Pacte d’actionnaires et transmission d’entreprise familiale

Dossier : Les X et le droitMagazine N°625 Mai 2007
Par Christophe PICHARD (85)

Le pacte d’ac­tion­naires est un outil juri­dique qui, dans bien des cas de trans­mis­sion d’en­tre­prise fami­liale, per­met­tra de résoudre un cer­tain nombre de dif­fi­cul­tés, ou tout au moins de les aplanir.

Le pacte d’ac­tion­naires est un outil juri­dique qui, dans bien des cas de trans­mis­sion d’en­tre­prise fami­liale, per­met­tra de résoudre un cer­tain nombre de dif­fi­cul­tés, ou tout au moins de les aplanir.

En effet, lors de cette trans­mis­sion, la com­po­si­tion du capi­tal social et la ges­tion de la socié­té s’en trou­ve­ront auto­ma­ti­que­ment affec­tées : à côté des action­naires fon­da­teurs, vont alors coexis­ter dif­fé­rentes caté­go­ries d’ac­tion­naires dont les inté­rêts seront, la plu­part du temps, dif­fé­rents et sou­vent dif­fi­ciles à concilier.

Comme cela a été pré­sen­té dans l’ar­ticle consa­cré au choix de la struc­ture socié­tale, on peut sché­ma­ti­que­ment ren­con­trer trois prin­ci­pales caté­go­ries d’actionnaires :

  • les fon­da­teurs,
  • les action­naires actifs,
  • les action­naires passifs.

Une des pre­mières réponses pour conci­lier ces inté­rêts diver­gents réside dans le choix de la struc­ture socié­tale appro­priée (voir l’ar­ticle consa­cré à cette ques­tion). Néan­moins dans un cer­tain nombre de cas, le choix de cette struc­ture ne sera pas suffisant.

Dans un tel contexte, les fon­da­teurs et autres action­naires de la socié­té devront alors s’in­ter­ro­ger sur l’op­por­tu­ni­té de conclure un pacte d’actionnaires.

Cette étude a donc pour objet de faire une pré­sen­ta­tion géné­rale des pactes d’ac­tion­naires et de pré­sen­ter plus par­ti­cu­liè­re­ment son inté­rêt dans le cadre de la trans­mis­sion d’une entre­prise familiale.

Rap­pe­lons tout d’a­bord qu’un pacte d’ac­tion­naires est un contrat conclu entre action­naires d’une même socié­té, en dehors des sta­tuts. Son conte­nu peut être extrê­me­ment variable : il peut en effet répondre à une mul­ti­tude de situa­tions et de sou­haits expri­més par cer­tains action­naires. Un pacte peut d’ailleurs ne concer­ner qu’une par­tie d’entre eux. En fait, avant tout, le pacte d’ac­tion­naires doit per­mettre de régir de façon har­mo­nieuse les rela­tions entre les dif­fé­rents action­naires d’une même société.

Contenu du pacte

Dans le cadre de la trans­mis­sion d’une entre­prise fami­liale, le pacte d’ac­tion­naires aura géné­ra­le­ment pour objet de fixer cer­taines règles dans les domaines opé­ra­tion­nels, finan­ciers et capitalistiques.

Pré­ci­sons tout de suite que nous n’é­tu­die­rons pas ici la vali­di­té juri­dique de cha­cune de ces dis­po­si­tions compte tenu du cadre limi­té de cette présentation.

Clauses opérationnelles

Les dis­po­si­tions à carac­tère opé­ra­tion­nel portent sur le mode de fonc­tion­ne­ment et de ges­tion de la socié­té. Ces clauses pour­ront ain­si concerner :

  • l’or­ga­ni­sa­tion et le fonc­tion­ne­ment de la société,
  • les pou­voirs des dirigeants,
  • la dési­gna­tion des dirigeants,
  • l’in­for­ma­tion ou la consul­ta­tion des action­naires, et en par­ti­cu­lier des action­naires non impli­qués dans la gestion.

