Ouverture des marchés de l’électricité : pourquoi ? comment ? quelles conséquences pour l’environnement ?
Après la nationalisation de l’après-guerre, et le programme nucléaire des années soixante-dix, l’ouverture des marchés réforme en profondeur le secteur électrique français. L’article ci-après s’attache à en présenter les différentes facettes, en mettant l’accent sur les aspects environnementaux.
L’ouverture à la concurrence porte sur la production et la fourniture d’électricité
Depuis la loi du 10 février 2000, la production électrique, autrefois quasi-monopole d’EDF, est librement exercée. Suez est ainsi aujourd’hui le premier actionnaire de la Compagnie nationale du Rhône et Endesa l’actionnaire de référence de la SNET, créée pour exploiter les centrales à charbon de Charbonnages de France.
En matière de fourniture, au fur et à mesure de la libéralisation, les consommateurs d’électricité deviennent » éligibles « , ce qui signifie qu’ils acquièrent le droit de changer de fournisseur. L’ouverture des marchés a ainsi porté sur les 1 000 plus gros consommateurs en 20001, sur les 3 000 plus gros en 20032, et enfin sur les 3 millions de consommateurs non domestiques au 1er juillet 2004, soit 70 % du marché. Les directives européennes prévoient l’ouverture totale du marché au 1er juillet 2007.
Les réseaux électriques, transport (100 000 km de lignes à haute et très haute tension), et distribution (1 200 000 km de lignes moyenne et basse tension) demeurent pour leur part des monopoles naturels. L’utilisation des réseaux est régulée par un tarif fixé par décret sur proposition du régulateur, la Commission de régulation de l’énergie, qui incite à la recherche de la compétitivité au travers de ses réévaluations tarifaires.
Pour un industriel gros consommateur, l’essentiel de la facture est composé des coûts de production, largement prédominants sur les coûts de commercialisation et sur les coûts d’utilisation des réseaux, qui représentent environ un quart de la facture. Il existe donc, théoriquement, une marge de réduction sensible de la facture du fait de la mise en concurrence. Pour un petit consommateur en revanche, cette réalité est plus nuancée. La facture type d’un particulier se décompose en effet entre l’acheminement de l’électricité (40 %), la production (27 %), la commercialisation (8 %) et les taxes diverses (25 %). Les effets potentiels de la concurrence jouent donc au maximum sur 35 % de la facture.
Les premières années de libéralisation : éligibilité des gros consommateurs, concurrence sur la production et marché de gros
Hausse du marché de gros
En régime de monopole, les consommateurs bénéficiaient des tarifs intégrés fixés par l’État. La structure tarifaire, fondée sur les coûts marginaux de long terme du parc, tenait compte des coûts de production des différents moyens de production, appelés en fonction de la consommation selon leur coût marginal : d’abord la production » fatale » (l’hydraulique au fil de l’eau, les éoliennes au fil du vent), puis les centrales nucléaires, largement plus compétitives que les autres moyens de production pour un fonctionnement tout au long de l’année, enfin les centrales thermiques classiques et les moyens de pointe (les éclusées, les lacs et les turbines à combustion).
Les tarifs ont ainsi permis de financer la construction du parc nucléaire, en lissant dans le temps l’impact des investissements, puis, au fil de l’amortissement des moyens de production d’EDF, de consentir au consommateur d’importantes réductions (de l’ordre de 13 % en francs constants entre 1997 et 2000). Le lissage est particulièrement marqué puisque de la fin des années cinquante et le milieu des années quatre-vingt, au plus fort du programme nucléaire, les investissements d’EDF ont pu varier d’un facteur 5, alors que les tarifs sont restés stables pour les plus gros industriels, ont légèrement baissé pour les petites industries et ont quasiment été divisés par 2 pour les particuliers !
Bien que la France ait ainsi abordé la première phase de l’ouverture des marchés avec un parc de production compétitif, et des tarifs parmi les plus bas d’Europe, les effets de la libéralisation se produisent dès 2000 : les premiers clients éligibles qui ont rompu leur contrat » au tarif » avec EDF, qui leur facturait la fourniture entre 20 et 30 €/MWh, ont conclu sur le marché de nouveaux contrats nettement en dessous de 20 €/MWh.
