Otrera accélère le développement des SMR pour décarboner l’énergie au cœur des territoires
Frédéric Varaine, CEO et fondateur d’Otrera, revient sur l’ambition technologique de sa start-up industrielle : développer et industrialiser un réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium du type SMR pour répondre aux enjeux de la transition énergétique, mais aussi de la souveraineté énergétique de la France.
Pour réussir la transition énergétique, nous devons miser sur une approche multi-énergie et multi-technologies. Dans ce cadre, quel est l’intérêt des SMR ?
En effet, la transition énergétique ne peut pas reposer sur une seule source ou technologie. L’atteinte du net zéro est un impératif absolu pour limiter le réchauffement climatique et garantir un avenir viable pour les générations futures. Nous avons donc un enjeu à aller chercher toutes les technologies qui nous permettront d’atteindre cet objectif.
Les Small Modular Reactors (ou petits réacteurs modulaires en français), dont fait partie notre réacteur Otrera, apportent une réponse intéressante à plusieurs défis actuels. D’abord, ils sont adaptés aux besoins locaux et permettent la production d’une énergie territoriale proche des consommateurs, ce qui réduit les investissements dans les réseaux. Ensuite, ils sont modulaires, ce qui permet une production en série et une réduction des coûts de construction.
“Chez Otrera, nous avons conçu une chaudière compacte de 300 MW thermique, pouvant s’adapter aux besoins variés des territoires, aussi bien pour produire de l’électricité que de la chaleur, voire de l’hydrogène.”
Concrètement, chez Otrera, nous avons conçu une chaudière compacte de 300 MW thermique, pouvant s’adapter aux besoins variés des territoires, aussi bien pour produire de l’électricité que de la chaleur, voire de l’hydrogène. Notre enjeu est de pouvoir produire de l’énergie à un prix compétitif et de mettre en service dès 2032 notre premier réacteur qui intègre des innovations en matière de sûreté. Grâce à des systèmes de refroidissement passif et des barrières de confinement renforcées, nous avons significativement amélioré la sécurité des réacteurs, minimisant ainsi les risques.
Il y a maintenant deux ans, j’ai créé Otrera, après plusieurs décennies à travailler dans l’énergie, et particulièrement dans le nucléaire, pour apporter des éléments de réponse à l’objectif de transition énergétique avec l’ensemble des producteurs d’énergie bas carbone. Nous avons une vision symbiotique du développement de notre réacteur en lien avec l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur pour répondre à ce grand enjeu de la décarbonation des usages.
Otrera se concentre justement sur ces réacteurs de petite taille et travaille sur la technologie de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium. Pourquoi ce choix ?
Nous avons choisi la technologie des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium parce qu’elle répond à plusieurs défis importants. Le premier concerne le recyclage des combustibles nucléaires usés et la fermeture du cycle des matières nucléaires. La technologie des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium permet de répondre à ce besoin. En France, l’ensemble des acteurs du nucléaire ont une connaissance et maîtrise approfondies de toute la chaîne de valeur de cette technologie : ingénierie de conception, réalisation, exploitation et même démantèlement. Il y a donc tout un effort déjà consenti en matière de recherche et développement sur lequel il est possible de capitaliser.
Enfin, en lui-même, le sodium est un excellent caloporteur, qui améliore l’efficacité du réacteur et sa flexibilité et nous permet de valoriser l’ensemble de l’énergie produite, ce qui n’est pas le cas des réacteurs nucléaires actuels.
Votre start-up a une réelle légitimité sur ce segment au regard de votre parcours au sein du CEA et de votre expérience. Dites-nous en plus.
La légitimité d’Otrera repose avant tout sur une équipe talentueuse, composée de personnes aux compétences variées et complémentaires, et qui se remet constamment en question. Je suis très fier de travailler avec ces experts à la pointe de la transition énergétique. Nous avons fait le choix de nous entourer de profils qui apportent une réelle plus-value, avec des parcours diversifiés et une capacité à innover en permanence.
