« Pas de problèmes entre gens de bonne foi »
Créé il y a trente ans par Michel Brisac (47), le groupe X‑Expertise regroupe aujourd’hui une trentaine de membres, souvent experts auprès des tribunaux, mais aussi plus spécialisés. Leurs compétences d’ingénieur mettent la science au service de la résolution des conflits.
Les motifs de la création du groupe X‑Expertise ont été clairement exprimés à l’origine, explique l’actuel président, Philippe Fleury (59) : « Favoriser des contacts entre le monde judiciaire et les polytechniciens, susciter de nouvelles vocations d’experts et d’arbitres, faire connaître l’expertise et l’arbitrage à tous les camarades intéressés. »
Un travail policier et scientifique
Dans la pratique, Philippe Fleury explique que les experts sont mandatés par les différentes juridictions (tribunaux de commerce, de grande instance, administratifs, cour d’appel et Cour de cassation), ils peuvent aussi l’être par des entreprises ou des instances d’arbitrage.
« Il leur faut établir les faits qui causent un préjudice. C’est un travail d’enquête et d’analyse, de type policier, où il faut interroger, déduire, voire établir des modèles informatiques afin de dégager les liens entre les causes, leurs conséquences et valider les montants des préjudices.
« L’expertise dans le domaine des grands projets industriels devient ainsi de plus en plus compliquée et du ressort d’ingénieurs expérimentés capables de mettre la science au service des conflits. « Ils doivent rester objectifs, sans dire le droit. Ils peuvent toutefois « l’exsuder », comme le soulignait Michel Brisac. »
Trois types d’expert
Les experts d’assurances œuvrent pour le compte de compagnies d’assurances, directement ou par l’intermédiaire de courtiers ou de cabinets spécialisés.
Les experts de partie travaillent pour le compte de telle ou telle partie, dans la recherche de conciliation, de médiation ou d’arbitrage, donc dans un cadre amiable.
Les experts judiciaires sont désignés par un juge, le plus souvent en référé, pour l’éclairer sur des domaines autres que le droit, donc dans un cadre contentieux. C’est une particularité très française. Dans les contrées de droit anglo-saxon, chaque partie désigne son expert et le juge écoute les uns comme les autres.
Une conférence tous les deux mois
« Le groupe X‑Expertise rassemble des experts de toutes les spécialités, souvent d’un certain âge, mais son ambition est aussi d’intéresser de plus jeunes camarades, poursuit Philippe Fleury.
« Nous comptons aujourd’hui une trentaine de membres réguliers, nous nous réunissons tous les deux mois, parfois en collaboration avec le groupe X‑Droit.
« Une réunion typique regroupe à la Maison des X un conférencier et les membres intéressés. Son exposé d’une trentaine de minutes est poursuivi par des échanges. Le dîner, facultatif, coûte actuellement 46 euros. Une petite somme est prélevée pour animer notre site Internet et nous dispenser de cotisation.
« C’est moi-même qui recherche les intervenants et notre secrétaire général qui sollicite les membres sur Internet. La difficulté est d’en trouver un de bon renom, disposé à faire partager son expérience. »
Un rebond d’utilité sociale
« J’essaie d’ouvrir le groupe aux non‑X, par exemple aux centraliens ou aux anciens des Travaux publics, qui n’ont pas de groupes équivalents.
« L’objectif personnel des experts est de trouver en fin de carrière un rebond d’utilité sociale.
« Bien sûr, le métier de l’expertise s’exerce de façon individuelle, mais il est toujours intéressant d’échanger des expériences. »
Les orientations de Bruxelles
La dernière réunion, tenue fin mars 2013, a vu l’intervention d’Emmanuelle Perron, vice-présidente de la Fédération nationale des travaux publics, sur le thème des « nouvelles orientations de Bruxelles ».
Renvoyer l’ascenseur
Quelles sont les motivations personnelles de Philippe Fleury pour s’être lancé dans cette animation d’un groupe X ?
« Je considère que j’ai bénéficié, comme tous mes chers camarades, d’avantages considérables et qu’il est temps pour moi de renvoyer l’ascenseur.
« Faire monter les jeunes est un devoir moral, à l’exemple des Romains qui avaient instauré un système d’adoption totalement différent du système actuellement en vigueur, permettant au sénateur romain d’adopter un dauphin. L’exemple de Brutus et de César est bien connu.
« Quant à l’expertise, c’est chaque fois une nouvelle enquête où l’obtention d’un compromis satisfaisant pour tous est gratifiante.
« On peut toujours trouver une solution entre gens de bonne foi. »
Propos recueillis par
Jean-Marc Chabanas (58)