Paris face aux futures chaleurs de l’an 2100
Les conséquences des températures élevées sont identifiées. Elles concernent notamment le confort et la santé des personnes : chaleur excessive, difficulté de récupération nocturne de l’organisme, notamment pour les personnes les plus fragiles, pouvant être à l’origine d’une importante surmortalité comme il a été observé en France et plus généralement en Europe en août 2003.
REPÈRES
La canicule, ou vague de chaleur, est un phénomène météorologique bien connu caractérisé par une période prolongée de températures anormalement élevées, de jour comme de nuit. En territoire métropolitain, l’installation stable, pendant plusieurs jours à plusieurs semaines, de l’anticyclone dit « des Açores » sur le nord ou l’est de l’Europe crée un obstacle au passage des perturbations atlantiques. Les vents d’est et du sud apportent alors de l’air chaud et sec sur la France.
Des îlots de chaleur urbains
Plus d’énergie consommée
Les épisodes caniculaires ont également des incidences sur la consommation d’énergie, du fait du recours massif observé à la climatisation des bâtiments. Ce pic de consommation intervient, de plus, à un moment où les centrales thermiques peuvent se trouver à la limite de leurs conditions de fonctionnement du fait du réchauffement de l’eau des fleuves utilisée comme source froide.
Les conséquences sanitaires sont particulièrement intenses en ville du fait du phénomène d’îlot de chaleur urbain (ICU) résultant de la différence des échanges d’énergie avec l’atmosphère en ville d’une part et dans les zones périphériques rurales d’autre part. En ville, de fortes quantités de chaleur sensible sont accumulées pendant la journée par les bâtiments et les infrastructures urbaines.
En 2003, 8 degrés d’écart entre le cœur de Paris et la périphérie rurale
Le renvoi vers l’environnement atmosphérique, pendant la nuit, d’une partie de cette chaleur sous forme de rayonnement infrarouge induit le maintien d’une température plus élevée qu’en zone périphérique rurale, où la présence de végétation met en jeu d’importantes quantités de chaleur latente. En 2003, l’intensité de l’ICU a atteint 8° entre le cœur de Paris et la périphérie rurale. Les vagues de chaleur soumettent la végétation à un stress hydrique intense et peuvent également aggraver les risques structurels pour les bâtiments et les réseaux enterrés résultant du retrait des argiles.
Le projet EPICEA, relatif à l’agglomération parisienne, s’attache à l’adaptation des zones urbaines à ces situations.
Une étude sur l’agglomération parisienne
Le projet EPICEA
L’Étude pluridisciplinaire des impacts du changement climatique à l’échelle de l’agglomération parisienne (EPICEA) est le fruit d’une collaboration entre la Ville de Paris, Météo-France et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). L’objectif central du projet est de quantifier l’impact du changement climatique à l’échelle de la ville de Paris et l’influence du bâti sur le climat urbain.
En cherchant à quantifier l’importance relative d’actions sur des paramètres caractéristiques du milieu urbain, ce projet vise à éclairer les futures décisions à prendre pour réduire la vulnérabilité de la ville en période de canicule. Le potentiel de ces mesures sera à pondérer par leur coût de mise en œuvre et de maintenance et entretien.
Les travaux sont répartis en trois volets : l’évolution du climat urbain, l’étude d’une situation extrême et le lien entre cadre bâti et climat urbain.
Évolution du climat
Dans la perspective du changement climatique, il s’agit d’évaluer l’évolution du climat urbain de Paris et de ses environs dans divers scénarios. Toutes choses égales par ailleurs (morphologie urbaine constante, caractéristiques du bâti non modifiées, etc.), l’objectif est d’apprécier l’effet de l’évolution générale du climat sur différents paramètres accessibles par la modélisation : température à 2 mètres du sol, intensité de l’îlot de chaleur urbain, températures moyennes suivant les saisons. Ces résultats sont obtenus suite à des simulations pendant des périodes de plusieurs décennies permettant de déceler des tendances d’évolution des paramètres sélectionnés.
Étude d’une situation extrême
Des simulations sur plusieurs décennies
L’objectif est de « reproduire » par la simulation les observations météorologiques faites durant la période caniculaire du 8 au 13 août 2003. La ville est représentée de manière beaucoup plus fine que pour le volet précédent. Une coopération étroite avec l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) a permis de représenter Paris intra-muros par un maillage de carrés de 250 m de côté. À chacune de ces surfaces sont attachés des paramètres décrivant les propriétés essentielles à la modélisation (types de bâtiments, proportion de chaussée, masse thermique, inertie, propriétés radiatives des surfaces, etc.).
Cadre bâti et climat urbain
Quel est le lien entre les caractéristiques du cadre bâti et le climat urbain ? L’ambition est d’explorer l’incidence sur l’intensité de l’îlot de chaleur urbain d’actions portant sur le tissu urbain proprement dit. Ayant identifié un nombre limité d’actions possibles (changement des propriétés radiatives des surfaces urbaines, « verdissement » de surfaces de couverture et de chaussées, remodelage du tissu urbain, arrosage des chaussées), des séries de simulations numériques permettent d’approcher l’impact relatif de leur mise en œuvre soit isolément les unes des autres, soit en en combinant certaines.
