Pasqal : le quantique, une révolution à portée de main pour toutes les industries !
Start-up française spécialisée dans le calcul quantique, PASQAL poursuit son développement afin de renforcer son positionnement et de faciliter le recours aux ressources quantiques. Explications de Loïc Henriet (X09), CTO de PASQAL.
Quelle a été la genèse de PASQAL et quel est son positionnement actuellement ?
PASQAL est une start-up française qui fabrique des processeurs quantiques. Elle a vu le jour en 2019 et est issue des travaux de deux chercheurs au CNRS, Antoine Browaeys et Thierry Lahaye, qui travaillent depuis plus d’une décennie sur la manipulation d’atomes individuels par des lasers à l’Institut d’Optique (Palaiseau). Cette thématique de recherche s’appuie sur l’excellence du laboratoire en physique quantique, acquise dans la lignée des travaux d’Alain Aspect, prix Nobel de physique 2022 pour ses travaux fondateurs sur l’intrication quantique.
Avec la maturation de la technologie, Alain Aspect, Antoine Browaeys et Thierry Lahaye ont alors pris la pleine mesure de l’importance de faire passer ces travaux académiques dans le monde industriel. Ils se sont alors associés au physicien et ingénieur Georges-Olivier Reymond pour créer PASQAL, dans le but de construire et commercialiser les premiers processeurs quantiques fonctionnant sur cette technologie. J’ai personnellement rejoint PASQAL dès juin 2019, et je suis actuellement le directeur technique (CTO) de l’entreprise.
« PASQAL a ouvert la première usine de processeurs quantiques de France à Massy, avec des capacités de production dédiées et des équipes de recherche. »
Aujourd’hui, PASQAL emploie une centaine de personnes de plus de 18 nationalités différentes. Nous avons ouvert la première usine de processeurs quantiques de France à Massy, avec des capacités de production dédiées et des équipes de recherche. L’entreprise est présente en Europe avec des bureaux à Massy, Amsterdam et Londres mais aussi en Amérique du Nord avec des bureaux au Québec et à Boston. Ayant récemment franchi la barre des 350 qubits, nous sommes confiants d’atteindre 1 000 qubits avant la fin de l’année 2023.
Nous avons une stratégie dite ‘full-stack’, dans la mesure où nous développons aussi les couches logicielles supérieures et les modules applicatifs avec plus de vingt clients renommés, comme CACIB, EDF, BMW, BASF, LG ou d’autres. Ce positionnement nous permet de développer les applications qui fonctionnent le mieux sur nos processeurs, car nous connaissons ses forces et ses faiblesses. La collaboration avec des industriels guide aussi nos développements, car nous pouvons identifier facilement les fonctionnalités à déployer pour répondre à leurs besoins.
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Au cœur de votre activité, on retrouve donc le quantique. Qu’en est-il ?
Le quantique occupe évidemment une place fondamentale dans notre entreprise !
Nos ‘qubits’, briques élémentaires pour l’informatique quantique, sont des atomes individuels. Pour réaliser des calculs, l’information est encodée dans les niveaux électroniques distincts de ces atomes. La manipulation de cette information est réalisée par des séquences de pulses laser ou des champs micro-onde. Nous travaillons donc avec des particules manipulées individuellement, ce qui requiert un contrôle extrêmement fin et une maîtrise de l’interaction lumière-matière au niveau élémentaire.
L’impact de la physique quantique ne s’arrête pas au hardware. L’informatique quantique est une révolution totale de la façon de faire des calculs, il y a beaucoup à re-construire et à ré-imaginer afin de repenser le calcul informatique sous l’angle quantique.
Du fait de l’omniprésence de la physique quantique dans notre activité, du hardware au software, une grande partie de nos collaborateurs ont des profils très techniques, avec des formations d’ingénieurs et très souvent des thèses en physique quantique ou dans des domaines connexes.
Quels sont les projets qui vous mobilisent actuellement et où en êtes-vous dans votre développement ?