Ces clauses pour­ront par­fois prendre la forme de conven­tion de vote sur cer­taines déci­sions. Enfin, de telles clauses pour­raient éga­le­ment impo­ser des enga­ge­ments de non-concur­rence à cer­tains actionnaires.

Clauses financières

En la matière, une des pre­mières clauses qui inté­res­se­ra les action­naires, en par­ti­cu­lier les action­naires pas­sifs, por­te­ra sur la dis­tri­bu­tion de divi­dendes. Clas­si­que­ment, cer­tains action­naires sou­haitent impo­ser par exemple le ver­se­ment obli­ga­toire d’un cer­tain pour­cen­tage du béné­fice annuel. Cer­tains sou­hai­te­ront à l’in­verse pré­voir une inter­dic­tion de dis­tri­bu­tion pen­dant une cer­taine période. Cette clause s’a­vère d’ailleurs sou­vent dif­fi­cile à négocier.

Dans ce domaine finan­cier, les pactes d’ac­tion­naires peuvent avoir éga­le­ment pour voca­tion de régir les moda­li­tés de finan­ce­ment de l’en­tre­prise fami­liale. En effet, indé­pen­dam­ment de la répar­ti­tion des actions entre les dif­fé­rents membres de la famille, il peut s’a­vé­rer néces­saire d’ap­por­ter des fonds en compte cou­rant d’ac­tion­naires. La situa­tion per­son­nelle de cha­cun fera que cette répar­ti­tion sera déli­cate à mettre au point. Néan­moins, il sera sou­vent utile de pré­voir les enga­ge­ments des action­naires en la matière. Si les enga­ge­ments de cer­tains sont plus impor­tants, il pour­rait être pré­vu des contre­par­ties. Les actions de pré­fé­rence pour­raient d’ailleurs s’a­vé­rer utiles pour com­plé­ter ce dispositif.

Enfin, d’autres dis­po­si­tions concer­nant les moda­li­tés de réa­li­sa­tion d’in­ves­tis­se­ments nou­veaux excé­dant la ges­tion ordi­naire et cou­rante de la socié­té pour­ront éga­le­ment être pré­vues. Ces clauses peuvent d’ailleurs rele­ver aus­si du domaine opérationnel.

Clauses capitalistiques

Dans ce domaine, l’i­ma­gi­na­tion des pra­ti­ciens paraît sans limite pour répondre aux dif­fé­rents besoins expri­més par les action­naires de socié­tés fami­liales. Sans vou­loir faire une liste exhaus­tive des dif­fé­rents types de clauses pos­sibles que l’on peut ren­con­trer à ce titre, on peut néan­moins citer pêle-mêle :

  • les clauses d’a­gré­ment, qui per­mettent d’é­vi­ter l’en­trée d’ac­tion­naires » indésirables « ,
  • les droits de pré­emp­tion, qui don­ne­ront un droit d’a­chat prio­ri­taire aux action­naires en cas de pro­jet de ces­sion d’ac­tions au pro­fit d’un tiers,
  • les clauses d’i­na­lié­na­bi­li­té, inter­di­sant les ces­sions d’actions,
  • les clauses dites » anti­di­lu­tion « , per­met­tant à cer­tains action­naires de main­te­nir leur pour­cen­tage de déten­tion du capital,
  • les clauses dites » pari pas­su « , per­met­tant à cer­tains action­naires de béné­fi­cier des mêmes condi­tions que celles qui seraient pro­po­sées à un nou­vel actionnaire-investisseur,
  • les clauses d’ex­clu­sion, ayant voca­tion à obli­ger un action­naire à céder sa par­ti­ci­pa­tion dans cer­tains cas,
  • les clauses de sor­ties (notam­ment Drag Along Right et Tag Along Right) qui régissent les droits et obli­ga­tions en matière de ces­sion d’ac­tions selon dif­fé­rentes hypothèses.