Un tel niveau s’explique en grande partie par l’écoulement sur le marché des excédents de capacité, des électriciens européens. Il se situe bien en deçà des coûts complets de production de l’électricité. Selon l’étude des » coûts de référence de la production électrique 2003 » de la direction générale de l’énergie et des matières premières, le MWh le plus compétitif, pour un fonctionnement tout au long de l’année à l’horizon 2015, s’établit juste en dessous de 30 €/MWh. Il correspond au coût de production d’un palier de 10 réacteurs EPR. Les moyens de production thermiques fossiles, à gaz ou à charbon, s’échelonnent entre 32 et 35 €/MWh.
La pérennisation de ces conditions de marché, reposant uniquement sur l’écoulement de surcapacités, aurait mis les électriciens dans l’incapacité de préparer le renouvellement de leur parc, qui devrait intervenir en France et en Allemagne à l’horizon 2020 (la centrale de Fessenheim atteindra quarante ans en 2017). Au Royaume-Uni, une situation similaire a d’ailleurs conduit à une quasi-faillite l’opérateur British Energy, contraint d’écouler la production de ses centrales nucléaires sur le marché de gros à des prix dépréciés.
Au fil de l’ouverture du marché, les fondamentaux ont repris le dessus et les prix de l’électricité, mesurés par l’indice Platt’s qui effectue la moyenne des transactions de gré à gré entre traders, se sont durablement installés au-dessus de 30 €/MWh. Pour les plus gros consommateurs, on tangente le niveau des tarifs d’avant la libéralisation. Les analystes du marché électrique pronostiquent une poursuite de la hausse, pour atteindre 35 à 40 €MWh, au-delà du niveau actuel des tarifs des plus grands consommateurs. Ce mouvement haussier se justifie à la fois par la résorption progressive des surcapacités, la perspective du renouvellement du parc, la hausse des prix du charbon et l’intégration dans les prix des coûts d’émission de gaz à effet de serre. Il est donc indépendant de la libéralisation, ces facteurs entraînant une hausse des prix en situation de monopole comme dans un secteur concurrentiel.
L’ouverture à la concurrence se traduit également par une recomposition du paysage électrique, les opérateurs historiques prenant pied sur chaque pays et constituant un oligopole de producteurs. La concurrence entre producteurs devrait donc infléchir la hausse des prix de gros, à deux nuances près :
- si le choix des moyens de production (nucléaire ou cycle combiné à gaz pour la fourniture en base) est prépondérant pour le niveau des coûts supportés par les producteurs, les prix du marché sont davantage influencés par les coûts des centrales à lignites allemandes que par ceux du parc nucléaire français ;
- les gains de productivité potentiels sont limités par la nécessité de rémunérer le capital investi. Or les investissements représentent une part importante des coûts de production (près de 58 % des coûts, pour un fonctionnement en base de l’EPR). La marge de manœuvre pour dégager des gains de productivité sur la production est donc limitée.
La seconde étape de la libéralisation : éligibilité des petits consommateurs et concurrence sur la fourniture
L’ouverture des marchés du 1er juillet 2004, à tous les consommateurs non domestiques, fait entrer la libéralisation dans une tout autre échelle. Cette nouvelle clientèle se distingue par la précédente de diverses façons :
- sa consommation est d’un tout autre ordre de grandeur (la SNCF consomme l’équivalent d’un million de professionnels) ;
- la part dans sa facture des activités concurrentielles est moindre ;
- la consommation n’est pas connue en temps réel mais reconstituée via des relevés plusieurs fois dans l’année.
Cette clientèle suscite l’intérêt de nouveaux entrants dans le système électrique, des fournisseurs » purs » sans moyens de production, qui jouent la carte du » low cost » :
- en bénéficiant, par le biais d’une structure légère, de coûts de commercialisation inférieurs à ceux des opérateurs historiques ;
- en tirant parti de la concurrence en matière de production pour bénéficier d’un approvisionnement compétitif.
Retenue du barrage de Roselend, en Savoie : aval, vue aérienne.
Ce positionnement est risqué. En effet, le fonctionnement du marché de l’électricité est profondément modelé par ses spécificités : d’une part elle ne se stocke pas, d’autre part l’élasticité demande/prix est très faible. En période de forte demande, la ruée des opérateurs sur le marché pour alimenter leurs clients conduit à une hypervolatilité de l’électricité. Ainsi, pendant la canicule de l’été 2003, une grande partie des moyens de production européens a été touchée. La sécheresse a pénalisé les installations hydroélectriques françaises, l’anticyclone a paralysé les éoliennes allemandes, et les centrales thermiques, qu’elles soient fossiles ou nucléaires, ont atteint les limites de température de leurs rejets, en raison de la forte température des rivières.
