Passages

Passages

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°797 Septembre 2024
Par Jean SALMONA (56)

Pas­sons pas­sons puisque tout passe
Je me retour­ne­rai souvent
Les sou­ve­nirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit par­mi le vent

Guillaume Apol­li­naire, Alcools

Pelléas et Mélisande

Pelléas et Mélisande

Que le drame sym­bo­liste de Mae­ter­linck ait ins­pi­ré simul­ta­né­ment au tour­nant des XIXe-XXe siècles des com­po­si­teurs aus­si divers que Fau­ré, Debus­sy, Schoen­berg (et même Sibe­lius) nous paraît sur­pre­nant aujourd’hui : après tout, le mythe de Tris­tan et Isolde était déjà dans l’air depuis que Wag­ner l’avait exploi­té près de qua­rante ans aupa­ra­vant. C’est que, appa­rem­ment, la pièce de Mae­ter­linck sym­bo­li­sait bien – c’est le cas de le dire – l’esprit « fin de siècle » qui régnait alors sur les arts. Alpha Clas­sics a eu l’excellente idée de grou­per sur un même CD les suites Pel­léas et Méli­sande de Fau­ré et Schoen­berg enre­gis­trées par Paa­vo Jär­vi à la tête de l’orchestre Radio sym­pho­nique de Francfort.

Fau­ré avait à l’origine com­po­sé une musique de scène pour la pièce, musique qui res­ta dans les car­tons. Il en tira une suite pour orchestre dont il confia l’orchestration à notre cama­rade Charles Kœchlin (X1887), son élève. C’est le som­met de l’œuvre sym­pho­nique de Fau­ré et l’un des arché­types de la musique post­ro­man­tique ; pièce au lyrisme sub­til, déli­cieu­se­ment nos­tal­gique, dont le suc­cès ne s’est jamais démen­ti depuis lors.

Schoen­berg a conçu son poème sym­pho­nique Pel­léas et Méli­sande comme un opé­ra sans les voix, en quatre actes, avec un motif pour chaque per­son­nage, etc. C’est une construc­tion com­plexe et raf­fi­née aux limites de l’atonalité (à la dif­fé­rence de la Suite de Fau­ré, qui est rigou­reu­se­ment tonale), pleine d’innovations (d’harmonies, de timbres), une œuvre majeure, emblé­ma­tique du pas­sage du roman­tisme à l’École de Vienne, qui mérite la découverte.

1 CD ALPHA

Boris LiatochinskiBoris Liatochinski

Vous igno­rez tout, sans doute, de ce com­po­si­teur ukrai­nien (mort en 1968). Cou­rez le décou­vrir dans l’enregistrement que le Qua­tuor Tcha­lik a fait de ses Qua­tuors 2 et 3. Comme Schoen­berg, vingt ans plus tard, Lia­to­chins­ki écrit de la musique tonale proche de l’atonalité. Une musique très éla­bo­rée, qui évoque Scria­bine (qui n’a pas écrit de qua­tuor) et Chos­ta­ko­vitch, mais très per­son­nelle, lyrique, cha­leu­reuse. Il faut saluer l’excellent Qua­tuor Tcha­lik qui a pris l’initiative de cet enre­gis­tre­ment et qui nous offre sur le même CD le Qua­tuor de Ravel. Nous avons com­pa­ré leur inter­pré­ta­tion à celles, his­to­riques, des Qua­tuors Alban Berg, Ita­lia­no, Ébène : elle sou­tient la comparaison.

1 CD ALKONOST

Floating, François de LarrardFrançois de Larrard, X78, jazzman

Notre cama­rade Fran­çois de Lar­rard, pia­niste, a quit­té le monde de la recherche pour se consa­crer entiè­re­ment à la musique. On a pu suivre au fil du temps l’évolution de son jeu, de plus en plus dépouillé, avec quelques constantes : la rigueur, la clar­té, l’originalité (Fran­çois n’appartient à aucune école, ne suit aucune mode), l’oscillation entre tona­li­té et ato­na­li­té. En outre, il ne joue que ses propres com­po­si­tions (ou celles de ses par­te­naires musi­ciens), échap­pant ain­si à l’univers des stan­dards du jazz. Sa der­nière pro­duc­tion, sous le titre Floa­ting, pré­sente un ensemble de pièces en duo avec Mathieu Bec, bat­te­rie. Lais­sons-le intro­duire cette nou­velle créa­tion : « Floa­ting est un voyage. (…) Par­ti des rives du jazz, le vais­seau s’aventure dans les mondes des musiques contem­po­raines impro­vi­sées : suc­ces­sion de moments où les acteurs se découvrent des conni­vences inat­ten­dues (…) pour atteindre une cer­taine séré­ni­té tein­tée de nos­tal­gie. » Clai­re­ment, cette nou­velle évo­lu­tion est un pas­sage : Fran­çois nous dira bien­tôt, sans doute, vers quel univers. 

1 CD http://francoisdelarrard.chez-alice.fr

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