Otrera accélère le développement des SMR pour décarboner l’énergie au cœur des territoires

Otrera accélère le développement des SMR pour décarboner l’énergie au cœur des territoires

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Frédéric VARAINE

Fré­dé­ric Varaine, CEO et fon­da­teur d’Otrera, revient sur l’ambition tech­no­lo­gique de sa start-up indus­trielle : déve­lop­per et indus­tria­li­ser un réac­teur à neu­trons rapides refroi­di au sodium du type SMR pour répondre aux enjeux de la tran­si­tion éner­gé­tique, mais aus­si de la sou­ve­rai­ne­té éner­gé­tique de la France.

Pour réussir la transition énergétique, nous devons miser sur une approche multi-énergie et multi-technologies. Dans ce cadre, quel est l’intérêt des SMR ?

En effet, la tran­si­tion éner­gé­tique ne peut pas repo­ser sur une seule source ou tech­no­lo­gie. L’atteinte du net zéro est un impé­ra­tif abso­lu pour limi­ter le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et garan­tir un ave­nir viable pour les géné­ra­tions futures. Nous avons donc un enjeu à aller cher­cher toutes les tech­no­lo­gies qui nous per­met­tront d’atteindre cet objectif.

Les Small Modu­lar Reac­tors (ou petits réac­teurs modu­laires en fran­çais), dont fait par­tie notre réac­teur Otre­ra, apportent une réponse inté­res­sante à plu­sieurs défis actuels. D’abord, ils sont adap­tés aux besoins locaux et per­mettent la pro­duc­tion d’une éner­gie ter­ri­to­riale proche des consom­ma­teurs, ce qui réduit les inves­tis­se­ments dans les réseaux. Ensuite, ils sont modu­laires, ce qui per­met une pro­duc­tion en série et une réduc­tion des coûts de construction.

“Chez Otrera, nous avons conçu une chaudière compacte de 300 MW thermique, pouvant s’adapter aux besoins variés des territoires, aussi bien pour produire de l’électricité que de la chaleur, voire de l’hydrogène.”

Concrè­te­ment, chez Otre­ra, nous avons conçu une chau­dière com­pacte de 300 MW ther­mique, pou­vant s’adapter aux besoins variés des ter­ri­toires, aus­si bien pour pro­duire de l’électricité que de la cha­leur, voire de l’hydrogène. Notre enjeu est de pou­voir pro­duire de l’énergie à un prix com­pé­ti­tif et de mettre en ser­vice dès 2032 notre pre­mier réac­teur qui intègre des inno­va­tions en matière de sûre­té. Grâce à des sys­tèmes de refroi­dis­se­ment pas­sif et des bar­rières de confi­ne­ment ren­for­cées, nous avons signi­fi­ca­ti­ve­ment amé­lio­ré la sécu­ri­té des réac­teurs, mini­mi­sant ain­si les risques.

Il y a main­te­nant deux ans, j’ai créé Otre­ra, après plu­sieurs décen­nies à tra­vailler dans l’énergie, et par­ti­cu­liè­re­ment dans le nucléaire, pour appor­ter des élé­ments de réponse à l’objectif de tran­si­tion éner­gé­tique avec l’ensemble des pro­duc­teurs d’énergie bas car­bone. Nous avons une vision sym­bio­tique du déve­lop­pe­ment de notre réac­teur en lien avec l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur pour répondre à ce grand enjeu de la décar­bo­na­tion des usages.

Otrera se concentre justement sur ces réacteurs de petite taille et travaille sur la technologie de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium. Pourquoi ce choix ?

Nous avons choi­si la tech­no­lo­gie des réac­teurs à neu­trons rapides refroi­dis au sodium parce qu’elle répond à plu­sieurs défis impor­tants. Le pre­mier concerne le recy­clage des com­bus­tibles nucléaires usés et la fer­me­ture du cycle des matières nucléaires. La tech­no­lo­gie des réac­teurs à neu­trons rapides refroi­dis au sodium per­met de répondre à ce besoin. En France, l’ensemble des acteurs du nucléaire ont une connais­sance et maî­trise appro­fon­dies de toute la chaîne de valeur de cette tech­no­lo­gie : ingé­nie­rie de concep­tion, réa­li­sa­tion, exploi­ta­tion et même déman­tè­le­ment. Il y a donc tout un effort déjà consen­ti en matière de recherche et déve­lop­pe­ment sur lequel il est pos­sible de capitaliser.

Enfin, en lui-même, le sodium est un excellent calo­por­teur, qui amé­liore l’efficacité du réac­teur et sa flexi­bi­li­té et nous per­met de valo­ri­ser l’ensemble de l’énergie pro­duite, ce qui n’est pas le cas des réac­teurs nucléaires actuels.

Votre start-up a une réelle légitimité sur ce segment au regard de votre parcours au sein du CEA et de votre expérience. Dites-nous en plus.

La légi­ti­mi­té d’Otrera repose avant tout sur une équipe talen­tueuse, com­po­sée de per­sonnes aux com­pé­tences variées et com­plé­men­taires, et qui se remet constam­ment en ques­tion. Je suis très fier de tra­vailler avec ces experts à la pointe de la tran­si­tion éner­gé­tique. Nous avons fait le choix de nous entou­rer de pro­fils qui apportent une réelle plus-value, avec des par­cours diver­si­fiés et une capa­ci­té à inno­ver en permanence.