Pendant les heures les plus critiques du mois d’août, le MWh a atteint 1 000 € sur Powernext, la Bourse française de l’électricité, et 2 000 €/MWh à Amsterdam. EDF a finalement dépensé 335 millions d’euros pour assurer la continuité de l’approvisionnement. Un fournisseur pur qui aurait dû s’approvisionner au jour le jour sur les marchés pendant cette période n’aurait certainement pas survécu. De la même façon, les distributeurs californiens, confrontés à la fin des années quatre-vingt-dix à une forte hausse des prix de l’électricité du fait de la pénurie de moyens de production, et incapables d’en répercuter l’impact sur la facture de leurs clients, ont été acculés à la faillite.
Aux États-Unis, des pics de prix ont atteint jusqu’à 10 000 €/MWh. Les moyennes journalières des marchés électriques, plus stables, subissent tout de même des variations saisonnières d’un facteur 2 à 3. En comparaison, les prix du pétrole oscillent entre 15 et 40 $ le baril et les prix du gaz varient de 50 % autour du prix moyen.
De façon assez paradoxale, l’ouverture des marchés consacre ainsi le modèle historique d’électricien intégré. Le fournisseur-producteur est en partie couvert contre les fortes fluctuations du marché, à la différence du fournisseur pur qui est contraint, pour alimenter ses clients, de s’approvisionner sur le marché, quelles qu’en soient les conditions. Au-delà de l’intégration production-fourniture, la gestion de réseaux s’avère également un facteur de solidité pour les opérateurs électriques. Cette activité tarifée assure en effet aux gestionnaires de réseaux des ressources régulières (sauf événements climatiques comme les tempêtes de 1999), qui leur permettent de mieux absorber les chocs financiers des marchés.
Cette analyse est confortée par l’évolution du marché britannique, précurseur de la libéralisation. La gestion des réseaux de distribution et de la fourniture a été partagée, en 1990, entre 14 acteurs. Moins de quinze ans plus tard, après un vaste processus de recomposition, le marché est partagé entre 7 gestionnaires de réseaux de distribution et 6 principaux fournisseurs. L’américain TXU a constaté l’échec de sa stratégie de production-fourniture sans gestion de réseaux et la filiale d’EDF, EDF Energy, affiche au contraire des résultats prometteurs après avoir reconstitué un véritable opérateur intégré, au prix de multiples acquisitions.
Le positionnement des fournisseurs purs, notamment les électriciens » low cost « , s’avère donc particulièrement délicat. Une très grande compétitivité dans les activités de commercialisation risque de ne pas être suffisante pour leur permettre de faire la différence avec les opérateurs historiques, du fait du faible poids de la commercialisation dans la facture des petits consommateurs (pas plus de 8 %). Leur compétitivité repose donc sur un approvisionnement compétitif sur les marchés, qui risque d’être compromis par la hausse des prix, et la nécessité de se couvrir contre les fortes fluctuations. Au Royaume-Uni, les fournisseurs purs ne représentent plus que 2 % du marché, et les nouveaux entrants ont quasiment disparu du paysage électrique.
Ouverture du marché : en route vers la dernière étape…
Si l’ouverture des marchés surprend aujourd’hui, c’est qu’il est certainement infondé d’en attendre des bénéfices en quelques années. Le système électrique vit à l’échelle de la décennie, voire du siècle. Le réseau public de transport porte toujours la trace de ces installations hydroélectriques créées au début du siècle dernier, dont les concessions portent sur près de quarante ans. Les centrales nucléaires d’EDF semblent en bonne voie pour fonctionner au moins quarante ans, et les concepteurs d’EPR en attendent au moins soixante ans de production. Il est donc prématuré de juger le processus de libéralisation sur quelques années, qui supportent l’essentiel du coût des investissements rendus nécessaires par la libéralisation, pour acquérir des positions sur le marché européen (plusieurs dizaines de milliards d’euros en quelques années) ou pour adapter les systèmes informatiques (un milliard de livres au Royaume-Uni).