Ces clauses ont géné­ra­le­ment voca­tion à assu­rer une cer­taine sta­bi­li­té dans la répar­ti­tion du capi­tal social ou à amé­na­ger les condi­tions dans les­quelles cette répar­ti­tion pour­ra évoluer.

En effet, en pre­mier lieu, il est sou­vent capi­tal qu’un tiers non dési­ré ne puisse pas deve­nir action­naire sans l’ac­cord des autres, et ce plus par­ti­cu­liè­re­ment dans un cadre familial.

En second lieu, il est sou­vent indis­pen­sable dans les socié­tés fami­liales que cer­tains action­naires ne soient pas » pri­son­niers » de leur par­ti­ci­pa­tion et qu’ils puissent effec­ti­ve­ment céder celle-ci si néces­saire, au regard notam­ment de leur situa­tion personnelle.

En troi­sième lieu, si un groupe d’ac­tion­naires estime néces­saire de céder l’en­semble des actions à un repre­neur, il peut s’a­vé­rer utile de pou­voir impo­ser aux autres action­naires de vendre leur par­ti­ci­pa­tion simultanément.

Intérêt d’un pacte extrastatutaire

Lors de la trans­mis­sion d’une entre­prise fami­liale, il fau­dra au préa­lable s’in­ter­ro­ger sur les avan­tages et incon­vé­nients d’un pacte extra­s­ta­tu­taire par rap­port à des sta­tuts appro­priés. Cette ques­tion est d’au­tant plus d’ac­tua­li­té depuis la bana­li­sa­tion de la SAS. La SAS offre en effet aux action­naires une très grande sou­plesse pour défi­nir le conte­nu des sta­tuts. Dans un pre­mier temps, cer­tains pra­ti­ciens ont d’ailleurs pu pen­ser que les pactes d’ac­tion­naires seraient peut-être ame­nés à dis­pa­raître, les sta­tuts de SAS repre­nant les clauses figu­rant aupa­ra­vant dans les pactes. On s’a­per­çoit en fait qu’il n’en est rien et que ces pactes ont tou­jours leur utilité.

L’intérêt des clauses statutaires

À cet égard, on constate tout d’a­bord que, d’une façon géné­rale, les clauses sta­tu­taires auront plus de poids que les clauses extra­s­ta­tu­taires, et ce, pour plu­sieurs raisons :

  • les sta­tuts régissent la socié­té dans son ensemble et sont donc oppo­sables à l’en­semble des action­naires. La déten­tion d’ac­tions impose en effet à chaque action­naire de res­pec­ter les statuts ;
  • les sanc­tions du non-res­pect d’une clause sta­tu­taire pour­ront conduire à l’an­nu­la­tion de cer­taines opé­ra­tions alors que la sanc­tion du non-res­pect d’un pacte d’ac­tion­naires, dans la majeure par­tie des cas, se résout en dom­mages et intérêts.

Ain­si à titre d’exemple, si les sta­tuts d’une SA ou d’une SAS pré­voient une clause d’a­gré­ment, un action­naire cédant ses actions sans la res­pec­ter pour­ra voir la ces­sion annu­lée et ce, même si le tiers acqué­reur est de bonne foi. À l’in­verse, si une clause d’a­gré­ment est pré­vue dans un pacte d’ac­tion­naires, sa vio­la­tion ne condui­ra pas néces­sai­re­ment à l’an­nu­la­tion de la ces­sion, mais sans doute seule­ment à des dom­mages et intérêts.

  • au contraire des sta­tuts, un pacte d’ac­tion­naires au même titre que tout contrat ne lie que ses signa­taires. Dans cer­tains cas, le pacte ne concer­ne­ra d’ailleurs qu’un nombre limi­té d’ac­tion­naires (voir Infra § 4).

