Panorama de l’informatisation du secteur de la santé

Dossier : La confiance électroniqueMagazine N°582 Février 2003
Par Fabrice MATTATIA (90)

Comme tous les sec­teurs pro­fes­sion­nels, le sec­teur de la san­té connaît depuis dix ans une évo­lu­tion de ses pra­tiques liée à l’informatisation pro­gres­sive des dif­fé­rents acteurs. La carte Vitale repré­sente l’innovation la plus connue du grand public, mais le mou­ve­ment va bien au-delà du seul rem­bour­se­ment des soins aux assu­rés, et englobe aus­si bien le sui­vi des dos­siers des patients que les échanges entre pro­fes­sion­nels libé­raux ou hos­pi­ta­liers, les envois de résul­tats d’analyses ou d’imagerie, la tenue des dos­siers admi­nis­tra­tifs dans les éta­blis­se­ments de soins, ou l’accès des pro­fes­sion­nels à l’information sur les médi­ca­ments ou la recherche. Ces échanges, por­tant sou­vent sur des infor­ma­tions nomi­na­tives et confi­den­tielles concer­nant les patients, et enga­geant la res­pon­sa­bi­li­té de leur auteur (ana­lyses, diag­nos­tics), doivent bien sûr pré­sen­ter toutes les garan­ties de sécu­ri­té sans les­quelles la confiance ne pour­rait s’établir.

Les applications possibles de l’informatisation dans le monde de la santé

Les appli­ca­tions pos­sibles de l’in­for­ma­tique sont nom­breuses et touchent tous les domaines, au béné­fice tant des pra­ti­ciens que des patients.

L’u­ti­li­sa­tion des moyens infor­ma­tiques per­met aux pro­fes­sion­nels de san­té de consti­tuer et de mettre à jour les dos­siers des patients (âge, anté­cé­dents, groupe san­guin, aller­gies, sui­vi médi­cal, trai­te­ments pas­sés ou en cours, et aus­si radios, scan­ners, ou autres) sous une forme plus moderne et plus dis­po­nible que les tra­di­tion­nelles fiches en car­ton. Cela rend éga­le­ment plus facile l’é­change de ces infor­ma­tions, soit en les envoyant par mail à un confrère, soit en les ren­dant dis­po­nibles sur un ser­veur. Il est ain­si pos­sible de sto­cker sur un ser­veur les infor­ma­tions de base concer­nant un patient ou son dos­sier d’hos­pi­ta­li­sa­tion, afin de per­mettre leur consul­ta­tion par tout pro­fes­sion­nel ayant à trai­ter ce patient, notam­ment en cas d’urgence.

Des réseaux de soins spé­cia­li­sés peuvent éga­le­ment se consti­tuer, reliant les dif­fé­rents pro­fes­sion­nels (méde­cins, infir­miers, kiné­si­thé­ra­peutes et hôpi­taux) ayant à col­la­bo­rer dans le trai­te­ment de malades atteints de patho­lo­gies lourdes et chroniques.

Les nou­velles tech­no­lo­gies per­mettent éga­le­ment aux pra­ti­ciens d’é­chan­ger leur expé­rience et de deman­der des avis, en se com­mu­ni­quant rapi­de­ment des dos­siers et des images, voire en pra­ti­quant la télé­mé­de­cine. Ils peuvent éga­le­ment accé­der à des bases de don­nées à jour sur les patho­lo­gies et les médi­ca­ments, et à des ouvrages médi­caux et articles de référence.

Les gains de temps et d’ef­fi­ca­ci­té ain­si acquis contri­buent à amé­lio­rer la qua­li­té de leur tra­vail et des soins dispensés.

