Optimiser la gestion des déchets
REPÈRES
Le déchet (du latin dis-cadere : tomber) est ce qu’on laisse tomber, car il n’a pas de valeur, ni de vente, ni d’usage. La définition juridique par le Code de l’environnement (article L541‑1) qualifie de déchet « tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien, meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon ».
La définition officielle du déchet rejoint l’idée intuitive. Un déchet est le négatif d’un produit, un produit étant défini du point de vue du producteur comme le résultat d’un processus de production, ou du point de vue de l’utilisateur par son usage. D’où la distinction entre déchets industriels (la première partie de la définition) et déchets des ménages (la seconde partie).
L’ÉCO-CONTRIBUTION
Une directive européenne, transposée en droit français en 2005, a imposé la collecte spécifique des DEEE. Celle-ci est indiquée au consommateur par le symbole « poubelle barrée » figurant sur ces appareils.
En même temps a été instaurée l’éco-contribution, payée par le consommateur lors de l’achat du produit, et servant à financer la collecte et le traitement de ces appareils.
Le déchet n’a pas de valeur : en fait, pas forcément. Dans les domaines industriels, par exemple, la différence entre des sociétés performantes et les autres, dans des secteurs à faible marge et consommation de matières premières importante, se fait au profit de celles qui savent valoriser au mieux leurs déchets.
Un déchet est ce que l’on a l’intention d’abandonner. Et cela quelle qu’en soit la raison. Un consommateur compulsif décide de se débarrasser d’un produit pour acquérir sa dernière version. L’ancienne version qui fonctionne encore parfaitement devient un déchet.
En revanche, vous avez gardé pour leur valeur sentimentale les faux cols en celluloïd de votre Grand U : ce ne sont pas des déchets, puisque vous n’avez pas l’intention de vous en débarrasser.
Un anti-produit
Un déchet est donc un anti-produit. La réglementation européenne sur les produits ne s’applique pas aux déchets. Un produit peut circuler librement dans l’Union européenne, un déchet ne le peut pas.
“ Un déchet est ce qu’on a l’intention d’abandonner ”
Cela ne signifie pas qu’il ne peut pas franchir une frontière intraeuropéenne :mais il ne peut pas le faire librement, c’est-à-dire sans remplir certaines conditions préalables.
Le déchet est aussi ce qu’on ne veut pas voir. Sa collecte et son traitement sont souvent confiés à des personnes qui ne sont pas situées au plus haut de l’échelle sociale, et cela dans tous les pays : chiffonniers du Caire, Burakumin au Japon, Roms en Europe.
Les centres de collecte et de traitement sont dissimulés, situés à l’écart de populations, alors même que les nuisances qu’ils causent n’ont plus rien à voir avec celles d’autrefois.
Un million de tonnes de “ DEEE ”
Chargement de gros électroménager.
Les « Déchets d’équipements électriques et électroniques » (DEEE) sont une catégorie bien spécifique de la grande famille des déchets, dont les ménages produisent cependant plus de un million de tonnes par an.
On y distingue les lampes, les écrans (de télévision et d’ordinateurs), le gros électroménager froid (les réfrigérateurs), le gros électroménager hors froid (lave-vaisselle, lave-linge, etc.) et le PAM (petits appareils en mélange : des aspirateurs aux téléphones portables en passant par les postes de radio ou les sèche-cheveux).
Ces produits contiennent des composants dangereux pour la santé ou pour l’environnement : il convient donc de ne pas les relâcher inconsidérément dans la nature ; mais ils contiennent aussi des matières « précieuses », qu’il est utile de récupérer pour les recycler et éviter d’en acheter, ce qui permet à la fois de limiter leur consommation primaire, de réduire le déficit de la balance commerciale et de limiter les dégâts engendrés par l’exploitation.
Une logistique “ C to B ”
Pour un produit, le fabricant connaît, voire maîtrise sa chaîne de distribution au consommateur final. Pour un déchet, il s’agit de faire l’inverse et de passer du B to C au C to B.
Dans la première approche, chacun trouve son intérêt bien compris dans l’accomplissement de la tâche correspondant à sa portion de la chaîne logistique : l’industriel, le grossiste, le commerçant et le consommateur final qui maximalise sa fonction d’utilité en allant effectuer son acte d’achat. Dans le second cas, la motivation est différente : il s’agit de sens civique et d’intérêt général.
Le premier pas
Une zone de déchets d’équipements électriques et électroniques.
D’où des défis particuliers. Le premier d’entre eux n’est pas le moindre : il faut convaincre le consommateur d’effectuer le premier pas. Lui, qui n’hésitera pas à se déplacer dans un magasin pour effectuer son achat et ramener chez lui le produit qu’il y a acheté, se montre parfois moins volontaire pour effectuer le chemin en sens inverse et l’amener à un point de collecte une fois celui-ci devenu déchet.
Il est plus simple de mettre, comme on l’a toujours fait avec les autres déchets, son DEEE à la poubelle. Il peut aussi ignorer la réglementation, et quels sont les points de collecte à sa disposition. D’autant plus que ceux-ci sont parfois rares dans certaines régions.
En zone urbaine, il est courant de déposer ses déchets sur le trottoir – où une collecte informelle se chargera de les faire disparaître.
“ Composants dangereux et matières précieuses ”
Pour que la chaîne soit efficace, il faut que les flux soient bien aiguillés et triés dès le départ. En effet, chaque type de déchet subit un traitement spécifique, le plus souvent dans un centre de traitement dédié. L’optimisation suppose donc un tri dès l’endroit de dépose.
Cela implique de minimiser dès le départ les erreurs de tri. Non seulement, par exemple, le flux de DEEE doit être pur de toute autre catégorie de déchet, mais de plus il doit lui-même être trié parmi les cinq différentes catégories.
Mobiliser l’ensemble des acteurs
D’AUTRES DÉFIS
Quand vous livrez un entrepôt depuis une usine vous savez ce que vous allez envoyer. Quand vous faites une tournée de déchetteries pour aller y collecter des DEEE, vous ne savez jamais ce que vous allez y trouver.
Des DEEE certes, mais en quelle quantité ? Ont-ils été pillés pendant la nuit, rendant votre déplacement inutile ?
Vous ne pouvez vous fier qu’à votre connaissance de l’historique de production de la déchetterie et à votre science de l’optimisation des tournées.
Dans le but d’assurer les objectifs nationaux de collecte, comment faire pour mobiliser l’ensemble des acteurs, collectivités locales, pouvoirs publics, associations, collecteurs, industriels, afin d’assurer cette connaissance du bon geste de tri permettant de récupérer et d’aiguiller correctement les flux de déchets ?
Et cela sans effectuer une collecte « en porte à porte » au coût prohibitif ?
Quand il s’agit des déchets des entreprises, la situation se complique encore. En général, l’entreprise, pas plus que le particulier, ne connaît ses obligations en matière de déchets.
Mais, plus que le particulier, elle est habituée à un calcul économique et est donc moins disposée à effectuer gratuitement cette première démarche d’apport de ses déchets à un point de collecte. La difficulté augmente donc d’un cran.