L’intérêt du pacte d’actionnaires

Mal­gré la force des clauses sta­tu­taires, le recours au pacte d’ac­tion­naires peut se jus­ti­fier pour de mul­tiples raisons :

  • la confi­den­tia­li­té : en effet, les sta­tuts d’une socié­té sont dépo­sés au greffe du tri­bu­nal de com­merce et toute per­sonne peut en obte­nir une copie. Les action­naires d’une entre­prise fami­liale recherchent bien sou­vent au contraire la dis­cré­tion dans la ges­tion de leurs affaires, la répar­ti­tion du pou­voir et les moda­li­tés du contrôle du capi­tal. Un pacte d’ac­tion­naires, qui est un contrat conclu entre des per­sonnes pri­vées, per­met­tra d’é­vi­ter cet écueil puis­qu’il n’a pas voca­tion à être publié. On note­ra tou­te­fois sur ce point que les clauses d’un pacte d’ac­tion­naires por­tant sur les condi­tions de ces­sion et d’ac­qui­si­tion d’ac­tions de socié­tés cotées au-delà d’un cer­tain seuil doivent être por­tées à la connais­sance de l’AMF qui en assure la publi­ci­té, confor­mé­ment à l’ar­ticle L.233–11 du code de commerce ;
  • un péri­mètre dis­tinct des clauses sta­tu­taires : compte tenu de cer­taines contraintes, il appa­raît par­fois impos­sible de conci­lier les inté­rêts de cha­cun dans les sta­tuts. La solu­tion pour évi­ter un blo­cage dans une telle situa­tion sera d’in­clure dans les sta­tuts les dis­po­si­tions légales obli­ga­toires et éven­tuel­le­ment cer­taines dis­po­si­tions sur les­quelles les dif­fé­rents action­naires pour­ront s’en­tendre. Pour le sur­plus, les action­naires qui le sou­haitent pour­ront conve­nir de dis­po­si­tions extra­s­ta­tu­taires dans un pacte qui ne concer­ne­ra alors que les action­naires qui auront bien vou­lu y souscrire ;
  • l’adap­ta­bi­li­té : les sta­tuts, une fois qu’ils ont été adop­tés par les action­naires, ne peuvent pas être modi­fiés aus­si sim­ple­ment qu’un pacte d’ac­tion­naires. En effet, les dis­po­si­tions d’un pacte d’ac­tion­naires lie­ront seule­ment les par­ties signa­taires et pour­ront être modi­fiées très sim­ple­ment si l’en­semble des par­ties signa­taires en conviennent ;
  • la durée : les par­ties au pacte sont libres de fixer la durée de ce pacte dans cer­taines limites alors que les sta­tuts s’ap­pliquent pen­dant toute la durée de la socié­té. Dans cer­taines situa­tions, un pacte n’a ain­si qu’une voca­tion temporaire.

Validité du pacte d’actionnaires

La vali­di­té d’un pacte d’ac­tion­naires doit s’ap­pré­cier à deux niveaux : tout d’a­bord la vali­di­té même du pacte et ensuite la vali­di­té de cha­cune des dis­po­si­tions qui peuvent figu­rer dans le pacte.

Validité de principe en droit des contrats

Le pacte d’ac­tion­naires est avant tout une conven­tion conclue entre dif­fé­rentes par­ties. En tant que tels, les pactes d’ac­tion­naires sont donc sou­mis au droit géné­ral des contrats et, en par­ti­cu­lier, aux articles 1101 et sui­vants du Code civil.

Confor­mé­ment aux dis­po­si­tions de l’ar­ticle 1108 du Code civil, quatre condi­tions sont essen­tielles pour la vali­di­té d’une convention :

  • le consen­te­ment des parties,
  • la capa­ci­té de contracter,
  • un objet cer­tain for­mant la matière de l’engagement,
  • une cause licite dans l’obligation.