Enfin, la trans­mis­sion d’in­for­ma­tions com­plètes évite la répé­ti­tion inutile d’actes comme les ana­lyses ou les dif­fé­rentes ima­ge­ries, ce qui génère des éco­no­mies. Les dif­fé­rents acteurs, aus­si bien les éta­blis­se­ments de soins que les assu­rances mala­dies obli­ga­toires ou com­plé­men­taires, peuvent éga­le­ment amé­lio­rer la pro­duc­ti­vi­té de leurs ser­vices admi­nis­tra­tifs et médi­caux. En ana­ly­sant plus fine­ment leur acti­vi­té, ils peuvent en effet déce­ler des pra­tiques amé­lio­rables et des gise­ments de productivité.

En ce qui concerne la san­té publique, les nou­velles tech­no­lo­gies per­mettent une cir­cu­la­tion plus rapide de l’in­for­ma­tion : en cas d’in­toxi­ca­tion, d’é­pi­dé­mie, de mise en cause d’un pro­duit ou d’un médi­ca­ment, ou d’a­lerte à la suite d’un acci­dent indus­triel, des ren­sei­gne­ments pré­cis peuvent être adres­sés par mail par les pro­fes­sion­nels sur le ter­rain aux auto­ri­tés sani­taires, les­quelles peuvent retrans­mettre par le même moyen à tous les pro­fes­sion­nels concer­nés les consignes à suivre.

Les contraintes sécuritaires

La loi et la déon­to­lo­gie imposent des contraintes fortes lors de l’u­ti­li­sa­tion des nou­velles tech­no­lo­gies dans le sec­teur de la santé.

Ces contraintes per­mettent de fon­der la confiance que les acteurs peuvent s’ac­cor­der entre eux, et qu’ils peuvent accor­der au système.

Le sceau du médecin Ur-Legal-Edina, 2100 av. J.-C., Lagash. Louvre, albâtre.
Le sceau du méde­cin Ur-Legal-Edi­na, 2100 av. J.-C., Lagash. Louvre, albâtre.
© PHOTO RMN
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La pre­mière de ces contraintes, ins­crite dans le Code de la san­té publique depuis la loi du 4 mars 2002, est la confi­den­tia­li­té des don­nées concer­nant les patients, aus­si bien lors d’un échange ponc­tuel entre confrères, qu’à l’oc­ca­sion de la mise sur ser­veur de dos­siers ou de par­ties de dos­sier : les don­nées doivent être pro­té­gées pour évi­ter toute lec­ture par des per­sonnes non auto­ri­sées. S’il s’a­git d’un mail, il fau­dra alors le cryp­ter ; s’il s’a­git d’un ser­veur de don­nées, seuls les pro­fes­sion­nels en charge du trai­te­ment du patient devront pou­voir accé­der à ces infor­ma­tions, et, si le dos­sier est com­plet, ils doivent ne pou­voir accé­der qu’aux seules infor­ma­tions dont ils ont besoin.

Ces res­tric­tions néces­sitent la mise en place d’une authen­ti­fi­ca­tion per­son­nelle de chaque intervenant.

Cer­tains types d’in­for­ma­tions doivent éga­le­ment être pro­té­gés de manière géné­rale : il s’a­git, par exemple, des publi­ci­tés et infor­ma­tions sur les médi­ca­ments, qui léga­le­ment ne doivent pas être acces­sibles par le public. Les ser­veurs et les sites Inter­net phar­ma­ceu­tiques doivent donc fil­trer l’ac­cès de leurs visi­teurs, en s’as­su­rant de leur qua­li­té de pro­fes­sion­nel de san­té, mais sans avoir besoin de leur nom. Une authen­ti­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle est ici nécessaire.

La sécu­ri­té du patient exige que l’on puisse s’as­su­rer de l’in­té­gri­té des don­nées le concer­nant (pen­ser à des résul­tats d’a­na­lyses ou à des pres­crip­tions, pour les­quels toute modi­fi­ca­tion inten­tion­nelle ou non peut avoir des consé­quences graves) et de la res­pon­sa­bi­li­té de celui qui les a écrites. Ces garan­ties relèvent de la signa­ture élec­tro­nique, telle qu’elle a été recon­nue par la loi du 13 mars 2000.