Mon expérience, notamment en tant que chef du projet ASTRID et au sein du CEA, m’a permis d’acquérir une connaissance approfondie de l’intimité de cette technologie, une vision à long terme des besoins énergétiques et une capacité à gérer les défis. Cela m’a aussi appris à préparer l’avenir, même dans un contexte difficile et à persévérer.
Le passage du secteur public à une start-up n’est pas toujours simple, mais j’ai choisi de m’engager directement parce qu’il est essentiel de redéfinir le rôle du nucléaire en France. Il doit devenir une énergie plus ancrée localement, plus accessible, et l’innovation doit être portée par des forces nouvelles. Cette dynamique et cette volonté de réinvention sont indispensables pour atteindre les objectifs ambitieux fixés. C’est justement ce qui nous motive au quotidien chez Otrera !
Votre start-up a été retenue dans le cadre de France 2030 pour justement accélérer le développement des SMR et développer une filière souveraine française et européenne. Quels sont vos enjeux dans ce cadre ? Vos perspectives ?
Être lauréat de France 2030 est un vrai coup de boost. Ce programme a pour objectif de faire de la France un leader dans les technologies innovantes et d’avancer dans la réindustrialisation du pays et c’est exactement ce que nous cherchons à faire avec nos SMR. Notre mission n’est pas d’innover pour innover mais d’apporter une solution robuste, efficace et qui garantisse la souveraineté énergétique de la France.
Aujourd’hui, les enjeux sont clairs. Il s‘agit d’accélérer le développement de notre réacteur et de créer une filière nucléaire souveraine. Cela implique d’innover rapidement, mais aussi de structurer un réseau industriel solide pour produire ces réacteurs de manière compétitive. Spin off du CEA, Otrera s’attache, d’ailleurs, à valoriser des briques technologiques souveraines développées au cours du programme ASTRID.
À court terme, notre objectif principal est de finaliser notre premier tour de levée de fonds et de concrétiser les premières étapes du projet. La prochaine échéance sera d’engager une seconde levée, plus ambitieuse, pour laquelle je fais appel à toutes les forces vives prêtes à nous accompagner dans cette aventure. Notre enjeu est de construire une communauté autour du projet : je ne crois pas au modèle où les sociétés ne s’adressent qu’aux financeurs potentiels ou aux candidats à des postes, nous ouvrons les vannes et les voies parce que cette transition ne se fera pas sans éclaireurs.
Vous finalisez donc votre première levée de fonds. Dites-nous en plus.
Otrera a réussi à rassembler autour du projet des industriels. Nous voulons construire une véritable alliance, où chacun joue un rôle clé dans la réussite de ce projet. Avoir des industriels investisseurs dès cette phase dans notre projet est un atout pour développer notre supply chain et concevoir en boucle courte des composants industrialisables.
Cette levée fait écho aux financements obtenus via la BPI dans le cadre de France 2030, et nous nous félicitons de la manière dont cela s’est fait : de façon naturelle, avec des partenaires de confiance. C’est dans cet esprit de collaboration que nous voulons avancer pour les prochaines étapes du projet.
Au-delà, vous ambitionnez aussi de vous positionner sur le marché international avec vos SMR. Qu’en est-il ?
Oui, absolument. Même si notre priorité est de consolider notre présence en France et en Europe, le marché international des SMR reste un enjeu majeur. De nombreux pays cherchent à décarboner leur économie tout en sécurisant leur approvisionnement en énergie, et les SMR apportent une réponse pertinente à ces défis avec des réponses à l’échelle.
Notre technologie, avec sa flexibilité et sa modularité, nous permet de répondre à des besoins variés, que ce soit pour des villes, des sites industriels ou des zones plus isolées. De plus, le fait que nous recyclons les combustibles nucléaires usés rend notre solution particulièrement intéressante pour les pays qui ont déjà une infrastructure nucléaire et souhaitent réduire leurs stockages de matières irradiées en les valorisant en tant que ressource.
Nous envisageons donc de développer des partenariats à l’international pour adapter notre technologie aux différents marchés, avec l’idée d’exporter notre savoir-faire tout en restant à l’écoute des besoins locaux. Le potentiel est immense, et nous voyons cette expansion comme une étape naturelle de notre développement.