire, lui, demande une maintenance importante ; de plus, il est fortement impacté par un débit des fleuves réduit par le réchauffement climatique.
Quel est le rythme de développement de votre société ?
En 2015, la société avait un chiffre d’affaires d’à peine 1 million d’euros. Cette année, nous sommes à environ 35 millions, et nous avons l’ambition d’arriver à 175 millions en 2026. Okwind est donc une société en très forte progression. Concernant la croissance externe, nous avons levé des fonds pour continuer à investir dans des blocs technologiques de régulation (management d’énergie essentiellement) et pour pouvoir déployer sur un plan industriel et commercial l’ensemble de nos offres, sur les pays européens et sur le Maghreb.
Comment voyez-vous l’avenir de cette énergie ?
L’énergie solaire est disponible et bon marché. Elle a tout pour plaire. Mais l’autoconsommation est un peu négligée en France. Alors qu’elle absorbe 10% de la production nationale en Allemagne, elle représente 1% chez nous.
La production d’électricité est concentrée en France sur quelques centrales. Or, en décentralisant la production d’énergie, en favorisant l’autoconsommation, on intéresse chaque citoyen à la gestion de l’énergie. Notre but est de donner aux citoyens le maximum d’autonomie dans sa production d’énergie, et donc lui apporter les moyens de l’utiliser avec la plus grande efficience possible. Qu’on soit un particulier, un agriculteur, un industriel, une collectivité territoriale, la transition doit se faire d’abord par l’autoconsommation et par l’adhésion de tous à ce concept.