Dans le cas de don­nées sto­ckées sur un ser­veur, ou dans les sys­tèmes infor­ma­tiques des hôpi­taux, il peut s’a­vé­rer utile de savoir qui a accé­dé à telle infor­ma­tion et qui a modi­fié telle autre : cette tra­ça­bi­li­té requiert la tenue d’un jour­nal des accès et des modifications.

Il est éga­le­ment pri­mor­dial, tant pour un dos­sier sur ser­veur que pour un envoi ponc­tuel, de s’as­su­rer que les infor­ma­tions concer­nant le patient sont com­plètes et à jour. Aucune tech­no­lo­gie ne pou­vant assu­rer cela, il faut s’en remettre aux bonnes pra­tiques des intervenants.

Enfin il faut garan­tir l’ac­ces­si­bi­li­té et la conser­va­tion des infor­ma­tions sto­ckées sur ser­veur : un dos­sier per­du ou inac­ces­sible ne sert à rien. Les res­pon­sables infor­ma­tiques doivent veiller à la sau­ve­garde des disques, et à la redon­dance et au dimen­sion­ne­ment de leurs infra­struc­tures, pour garan­tir la conti­nui­té et la péren­ni­té de l’accès.

En résu­mé, les fonc­tion­na­li­tés indis­pen­sables pour fon­der la confiance des pro­fes­sion­nels de la san­té dans les échanges infor­ma­tiques sont principalement :

1) la confi­den­tia­li­té des informations,
2) l’au­then­ti­fi­ca­tion des per­sonnes et des qualités,
3) l’in­té­gri­té des données,
4) la signa­ture élec­tro­nique des données,
5) la jour­na­li­sa­tion des accès et des modifications,
6) la sau­ve­garde régu­lière des données,
7) la redon­dance et le dimen­sion­ne­ment des infrastructures,
8) la défi­ni­tion de bonnes pra­tiques et leur respect.

Comment fonder la confiance ?

Dans la liste ci-des­sus, la fonc­tion­na­li­té n° 8 relève de l’or­ga­ni­sa­tion du tra­vail. Les fonc­tion­na­li­tés 5, 6 et 7 sont du domaine de l’ad­mi­nis­tra­tion et de l’ex­ploi­ta­tion infor­ma­tiques clas­siques. En revanche les quatre pre­mières fonc­tion­na­li­tés ne sont pas encore répan­dues dans l’u­ti­li­sa­tion des nou­velles technologies.

Pour­tant, ces quatre fonc­tion­na­li­tés ne consti­tuent en rien une nou­veau­té : elles sont indis­pen­sables à la confiance depuis que l’é­cri­ture existe et que l’on com­mu­nique des infor­ma­tions sen­sibles. Il y a six mille ans, les Méso­po­ta­miens uti­li­saient déjà des sceaux-cylindres pour « sécu­ri­ser » leurs mes­sages rédi­gés sur des tablettes d’ar­gile : l’ex­pé­di­teur dis­po­sait d’un sceau orné per­son­nel, ser­vant à l’au­then­ti­fier. En rou­lant son sceau en sur­im­pres­sion sur le mes­sage, il le signait. Il pou­vait enfin pla­cer la tablette dans une « enve­loppe » faite d’une boule creuse d’ar­gile, et appo­ser encore une fois le sceau sur la boule : l’in­té­gri­té et la confi­den­tia­li­té du mes­sage étaient ain­si garan­ties pen­dant le transport.

Le Louvre pos­sède ain­si le sceau d’un méde­cin sumé­rien qui exer­çait à Ur en 2100 avant notre ère, preuve que le sec­teur de la san­té se pré­oc­cu­pait déjà, à l’é­poque, des pro­blèmes de confiance !