Les trois pre­mières condi­tions ne pré­sentent pas de pro­blèmes spé­ci­fiques au regard du pacte d’ac­tion­naires. Tou­te­fois, lors de la négo­cia­tion et par­ti­cu­liè­re­ment entre membres d’une même famille, il fau­dra s’at­ta­cher à res­pec­ter ces condi­tions, notam­ment sur le consen­te­ment de cha­cune des parties.

Les action­naires ayant une part active dans la ges­tion de la socié­té et béné­fi­ciant de ce fait d’un cer­tain nombre d’in­for­ma­tions aux­quelles les autres action­naires n’au­raient pas accès devront être par­ti­cu­liè­re­ment atten­tifs sur ce point, sur­tout s’il y a des mineurs dans la famille. En effet, il ne fau­drait pas qu’une réten­tion d’in­for­ma­tions de leur part puisse mettre en dan­ger le pacte d’ac­tion­naires et que les autres action­naires uti­lisent ce moyen pour en obte­nir la nullité.

La qua­trième condi­tion a été vali­dée à plu­sieurs reprises par la juris­pru­dence. La Cour de cas­sa­tion l’a encore fait dans une déci­sion rela­ti­ve­ment récente du 7 jan­vier 2004 et a jugé que : » Les conven­tions entre action­naires sont valables lors­qu’elles ne sont pas contraires à une règle d’ordre public, à une sti­pu­la­tion impé­ra­tive des sta­tuts ou à l’in­té­rêt social. » (Cas­sa­tion com­mer­ciale, 7 jan­vier 2004, N° 00–11 692).

La validité des clauses du pacte

Si la vali­di­té de prin­cipe d’un pacte d’ac­tion­naires semble clai­re­ment éta­blie, il n’en va pas de même des dif­fé­rentes clauses qui peuvent y figu­rer. La déci­sion de la Cour de cas­sa­tion du 7 jan­vier 2004 pré­ci­tée a rap­pe­lé avec jus­tesse que les conven­tions entre action­naires sont valables lors­qu’elles ne sont pas contraires à :

  • une règle d’ordre public,
  • une sti­pu­la­tion impé­ra­tive des statuts,
  • l’in­té­rêt social.

L’ordre public

Le res­pect du prin­cipe de l’ordre public devra s’ap­pré­cier au cas par cas et il est dif­fi­cile d’être exhaus­tif en la matière. À titre d’exemples, on peut tou­te­fois citer le cas d’un cer­tain nombre de clauses illi­cites, car contraires aux règles d’ordre public :

  • les clauses aux termes des­quelles cer­tains pou­voirs du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion seraient dévo­lus aux assem­blées géné­rales et réciproquement ;
  • les clauses qui limi­te­raient le prin­cipe de révo­ca­bi­li­té ad nutum des admi­nis­tra­teurs, du pré­sident et du direc­teur général ;
  • les clauses qui pour­raient conduire à limi­ter le droit des action­naires de par­ti­ci­per aux assemblées ;
  • les clauses sti­pu­lant au pro­fit de cer­tains action­naires un inté­rêt fixe au titre de leurs actions.

Les stipulations statutaires

Les clauses qui seraient contraires aux dis­po­si­tions sta­tu­taires sont-elles valables ? Des déci­sions de la Cour de cas­sa­tion sem­blaient avoir rete­nu la volon­té des par­ties expri­mées de façon la plus récente comme devant s’ap­pli­quer (Cas­sa­tion com­mer­ciale, 17 mars 1982).

Une autre approche consiste au contraire à consi­dé­rer que les sta­tuts régissent le fonc­tion­ne­ment de la socié­té dans son ensemble. Dans ces condi­tions, cer­tains action­naires ne devraient pas avoir la pos­si­bi­li­té de déro­ger à ce mode de fonc­tion­ne­ment par des dis­po­si­tions extra­s­ta­tu­taires. Il semble bien que ce soit main­te­nant la posi­tion adop­tée par la Cour de cas­sa­tion, au moins pour les dis­po­si­tions impé­ra­tives des sta­tuts (en ce sens, l’ar­rêt pré­ci­té du 7 jan­vier 2004 et éga­le­ment Cas­sa­tion com­mer­ciale du 15 février 1994, n° 92–12 330 et 92–12 991).