À plus long terme, la construction d’un marché européen de l’électricité pourrait tout d’abord permettre la sécurité d’approvisionnement européenne à moindre coût. L’électricité ne pouvant pas se stocker, la sécurité d’approvisionnement en électricité repose sur une surcapacité structurelle du parc de production. Le parc doit en effet être configuré pour répondre à la pointe de consommation hivernale (en France 80 GW, contre 50 GW en été) et pour faire face aux aléas de l’équilibre offre-demande (événements climatiques, indisponibilité des centrales). Cette surcapacité structurelle crée les conditions d’une guerre des prix entre électriciens, pour utiliser au maximum les installations existantes, comme dans les premières années de la libéralisation. Les prix de marché sont alors susceptibles d’évoluer par cycle : dépréciés en période de surcapacité, ils flambent dès que l’on atteint le seuil de la rupture d’approvisionnement et que des investissements sont décidés, et se tassent au fur et à mesure que le système électrique récupère en capacité.
Si le marché peut ainsi, au prix d’une certaine volatilité, assurer le renouvellement du parc, il n’est pas acquis qu’il permette la création des installations garantissant le niveau de sécurité actuel. Ce niveau repose, en France, sur une valeur du MWh non livré d’environ 9 000 €/MWh. Il faudrait donc que le marché atteigne, lors de crises énergétiques, un tel niveau pour les rentabiliser, ce qui est peu attractif pour des investisseurs.
La création de ces surcapacités devrait donc être suscitée par les pouvoirs publics, en les imposant aux acteurs du marché ou en concourant à leur financement. La création d’un tel » marché de capacité » ne pourrait se faire efficacement qu’au niveau européen. Les surcapacités extrêmes pourraient être mutualisées entre pays, puisqu’il apparaît peu probable que l’ensemble des pays européens soit touché par une crise énergétique aiguë. Même la canicule de l’été 2003, exceptionnelle par son intensité, a épargné certains systèmes électriques : la Suisse a ainsi bénéficié d’une hydraulicité favorable grâce à la fonte importante des neiges. Un tel mécanisme, qui serait porteur d’économies à l’échelle du système électrique européen, reste à inventer.
La libéralisation, en supprimant les monopoles, fait également tomber les limites posées à l’intervention des opérateurs historiques dans les domaines connexes à la fourniture d’énergie et rend possible des prestations plus étoffées. Au Royaume-Uni, l’offre duale électricité-gaz est devenue la norme pour les consommateurs domestiques. Les consommateurs industriels devraient, quant à eux, être davantage séduits par des offres incluant également des services énergétiques (gestion des fluides énergétiques, du cycle de la chaleur…) et les groupes internationaux par la négociation, en un seul contrat, de l’approvisionnement de tous leurs sites européens.
Un effort important est encore nécessaire pour réussir l’ouverture des marchés, qui doit être appréhendée avec humilité. Les bénéfices apparaissent potentiellement beaucoup plus importants pour les gros consommateurs que pour les plus petits, notamment les ménages qui consomment encore moins que les professionnels. Le bilan prévu par les directives européennes sur les conséquences de l’ouverture des marchés pour les consommateurs sera déterminant avant l’ouverture totale des marchés le 1er juillet 2007.
Et notre environnement ?
Au vu de ce qui précède, une question vient naturellement à l’esprit : dans un marché marqué par la recherche de la compétitivité, la protection de l’environnement ne risque-t-elle pas d’être la première victime des électriciens ? En fait, un marché bien régulé et la protection de l’environnement ne sont pas antagonistes.
Réseaux
L’impact le plus visible du système électrique sur l’environnement est celui des réseaux électriques. Ceux-ci sont de plus en plus mal perçus par les populations riveraines, même lorsque les lignes en construction sont nécessaires à la sécurité d’approvisionnement de leur région. Les efforts des gestionnaires de réseaux sont en conséquence de plus en plus importants : aujourd’hui le gestionnaire du réseau public de transport développe le réseau sans accroître, à l’échelle nationale, la longueur de conducteurs aériens. La pose de nouvelles lignes aériennes est donc compensée par la dépose ou l’enfouissement d’autres lignes. Pour sa part, EDF enfouit 90 % des nouvelles lignes moyenne tension, et enfouit, ou réalise en technique discrète, deux tiers des lignes basse tension. Ces efforts ne sont en rien menacés par l’ouverture des marchés puisque la gestion des réseaux demeure une activité réglementée, sous le contrôle de l’État pour le transport et des collectivités locales pour la distribution, et financée par un tarif arrêté par les pouvoirs publics.