Tou­te­fois, ce sys­tème de sceaux, qui per­du­ra en Europe sous dif­fé­rentes variantes jus­qu’au XIXe siècle, ne per­met­tait d’ac­cor­der sa confiance qu’à des inter­lo­cu­teurs connus, dont on recon­nais­sait le sceau. Aujourd’­hui, l’in­for­ma­ti­sa­tion des échanges implique de devoir accor­der sa confiance à des inter­lo­cu­teurs par­fois incon­nus : le pro­fes­sion­nel doit alors pou­voir véri­fier leur iden­ti­té et leur qua­li­té avant de les croire ou de leur accor­der des droits d’ac­cès à un sys­tème d’informations.

Il faut donc trou­ver un moyen de garan­tir cette iden­ti­té et cette qua­li­té lors d’é­changes élec­tro­niques. Pour cela, la tech­nique et l’or­ga­ni­sa­tion consti­tuent les deux piliers sur les­quels fon­der la confiance et la sécurité.

Tech­ni­que­ment, des solu­tions existent. Le sec­teur fran­çais de la san­té s’est doté d’une infra­struc­ture de ges­tion de clés (IGC) répon­dant aux normes en vigueur, afin de per­mettre à chaque pro­fes­sion­nel de dis­po­ser de cer­ti­fi­cats élec­tro­niques garan­tis­sant son iden­ti­té et sa qua­li­té1. Plus de 430 000 per­sonnes sont en pos­ses­sion aujourd’­hui d’une carte à puce, dite Carte de pro­fes­sion­nel de san­té (CPS).

La carte CPS contient les cer­ti­fi­cats et les clés néces­saires à son por­teur pour :

  • garan­tir son iden­ti­té et sa qualité,
  • signer élec­tro­ni­que­ment (au sens de la loi sur la signa­ture élec­tro­nique) ses mails ou ses docu­ments et en garan­tir l’intégrité,
  • chif­frer des infor­ma­tions pour les rendre confidentielles,
  • s’au­then­ti­fier pour accé­der, de manière confi­den­tielle, à des sys­tèmes d’in­for­ma­tions ou à des ser­veurs Web réservés.

Cette IGC est conforme aux stan­dards depuis novembre 2001 (cer­ti­fi­cats X509v3 – nous n’in­sis­te­rons pas sur ces notions tech­niques) et son uti­li­sa­tion est pos­sible avec tous les maté­riels, logi­ciels et four­nis­seurs d’ac­cès Inter­net, per­met­tant ain­si l’u­ni­ver­sa­li­té et l’in­te­ro­pé­ra­bi­li­té des solu­tions de sécurisation.

La CPS consti­tue donc à la fois une « carte d’i­den­ti­té élec­tro­nique » et un « sceau élec­tro­nique », mais cela ne pré­sume en rien de l’u­sage qui en sera fait. Il revient aux appli­ca­tions met­tant en œuvre ses fonc­tion­na­li­tés de s’en ser­vir à bon escient.

La balle est désor­mais dans le camp des déve­lop­peurs d’ap­pli­ca­tions et des édi­teurs de logi­ciels : à eux d’in­té­grer sys­té­ma­ti­que­ment l’u­sage de la CPS dans les appli­ca­tions et sys­tèmes d’in­for­ma­tions du sec­teur de la san­té, pour gérer le fil­trage des accès, la ges­tion des droits des inter­ve­nants, la tra­ça­bi­li­té des actions, etc.

Quelques chiffres

L’ap­pli­ca­tion la plus répan­due est le sys­tème Sesam-Vitale, qui per­met aux assu­rés, por­teurs d’une carte à puce Vitale décri­vant leurs droits, de béné­fi­cier d’un rem­bour­se­ment plus rapide.

57 mil­lions de cartes Vitale étaient en cir­cu­la­tion en octobre 2002.

Les pro­fes­sion­nels de san­té uti­lisent quant à eux leur carte de pro­fes­sion­nel de san­té (CPS), qui cer­ti­fie leur iden­ti­té et leur qua­li­té, et leur per­met de signer les feuilles de soins élec­tro­niques (FSE) du sys­tème Sesam.