Un maillage adapté
Un ensemble de modèles
La conduite des trois volets de l’étude s’appuie sur un ensemble de modèles numériques, développés par Météo-France, qui sont couplés entre eux :
Arpège-Climat, modèle global de climat à résolution variable ;
Meso-NH, modèle de recherche pour la prévision numérique du temps, à résolution fine ;
Surfex, système de modélisation des surfaces continentales représentant les échanges avec l’atmosphère de quatre types de surfaces : mers, lacs et rivières, sols naturels et végétation, ville.
Le domaine d’étude constitué de Paris intra-muros doit bien évidemment être intégré dans un domaine plus vaste afin que le climat local puisse hériter des données météorologiques calculées à des échelles plus globales à chaque pas de temps.
Le maillage de Paris intra-muros est par ailleurs adapté à la question examinée. Ainsi, la maille de cette zone est de 1 km x 1 km pour le premier volet de l’étude. Elle est de 250 m x 250 m pour les deux autres.
Des repères à interpréter avec prudence
Le projet EPICEA contribue à donner des repères sur la modification de l’intensité de l’îlot de chaleur urbain (ICU) et des autres spécificités du climat urbain, induites par des actions sur les leviers urbains. En poussant assez loin ces leviers, les résultats permettent d’apprécier l’ampleur possible de ces modifications. L’analyse de ces résultats éclaire les perspectives ouvertes par EPICEA, mais reste limitée par des considérations sur la faisabilité technique et les conditions de mise en œuvre et d’exploitation attachées aux scénarios.
Les extrêmes de température sont plus importants en zone périurbaine
Compte tenu des multiples sources d’incertitude (niveau d’émission de gaz à effet de serre, incertitudes intrinsèques des modèles, valeurs caractéristiques des items décrits, etc.), les résultats des simulations doivent être interprétés avec prudence. Plus que des valeurs absolues des paramètres retenus, les résultats apportent des éléments sur les ordres de grandeur de leurs variations relatives dans le cadre des hypothèses explorées.
Une tendance plus marquée dans les zones rurales
Trois scénarios
Les trois scénarios retenus poussent à l’extrême les paramètres directeurs, de manière à se mettre dans des conditions permettant de faire émerger un signal tangible quant à l’effet sur l’îlot de chaleur urbain.
1) « Paris réfléchissant », les murs et couvertures sont très réfléchissants et très émissifs.
2) « Paris verdi », « végétalisation » (processus de replantation) basse de toute surface non occupée et verdissement partiel des chaussées les plus larges.
3) « Paris humide », arrosage des chaussées.
Pour ce qui est du premier volet sur l’évolution du climat urbain, les simulations sur de longues périodes (respectivement 1971–2006 et 2072–2098) apportent des indications tant sur les tendances hivernales que sur les tendances estivales. En hiver, la température augmente de manière significative en climat futur, respectivement, sur les deux périodes considérées, d’environ 2 et 2,4 degrés pour les minima et maxima journaliers. En été, l’évolution de la température est plus importante qu’en hiver, avec une augmentation de 3,5 et 5 degrés pour les minima et maxima journaliers.
Contrairement aux résultats attendus, la tendance au réchauffement est plus marquée dans les zones rurales que dans les zones urbanisées en raison du fort assèchement des sols naturels. Par conséquent, on note une diminution substantielle des forts îlots et l’apparition de nombreux cas d’îlots négatifs en journée. On peut également souligner que les extrêmes de température sont les plus importants dans les zones périurbaines où se cumulent les effets de l’urbanisation partielle et de la sécheresse du sol.
Des zones plus vulnérables
Chauffage et climatisation
Ces évolutions ont des incidences directes sur les besoins de chauffage et de climatisation. Sur la base d’un calcul des « degrés jours », les besoins de chauffage devraient diminuer d’environ 30% à l’avenir, tandis que les besoins de climatisation augmenteraient considérablement en proportion, bien que l’ordre de grandeur reste beaucoup plus faible. Les « degrés jours » de rafraîchissement représentent environ 10% de ceux de chauffage.
La « reconstitution » de la canicule d’août 2003 aboutit à des résultats satisfaisants au regard des données météorologiques enregistrées. Cette analyse à fine échelle (250 m de résolution) met en évidence les processus urbains spécifiques (îlots de chaleur, panache urbain, couche limite urbaine) et identifie durant cette canicule les zones urbaines plus vulnérables à ces processus, qui sont les arrondissements fortement urbanisés du centre de Paris et les zones situées dans le panache urbain.
Les simulations sur le lien entre bâti et climat urbain mettent en évidence un effet tangible. Dans les scénarios « Paris réfléchissant » et « Paris verdi arrosé », il atteint environ 2 degrés le jour et 1 degré la nuit pour la température à 2 mètres du sol.
L’effet des autres scénarios (« Paris verdi non arrosé » et « Paris avec chaussées humidifiées ») est beaucoup plus limité, voire indétectable.