Mon expé­rience, notam­ment en tant que chef du pro­jet ASTRID et au sein du CEA, m’a per­mis d’acquérir une connais­sance appro­fon­die de l’intimité de cette tech­no­lo­gie, une vision à long terme des besoins éner­gé­tiques et une capa­ci­té à gérer les défis. Cela m’a aus­si appris à pré­pa­rer l’avenir, même dans un contexte dif­fi­cile et à persévérer.

Le pas­sage du sec­teur public à une start-up n’est pas tou­jours simple, mais j’ai choi­si de m’engager direc­te­ment parce qu’il est essen­tiel de redé­fi­nir le rôle du nucléaire en France. Il doit deve­nir une éner­gie plus ancrée loca­le­ment, plus acces­sible, et l’innovation doit être por­tée par des forces nou­velles. Cette dyna­mique et cette volon­té de réin­ven­tion sont indis­pen­sables pour atteindre les objec­tifs ambi­tieux fixés. C’est jus­te­ment ce qui nous motive au quo­ti­dien chez Otrera !

Votre start-up a été retenue dans le cadre de France 2030 pour justement accélérer le développement des SMR et développer une filière souveraine française et européenne. Quels sont vos enjeux dans ce cadre ? Vos perspectives ?

Être lau­réat de France 2030 est un vrai coup de boost. Ce pro­gramme a pour objec­tif de faire de la France un lea­der dans les tech­no­lo­gies inno­vantes et d’avancer dans la réin­dus­tria­li­sa­tion du pays et c’est exac­te­ment ce que nous cher­chons à faire avec nos SMR. Notre mis­sion n’est pas d’innover pour inno­ver mais d’apporter une solu­tion robuste, effi­cace et qui garan­tisse la sou­ve­rai­ne­té éner­gé­tique de la France.

Aujourd’hui, les enjeux sont clairs. Il s‘agit d’accélérer le déve­lop­pe­ment de notre réac­teur et de créer une filière nucléaire sou­ve­raine. Cela implique d’innover rapi­de­ment, mais aus­si de struc­tu­rer un réseau indus­triel solide pour pro­duire ces réac­teurs de manière com­pé­ti­tive. Spin off du CEA, Otre­ra s’attache, d’ailleurs, à valo­ri­ser des briques tech­no­lo­giques sou­ve­raines déve­lop­pées au cours du pro­gramme ASTRID.

À court terme, notre objec­tif prin­ci­pal est de fina­li­ser notre pre­mier tour de levée de fonds et de concré­ti­ser les pre­mières étapes du pro­jet. La pro­chaine échéance sera d’engager une seconde levée, plus ambi­tieuse, pour laquelle je fais appel à toutes les forces vives prêtes à nous accom­pa­gner dans cette aven­ture. Notre enjeu est de construire une com­mu­nau­té autour du pro­jet : je ne crois pas au modèle où les socié­tés ne s’adressent qu’aux finan­ceurs poten­tiels ou aux can­di­dats à des postes, nous ouvrons les vannes et les voies parce que cette tran­si­tion ne se fera pas sans éclaireurs. 

Vous finalisez donc votre première levée de fonds. Dites-nous en plus. 

Otre­ra a réus­si à ras­sem­bler autour du pro­jet des indus­triels. Nous vou­lons construire une véri­table alliance, où cha­cun joue un rôle clé dans la réus­site de ce pro­jet. Avoir des indus­triels inves­tis­seurs dès cette phase dans notre pro­jet est un atout pour déve­lop­per notre sup­ply chain et conce­voir en boucle courte des com­po­sants industrialisables.

Cette levée fait écho aux finan­ce­ments obte­nus via la BPI dans le cadre de France 2030, et nous nous féli­ci­tons de la manière dont cela s’est fait : de façon natu­relle, avec des par­te­naires de confiance. C’est dans cet esprit de col­la­bo­ra­tion que nous vou­lons avan­cer pour les pro­chaines étapes du projet.

Au-delà, vous ambitionnez aussi de vous positionner sur le marché international avec vos SMR. Qu’en est-il ?

Oui, abso­lu­ment. Même si notre prio­ri­té est de conso­li­der notre pré­sence en France et en Europe, le mar­ché inter­na­tio­nal des SMR reste un enjeu majeur. De nom­breux pays cherchent à décar­bo­ner leur éco­no­mie tout en sécu­ri­sant leur appro­vi­sion­ne­ment en éner­gie, et les SMR apportent une réponse per­ti­nente à ces défis avec des réponses à l’échelle.

Notre tech­no­lo­gie, avec sa flexi­bi­li­té et sa modu­la­ri­té, nous per­met de répondre à des besoins variés, que ce soit pour des villes, des sites indus­triels ou des zones plus iso­lées. De plus, le fait que nous recy­clons les com­bus­tibles nucléaires usés rend notre solu­tion par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sante pour les pays qui ont déjà une infra­struc­ture nucléaire et sou­haitent réduire leurs sto­ckages de matières irra­diées en les valo­ri­sant en tant que ressource. 

Nous envi­sa­geons donc de déve­lop­per des par­te­na­riats à l’international pour adap­ter notre tech­no­lo­gie aux dif­fé­rents mar­chés, avec l’idée d’exporter notre savoir-faire tout en res­tant à l’écoute des besoins locaux. Le poten­tiel est immense, et nous voyons cette expan­sion comme une étape natu­relle de notre développement.

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