135 000 pro­fes­sion­nels de san­té (soit 60 % des méde­cins et 73 % des phar­ma­ciens) col­la­bo­raient à Sesam en sep­tembre 2002, en créant plus de 49 mil­lions de FSE par mois, ce qui cor­res­pond à la déma­té­ria­li­sa­tion de la moi­tié envi­ron des feuilles de soins7.

Il a été émis plus de 430 000 cartes de la famille CPS, dont 230 000 cartes pour les pro­fes­sion­nels libé­raux et hos­pi­ta­liers, et plus de 200 000 pour les employés. 80 % des méde­cins libé­raux et plus de 90 % des phar­ma­ciens sont équipés.

Les éta­blis­se­ments de soins ne sont encore que mar­gi­na­le­ment équi­pés8.

Tou­te­fois, la tech­nique n’est rien sans l’or­ga­ni­sa­tion : avant de dis­tri­buer des cer­ti­fi­cats, il a fal­lu conce­voir les cir­cuits et les pro­cé­dures admi­nis­tra­tives per­met­tant de col­lec­ter et de garan­tir les infor­ma­tions à cer­ti­fier. La col­la­bo­ra­tion indis­pen­sable des ordres pro­fes­sion­nels, de l’É­tat, des caisses d’as­su­rance mala­die obli­ga­toires et com­plé­men­taires, et des repré­sen­tants des uti­li­sa­teurs, s’est concré­ti­sée dans la créa­tion en 1993 d’un grou­pe­ment d’in­té­rêt public (GIP), le GIP CPS, char­gé de mettre en œuvre les solu­tions néces­saires à la confiance dans les échanges élec­tro­niques du secteur.

Outre l’IGC citée ci-des­sus, le GIP CPS a éla­bo­ré les pro­cé­dures, regrou­pant toutes les auto­ri­tés du sec­teur, et garan­tis­sant la fia­bi­li­té des infor­ma­tions utiles : iden­ti­té, diplôme, spé­cia­li­té, acti­vi­tés, lieux d’exercice…

Les aspects orga­ni­sa­tion­nels sont éga­le­ment pré­sents lors de l’u­ti­li­sa­tion quo­ti­dienne des appli­ca­tions tech­ni­que­ment sécu­ri­sées : il est au mini­mum indis­pen­sable que ces appli­ca­tions s’in­tègrent sans heurt dans l’or­ga­ni­sa­tion du tra­vail des pro­fes­sion­nels, dans les cabi­nets ou les éta­blis­se­ments de soins. Si l’er­go­no­mie se révèle inadap­tée, ou les contrôles sécu­ri­taires fas­ti­dieux, les uti­li­sa­teurs rejet­te­ront l’application.

Même lorsque l’ap­pli­ca­tion sait rendre ser­vice en fai­sant oublier les contraintes, les pro­fes­sion­nels doivent de leur côté veiller à une stricte dis­ci­pline dans l’ap­pli­ca­tion des règles de sécu­ri­té : pro­tec­tion des codes secrets et des cartes à puce, bonne défi­ni­tion des droits d’ac­cès aux infor­ma­tions sto­ckées dans les bases ou les disques durs, etc. Or le sec­teur de la san­té, dans lequel l’in­for­ma­ti­sa­tion est récente, ne pos­sède pas encore une réelle culture de sécu­ri­té informatique.

Les applications concrètes

Nous avons évo­qué plus haut des usages poten­tiels. Quels sont ceux déjà concrétisés ?

62 % des pro­fes­sion­nels attendent de la CPS qu’elle par­ti­cipe à la sécu­ri­sa­tion de leur poste de tra­vail, et 52 % qu’elle serve à pro­té­ger les docu­ments sen­sibles. Pour 65 % des méde­cins géné­ra­listes uti­li­sant l’in­for­ma­tique, elle est indis­pen­sable pour sécu­ri­ser les mails échan­gés dans le cadre de leur acti­vi­té2.

Des mes­sa­ge­ries sécu­ri­sées uti­li­sant la CPS sont désor­mais sur le mar­ché : elles per­mettent la signa­ture et le chif­fre­ment des mes­sages. Il est ain­si pos­sible d’en­voyer des infor­ma­tions à un confrère de manière sécurisée.