En l’é­tat actuel de la juris­pru­dence, il semble donc éta­bli que les dis­po­si­tions extra­s­ta­tu­taires ne doivent pas être contraires aux sta­tuts. Les incon­vé­nients de cette posi­tion pour­ront cer­tai­ne­ment être sen­sibles dans le cas d’une SA puisque cette forme de socié­té est par­ti­cu­liè­re­ment régle­men­tée par le code de com­merce. En revanche, ils seront cer­tai­ne­ment atté­nués dans le cas d’une SAS puisque les sta­tuts pour­ront être amé­na­gés beau­coup plus librement.

L’intérêt social

L’o­bli­ga­tion rela­tive à l’in­té­rêt social sera en géné­ral res­pec­tée. En effet, même si cer­tains action­naires peuvent avoir des inté­rêts par­ti­cu­liers diver­gents, ils auront nor­ma­le­ment tous à cœur de pré­ser­ver l’in­té­rêt social.

Indé­pen­dam­ment de ces trois condi­tions géné­rales, il faut s’in­ter­ro­ger éga­le­ment de façon appro­fon­die pour cha­cune des clauses afin de s’as­su­rer de leur vali­di­té par rap­port à un cer­tain nombre de dis­po­si­tions légales par­ti­cu­lières ain­si que l’in­ter­pré­ta­tion juris­pru­den­tielle qui en est faite.

Sanctions des violations d’un pacte d’actionnaires

La conclu­sion d’un pacte d’ac­tion­naires d’une façon géné­rale n’a de sens que si la vio­la­tion par l’un des signa­taires peut être sanc­tion­née efficacement.

Confor­mé­ment aux dis­po­si­tions du Code civil, trois types de sanc­tions sont envisageables :

  • l’ob­ten­tion de dom­mages et inté­rêts (article 1142 du Code civil),
  • l’an­nu­la­tion de l’acte liti­gieux (article 1143 du Code civil),
  • l’exé­cu­tion for­cée du pacte (article 1144 du Code civil).

Dommages et intérêts

La vio­la­tion du pacte d’ac­tion­naires par l’un des signa­taires don­ne­ra lieu, dans la majeure par­tie des cas, à des dom­mages et inté­rêts au pro­fit des autres par­ties au pacte ayant subi un préjudice.

En effet, dans tous les cas où un tiers inter­vien­dra dans l’acte liti­gieux (par exemple le ces­sion­naire qui aura acquis des actions d’une par­tie au pacte en vio­la­tion d’un droit de pré­emp­tion ou d’une clause d’a­gré­ment), les par­ties lésées ne pour­ront pas obte­nir l’an­nu­la­tion de l’acte car le ces­sion­naire, n’é­tant pas par­tie au pacte, n’a pas à être sanc­tion­né. Tou­te­fois, si le tiers est de mau­vaise foi, une action en annu­la­tion pour­rait avoir des chances d’a­bou­tir (voir ci-dessous).

Il appar­tien­dra donc aux par­ties, s’es­ti­mant lésées du fait d’une vio­la­tion du pacte, d’en deman­der répa­ra­tion à la par­tie défaillante. Une dif­fi­cul­té sup­plé­men­taire consis­te­ra à jus­ti­fier du pré­ju­dice subi par les action­naires lésés.