Nous sommes en pleine croissance et avons une forte activité de recherche et développement pour améliorer nos processeurs avec trois axes majeurs de développement : nombre de qubits, qualité des opérations, et nombre d’opérations réalisées par seconde. Des avancées selon ces trois axes sont nécessaires pour faire fonctionner nos processeurs dans des régimes inaccessibles pour les ordinateurs classiques. Ces travaux s’inscrivent dans la durée et sont menés en lien avec des laboratoires de recherche en France, comme l’institut d’optique ou Sorbonne université. Mais nous nouons aussi des partenariats à l’étranger, comme avec l’université de Sherbrooke au Québec, ou avec l’université de Chicago.
En parallèle, nous passons véritablement à l’échelle industrielle. Dans ce cadre, nous avons déjà vendu deux processeurs quantiques à des centres de calcul haute performance en France et en Allemagne. Livrer ces machines représente un défi technique très important, car il faut convertir une expérience de physique expérimentale en un matériel de calcul haute performance qui soit capable de fonctionner dans un environnement industriel moins contrôlé qu’un laboratoire de recherche. En outre, nous avons décidé d’ouvrir un accès cloud à nos processeurs dès cette année. Brancher de telles machines sur le cloud et à les rendre accessibles par le plus grand nombre est une véritable première dans notre domaine d’activité.
La généralisation de l’accès à nos machines, que ce soit via notre cloud ou directement grâce aux centres de calcul, va nous permettre d’explorer de nombreux cas d’usage avec nos clients et partenaires, avec pour objectif central d’être les premiers à atteindre un avantage quantique opérationnel, où l’utilisation de nos machines quantiques procurera un gain concret par rapport à des machines classiques.
Quels enjeux et problématiques actuels ambitionnez-vous d’aborder avec vos solutions ?
Nous avons la conviction que le développement de l’informatique quantique va entraîner des changements profonds et significatifs pour de nombreuses industries. Le quantique est une technologique de rupture qui va impacter tous les métiers : énergie, chimie, logistique, nouveaux matériaux et batteries…
Nous travaillons, par exemple, sur le smart-charging, qui vise à optimiser le plan de recharge d’une flotte de véhicules électriques, avec EDF ; sur l’optimisation du réseau haute tension avec RTE ; sur la prévision des risques de crédit avec CACIB ; sur la modélisation climatique avec BASF ; ou encore sur l’analyse de déformations mécaniques avec BMW…
Grâce à l’exploration de toutes ces problématiques, nous souhaitons atteindre un avantage quantique industriel dès 2024. Concrètement, un avantage quantique peut prendre plusieurs formes : accéder à une meilleure solution, à une solution de qualité équivalente plus rapidement, réduire l’empreinte énergétique des calculs… C’est, d’ailleurs, une des forces de nos processeurs quantiques qui ne consomment que quelques kilowatts, bien moins que les grands centres de calculs haute performance classiques. Et nous sommes fiers de pouvoir, à notre niveau, contribuer à long terme à une plus grande sobriété énergétique dans les solutions de calcul haute performance.
Au niveau académique, nous avons d’ores et déjà atteint cet avantage quantique en 2021. Plus concrètement, nous avons étudié comment un matériau magnétique se comporte à très basse température, dans un régime hors de portée pour des supercalculateurs classiques. Ces travaux ont été publiés dans la prestigieuse revue Nature. Nous souhaitons poursuivre ces efforts en science des matériaux, avec l’ambition de contribuer au développement de matériaux exotiques avec des propriétés intéressantes pour l’industrie.
Quels sont vos principaux enjeux et vos perspectives ?
Nous voulons consolider notre position de leader mondial dans notre domaine, et démontrer concrètement que notre technologie est la plus performante. Les technologies concurrentes, comme les qubits supraconduteurs ou les ions piégés, ont vocation à subsister pendant encore quelques années. Toutes les technologies auront des succès, certaines auront également des échecs. L’enjeu principal est donc d’essayer d’exploiter au mieux le potentiel des atomes neutres dans un horizon de temps le plus proche possible, alors que des concurrents américains comme Google, IBM ou Amazon ont choisi de travailler sur d’autres technologies.