Plu­sieurs éta­blis­se­ments, comme les hôpi­taux uni­ver­si­taires de Stras­bourg (HUS), uti­lisent la CPS pour per­mettre à leur per­son­nel d’ac­cé­der au sys­tème d’in­for­ma­tions pro­fi­tant du fait que la carte à puce avec code secret est un moyen plus sûr que le simple mot de passe tra­di­tion­nel, qui peut être espion­né ou prêté.

D’autres, comme le Centre hos­pi­ta­lier de l’ar­ron­dis­se­ment de Mon­treuil-sur-Mer (CHAM), ont mis les dos­siers médi­caux de leurs patients sur ser­veur, afin que les patients et leurs méde­cins trai­tants y aient accès3.

Il est envi­sa­geable de pous­ser encore plus loin cette logique de rela­tion via Inter­net entre l’hô­pi­tal et l’ex­té­rieur. Ain­si, aux États-Unis, le Beth Israel Dea­co­ness Medi­cal Cen­ter de Har­vard pro­pose à ses patients un site Inter­net sur lequel ils peuvent dia­lo­guer avec leur méde­cin, lui deman­der une pres­crip­tion (qui sera direc­te­ment envoyée à la phar­ma­cie de leur choix), prendre un ren­dez-vous, consul­ter la fac­tu­ra­tion des actes effec­tués dans l’é­ta­blis­se­ment ou leur dos­sier médi­cal et l’his­to­rique des pres­crip­tions effec­tuées, consul­ter les archives de leurs résul­tats d’a­na­lyses, d’élec­tro­car­dio­grammes, de radios, etc.4

En France, plu­sieurs réseaux de soins spé­cia­li­sés, cen­trés par exemple sur une patho­lo­gie ou sur le sui­vi de patients, uti­lisent Inter­net pour échan­ger des infor­ma­tions. Par exemple, le réseau Amme­li­co regroupe 95 % des labo­ra­toires d’a­na­lyses médi­cales et plu­sieurs centres hos­pi­ta­liers du Nord-Pas-de-Calais, et trans­met 50 000 pages de résul­tats par mois5.

D’autres réseaux relient les dif­fé­rents pro­fes­sion­nels col­la­bo­rant à la prise en charge de patients atteints de patho­lo­gies lourdes : méde­cins, ana­lystes, infir­mières, mas­seurs-kiné­si­thé­ra­peutes, etc., et per­mettent la cir­cu­la­tion rapide des infor­ma­tions. Cir­cu­la­tion rapide qui est éga­le­ment l’ob­jec­tif des réseaux cen­trés sur les attentes de greffes, pour les­quels une réac­tion en temps réel est primordiale.
Autre appli­ca­tion : pour dif­fu­ser les alertes sani­taires, le minis­tère de la San­té met en place une base de don­nées des adresses élec­tro­niques des pro­fes­sion­nels volon­taires. Un simple clic per­met­tra ain­si de les aver­tir tous simul­ta­né­ment en cas de crise6.

Le dossier médical en ligne : une expérience québécoise

Un des pro­jets actuel­le­ment envi­sa­gés en France est la créa­tion pour chaque patient d’un dos­sier médi­cal cen­tra­li­sé dis­po­nible sur serveur.

Cette idée sus­cite de nom­breux débats, tant auprès des patients inquiets pour l’ac­ces­si­bi­li­té et la confi­den­tia­li­té des don­nées, que chez les professionnels.

Il peut être utile de noter que ce type d’ap­pli­ca­tion est éga­le­ment étu­dié au Qué­bec et y a déjà don­né lieu à une expé­ri­men­ta­tion, dans le cadre du pro­jet PRSA Carte San­té. Ce pro­jet consis­tait à sto­cker des ren­sei­gne­ments cli­niques (aller­gies, diag­nos­tics, vac­ci­na­tion, trai­te­ments, résul­tats d’a­na­lyses, sui­vi médi­cal) dans un dos­sier médi­cal cen­tra­li­sé (dit « Dos­sier carte san­té » ou DCS), loca­li­sé au siège de l’as­su­rance mala­die, en gérant le consen­te­ment du patient pour chaque ins­crip­tion d’in­for­ma­tion et chaque consultation.