Production
En ce qui concerne par ailleurs les installations de production, une libéralisation trop hâtive aurait pu condamner le développement des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, moins rentables que les moyens de production centralisés. Il n’en est rien.
Parc éolien de Limousis : éoliennes et pylone.
La France s’est fixé, dans un cadre européen, l’objectif d’accroître de 16 à 21 % la part d’électricité produite à partir d’ENR. Le potentiel hydroélectrique français, qui représente à lui seul la majeure partie des 16 % actuels, étant largement exploité, ce nouveau développement repose donc sur l’éolien, la petite hydraulique, la biomasse, le biogaz… Ces filières, peu mûres industriellement pour certaines, ne sont pas encore compétitives. Afin d’en faciliter le développement malgré leur faible compétitivité sur le marché, le législateur français a institué une obligation d’achat, par EDF, de l’électricité produite à partir de sources renouvelables. Les tarifs de rachat, réglementés, rentabilisent les investissements dans ces nouveaux moyens de production et les surcoûts ainsi engendrés pour EDF, contrainte d’acheter plus cher qu’elle ne produit ou n’achète sur le marché, sont compensés par une contribution au service public de l’électricité, acquittée par chaque consommateur. Ce dispositif peut être complété par le lancement, par l’État, d’appels d’offres pour la création de nouveaux moyens de production à partir de sources renouvelables. Des appels d’offres ont ainsi été lancés pour le biogaz, la biomasse et l’éolien.
L’intervention des pouvoirs publics garantit donc le développement des énergies renouvelables indépendamment de toute logique de marché. Le marché peut cependant également y concourir. En application de la future loi d’orientation sur l’énergie, une garantie d’origine devrait en effet être attribuée à l’électricité produite à partir d’électricité renouvelable ou par cogénération. Des offres nouvelles, comportant une part plus ou moins élevée d’électricité d’origine renouvelable, pourront ainsi être proposées aux consommateurs. La valorisation de l’électricité » verte » contribuera ainsi à dynamiser le développement des énergies renouvelables.
La création d’un système de permis d’émissions de gaz à effet de serre, en application des directives européennes, permettra également de concilier logique de marché et lutte contre le changement climatique. Les premières attributions de quotas, qui font l’objet d’un plan dans chaque pays, pourraient favoriser les centrales thermiques fossiles existantes. A terme cependant, le renchérissement des quotas d’émissions devrait accentuer la compétitivité de la production nucléaire, non émettrice de gaz à effet de serre.
Enfin, les installations de production, dès lors qu’elles ont un impact sur l’environnement, demeurent sous le contrôle de l’État régalien, qu’il s’agisse de l’Autorité de sûreté nucléaire ou de l’Inspection des installations classées. L’ouverture du marché est sans conséquence sur les exigences environnementales. Le programme CAFE (Clean Air For Europe), lancé par la Commission européenne, devrait au contraire aboutir à une réduction des émissions de polluants dans l’atmosphère.
Fourniture
Le projet de loi d’orientation sur l’énergie, examiné en première lecture au printemps 2004 par le Parlement, prévoit l’institution d’obligations d’économies d’énergie aux fournisseurs et la mise en place d’un marché de certificats d’économies d’énergie. Ces nouveaux instruments, qui remettent la maîtrise de la demande en énergie au cœur de la politique énergétique, pourraient s’insérer dans la stratégie commerciale des fournisseurs. Faute de pouvoir offrir d’importantes réductions sur la facture électrique, ceux-ci pourront imaginer des offres mixtes : fourniture d’énergie/actions d’économies d’énergie. Au fur et à mesure de l’établissement de ce marché et de la mise en œuvre de normes plus strictes (dans le bâtiment par exemple) la courbe de la consommation électrique pourrait connaître une inflexion ou à défaut, la consommation d’électricité sera optimisée.
En conclusion, vers la nouvelle Europe électrique…
L’ouverture des marchés peut paraître une aventure au regard de la qualité atteinte, en régime de monopole, par le système électrique français : un parc de production compétitif, sûr et respectueux de l’environnement et une forte tradition de service public. Elle est l’un des défis de la construction européenne. Sa réussite repose aussi sur la capacité de la France à faire partager les fruits de plusieurs décennies d’expérience industrielle.