L’annulation de l’acte litigieux

Dans cer­tains cas par­ti­cu­liers, les par­ties lésées pour­ront obte­nir l’an­nu­la­tion de l’acte liti­gieux. En matière de ces­sion d’ac­tions réa­li­sée en vio­la­tion des dis­po­si­tions du pacte, une condi­tion pour obte­nir la nul­li­té de la ces­sion est la col­lu­sion frau­du­leuse entre le cédant et le ces­sion­naire. En d’autres termes, il fau­dra prou­ver la connais­sance du pacte par le tiers acqué­reur et sa vio­la­tion délibérée.

Tou­te­fois, la juris­pru­dence paraît dif­fi­cile à cer­ner en la matière. En effet, cer­taines déci­sions vont dans le sens d’une annu­la­tion de la ces­sion (Cas­sa­tion, 3e civile, 26 octobre 1982 Bull. civ. IV n° 208 et Cas­sa­tion com­mer­ciale, 7 jan­vier 2004, n° 00−11−691). D’autres déci­sions ne semblent pas accor­der cette annu­la­tion, mais seule­ment des dom­mages et inté­rêts, même en cas de col­lu­sion frau­du­leuse (Cas­sa­tion, 3e civile, 30 avril 1997, n° 95–17 598).

Une déci­sion récente de la Cour de Cas­sa­tion réunie en Chambre mixte consi­dère main­te­nant que le béné­fi­ciaire d’un pacte de pré­fé­rence est en droit d’exi­ger l’an­nu­la­tion du contrat pas­sé avec un tiers en mécon­nais­sance de ses droits et d’ob­te­nir sa sub­sti­tu­tion avec l’ac­qué­reur si ce tiers avait connais­sance de l’exis­tence dudit pacte et de l’in­ten­tion du béné­fi­ciaire de s’en pré­va­loir (Cas­sa­tion, Chambre mixte, 26 mai 2006, n° 240).

L’exécution forcée

Il semble éga­le­ment envi­sa­geable dans cer­tains cas de deman­der l’exé­cu­tion for­cée à l’ac­tion­naire défaillant, c’est-à-dire obte­nir une déci­sion judi­ciaire l’o­bli­geant à exé­cu­ter ses enga­ge­ments. Tou­te­fois, la juris­pru­dence paraît incer­taine sur cette question.

Conclusion

Comme nous avons eu l’oc­ca­sion de le pré­sen­ter dans le cadre de l’ar­ticle rela­tif à la struc­ture socié­tale, la trans­mis­sion d’une entre­prise fami­liale est une opé­ra­tion rela­ti­ve­ment com­plexe d’au­tant plus déli­cate à mettre en place qu’elle se fera au pro­fit de membres d’une même famille.

Dans ce cadre, un pacte d’ac­tion­naires pour­ra s’a­vé­rer un outil pré­cieux du fait de sa sou­plesse : en d’autres termes, il per­met­tra bien sou­vent de trou­ver un équi­libre entre les dif­fé­rents inté­rêts des par­ties pre­nantes et plus par­ti­cu­liè­re­ment de par­ve­nir à une solu­tion réel­le­ment per­son­na­li­sée, indis­pen­sable à une bonne trans­mis­sion d’une entre­prise à carac­tère familial.

Tou­te­fois, les aspects tech­niques ne seront pas tou­jours les contraintes les plus dif­fi­ciles à gérer et bien sou­vent le cri­tère affec­tif aura une impor­tance toute par­ti­cu­lière. Dès lors, pour réus­sir la trans­mis­sion de leur entre­prise, les fon­da­teurs auront sans doute inté­rêt à asso­cier l’en­semble des membres de la famille concer­nés à tous les stades de la réflexion et de la mise en place de la nou­velle organisation.

Cette dimen­sion néces­si­te­ra en fait du temps et de la péda­go­gie pour obte­nir l’adhé­sion de l’en­semble des membres de la famille à la solu­tion trou­vée, élé­ment indis­pen­sable pour assu­rer la péren­ni­té de l’en­tre­prise à long terme.

Pichard & Asso­ciés 122, ave­nue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine.
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