Un rap­port de l’ex­pé­ri­men­ta­tion a été rédi­gé9. Les patients, favo­rables au par­tage d’in­for­ma­tions entre les pro­fes­sion­nels qui les traitent, ont appré­cié ce prin­cipe. En revanche les pro­fes­sion­nels, pour­tant inté­res­sés par l’ac­cès aux dos­siers d’autres éta­blis­se­ments, ont majo­ri­tai­re­ment été déçus.

Par­mi les prin­ci­paux reproches expri­més par les pro­fes­sion­nels figu­rait le fait que le DCS n’est qu’un résu­mé de dos­sier, toutes les infor­ma­tions se trou­vant dans le dos­sier médi­cal du pra­ti­cien. Du coup, rem­plir le DCS repré­sente un far­deau inutile ; les pro­fes­sion­nels ne le rem­plissent pas, ne le consultent pas et lui pré­fèrent le dos­sier com­plet. Par ailleurs l’o­bli­ga­tion d’ob­te­nir le consen­te­ment du patient avant tout rem­plis­sage du DCS inquiète les pro­fes­sion­nels car elle remet en ques­tion la com­plé­tude des don­nées. Ils ne font pas confiance à un dos­sier poten­tiel­le­ment incomplet.

Pour remé­dier à ces incon­vé­nients, le rap­port sug­gère d’é­tu­dier le concept d’un dos­sier médi­cal vir­tuel, com­po­sé d’ac­cès à plu­sieurs bases de don­nées sécu­ri­sées, ou à plu­sieurs dos­siers par­tiels épar­pillés (dans les labo­ra­toires, les hôpi­taux, les cabi­nets, etc.), conte­nant cha­cun une par­tie des infor­ma­tions sur le même patient. La carte du patient ser­vi­rait dans ce cas à conte­nir les poin­teurs et les clés d’ac­cès vers ces bases.

Conclusion

L’in­for­ma­ti­sa­tion du sec­teur de la san­té ouvre des pers­pec­tives innom­brables pour l’a­mé­lio­ra­tion de la cir­cu­la­tion de l’in­for­ma­tion et des connais­sances, par­ti­ci­pant ain­si à l’a­mé­lio­ra­tion de la qua­li­té des soins. Cette évo­lu­tion béné­fi­cie­ra aux pro­fes­sion­nels de san­té et aux patients.

La sécu­ri­té repré­sente une contrainte forte dans ce sec­teur. Les outils tech­niques per­met­tant de fon­der la confiance sont désor­mais opé­ra­tion­nels et dis­po­nibles. Il revient main­te­nant aux pro­fes­sion­nels de se les appro­prier, et aux édi­teurs de logi­ciels de les inté­grer dans toutes les appli­ca­tions qu’ils pour­ront inventer.

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1. Voir mon article dans La Jaune et la Rouge de décembre 1999.
2. Son­dages réa­li­sés en décembre 2000 auprès de 535 méde­cins géné­ra­listes uti­li­sant l’in­for­ma­tique et de 1343 pro­fes­sion­nels de san­té. Détails sur www.gip-cps.fr
3. www.ch-montreuil.fr
4. www.bidmc.harvard.edu, rubrique Our services/Patientsite
5. www.quotimed.com – article du 24 octobre 2002.
6. Arrê­té du 30 sep­tembre 2002.
7. www.sesam-vitale.fr
8. Chiffres de novembre 2002. Pour plus d’in­for­ma­tion, voir www.gip-cps.fr
9. www.ramq.gouv.qc.ca – rap­port éga­le­ment dis­po­nible sur www.gip-cps.fr

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