Par la racine
Gérald Tenenbaum est un chercheur et professeur en mathématiques fondamentales, mais il est aussi, depuis un quart de siècle, un auteur fécond, dans des genres variés. On pourra s’en faire une idée via nos recensions précédentes, dont la dernière sur L’affaire Pavel Stein, un roman, dans notre numéro 768 d’octobre 2021 – voir aussi les numéros 584, 620, 631, 658, 698, 725, 751, etc. Il y a sans doute une connexion entre l’imaginaire littéraire et la créativité mathématique : pensons à Lewis Carroll ou à l’Oulipo.
Le roman Par la racine, point trop long (190 pages) et au style ciselé, explore une intrigue familiale nouée autour du deuil d’un père et de son énigmatique testament. Les racines, qui comme chacun sait peuvent être multiples ou complexes, y constituent le fil rouge d’une quête des origines émaillée de rencontres, et parfois éclairée de songes à la Modiano. Irrigué par une forte culture musicale et une réflexion sur la création littéraire, l’ouvrage revisite l’histoire et la mémoire ashkénazes. Il entraîne le lecteur dans un voyage initiatique toujours plus au sud, de la Lorraine à la Ligurie, et au-delà, sur les rives de la Méditerranée.
On gardera un souvenir frappant du thème du dibbouk, central dans le roman Par la racine, qui est dans la mythologie juive l’illustration de la possession démoniaque – le cinéphile aura d’ailleurs peut-être vu dans quelque ciné-club le film éponyme de 1937, tourné en yiddish, rare témoignage d’un monde disparu. On connaît moins son pendant positif, l’ibbur, sorte d’ange gardien qui guide secrètement les protagonistes de cette histoire sensible et captivante vers un dénouement harmonieux.