Passer d’une économie linéaire à une économie circulaire
L’évolution souhaitable pour sortir de l’impasse des énergies fossiles, économie de prédation, est maintenant réalisable grâce aux progrès technologiques et la diminution sensible des coûts. On envisage donc un fort développement de l’énergie électrique avec une prépondérance des énergies renouvelables dans le mix électrique. Reste le problème plus crucial d’améliorer notre efficacité énergétique pour réduire la consommation totale d’énergie.
économie de Les années 1970 ont été celles d’une double prise de conscience : ces énergies fossiles sont en quantité limitée et elles polluent, localement (oxydes d’azote, monoxyde de carbone, dioxyde de soufre, composés organiques volatils, métaux lourds et même radioactivité) ou globalement (gaz carbonique, méthane et protoxyde d’azote) en provoquant un changement climatique aux conséquences potentiellement dramatiques.
Nous vivons cette contradiction majeure aujourd’hui. Peut-on rester sur la trajectoire actuelle de croissance mondiale du PIB avec près de 10 milliards d’habitants en 2050, sans manquer d’énergie et sans subir les conséquences dommageables de son usage ?
Peut-on notamment respecter l’accord de Paris qui limite à deux degrés l’augmentation de la température moyenne planétaire par rapport à 1880, sachant qu’elle est déjà de l’ordre du degré ?
REPÈRES
Le développement de l’humanité dépend de son accès à l’énergie. Les premières sources en ont été renouvelables : le bois avec la domestication du feu, le soleil pour l’agriculture (et le sel !), le vent pour les bateaux, l’eau et le vent dans les moulins au Moyen Âge.
Pour autant, le décollage exceptionnel constaté au XIXe siècle est dû au charbon ; il s’est poursuivi au XXe siècle grâce au trio des énergies fossiles, charbon, pétrole, gaz, qui fournissent encore aujourd’hui 80 % de notre énergie primaire, le solde se partageant entre le nucléaire et les renouvelables, bois et hydraulique largement en tête.
PRENDRE MODÈLE SUR LE VIVANT
À plus long terme, nous avons pris conscience que l’humanité doit sortir d’une économie linéaire et « minière » voire de prédation pour imiter le vivant et son économie circulaire.
Dans cette vision, les énergies renouvelables semblent les seules à pouvoir nous sortir de l’impasse du « modèle » actuel.
DIMINUER LES CONSOMMATIONS
La priorité première est d’améliorer drastiquement notre efficacité énergétique et de réduire, dans les pays riches, la consommation d’énergie.
« Les énergies renouvelables semblent les seules à pouvoir nous sortir de l’impasse du “modèle” actuel »
Deux raisons à cela : d’une part, l’énergie qu’on ne consomme pas est la plus propre, d’autre part, il est impossible de réduire nos émissions de GES dans la bonne proportion rapidement si l’on ne limite pas notre soif d’énergie.
Dans son dernier scénario 2°C compatible avec l’Accord, l’Agence internationale de l’énergie fait passer la consommation moyenne d’énergie primaire par habitant de 1,9 tep par habitant à 1,7 en 2050, cette baisse étant évidemment plus forte dans les pays développés.
La France s’est donné un objectif pertinent et ambitieux de réduire par deux la consommation finale d’énergie d’ici 2050 par rapport à son niveau en 2012.
Nous n’évoquerons pas plus avant ce sujet dans la suite, mais notons qu’il doit faire l’objet de la plus grande attention et d’investissements massifs et rapides.
PRIVILÉGIER LES ÉNERGIES DÉCARBONÉES
La deuxième priorité est de recourir à des sources d’énergie décarbonées, dont la production et l’usage n’émettent pas ou peu de gaz à effet de serre, comme les énergies renouvelables.
Dans le scénario 2DS, elles pourraient représenter 44 % de l’énergie primaire en 2050. Dans le scénario retenu en France, ces sources d’énergie devraient représenter 32 % de la consommation finale brute d’énergie en 2030.
Elles sont diverses tout comme les vecteurs utilisés : chaleur à base de géothermie, bois et déchets, chaleur solaire, gaz à partir de méthanisation, ou pyrolyse de déchets végétaux ou animaux, liquides à partir de végétaux ou algues et… électricité.
Mais ce numéro de La Jaune et la Rouge se limite aux énergies renouvelables électriques, hydraulique, solaire, éolien, hydrolien, cogénération.
L’Australie pourrait devenir excédentaire en énergie renouvelable. © TARAS VYSHNYA / FOTOLIA.COM
ACCROÎTRE LA PART DE L’ÉLECTRICITÉ
Rappelons d’abord que l’électricité fournit en 2014 au niveau mondial moins de 20 % de la demande finale d’énergie.
Dans le scénario 2DS de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), cette part monte à plus de 30 % en 2050. La plupart des experts plaident pour cette croissance. En effet, la décarbonation de l’électricité peut techniquement se faire sans pari technologique majeur.
Ses émissions de CO2 (qui représentent environ 40 % des émissions énergétiques mondiales) pourraient être divisées par 10 à horizon 2050. Le contenu en carbone de l’électricité pourrait passer de plus de 500 grammes de CO2 par kilowattheure en 2015 à moins de 50 en 2050 !
Plus de 40 % de l’électricité mondiale est à base de charbon. S’en passer presque entièrement est une des clefs de réussite de la lutte contre le changement climatique.
D’autre part, on peut reporter sur l’électricité de nombreux usages, qu’on pense au transport avec le train, le tramway et la voiture, au chauffage avec la pompe à chaleur, ou aux procédés industriels. Dès lors, décarboner l’électricité et faire croître sa part est un levier majeur (source : AIE, ETP 2017 http://www.iea.org/etp/).
UN DÉVELOPPEMENT SOUTENU PAR L’INNOVATION
Les énergies renouvelables électriques se développent aujourd’hui rapidement, grâce à la révolution numérique et à de multiples innovations. Elles représentent fin 2016, un quart de l’électricité produite.
“ Décarboner l’électricité et faire croître sa part est un levier majeur ”
Elles font travailler 10 millions de personnes dans le monde et deviennent une source significative de développement économique, en apportant une énergie indispensable.
Peut-être verrons-nous, comme l’imagine Cédric Philibert, expert de l’AIE, se développer des échanges entre pays « excédentaires » en ressources renouvelables, comme l’Afrique et l’Australie, et pays « déficitaires », comme l’Europe et le Japon.
Ces échanges pourraient se faire sous forme de biocombustibles, d’électricité ou de composés riches en hydrogène, stockables et transportables, matières premières ou agents de procédé dans l’industrie, et vecteurs d’énergie dans tous les secteurs.
DES COÛTS EN FORTE BAISSE
Si l’on peut penser que leur part relative dans la production électrique va dépasser les 60 % en 2050, c’est parce que les coûts des nouvelles énergies renouvelables ont très fortement baissé. C’est aussi grâce aux progrès actuels et envisagés à l’avenir dans le stockage, le pilotage et la gestion de l’offre et de la demande d’électricité.
Les énergies renouvelables électriques suscitent de nombreuses questions dans notre communauté et sont l’objet de débats souvent passionnés et de beaucoup d’idées reçues. Il est maintenant possible de les aborder rationnellement du fait de leur maturité et c’est l’objet de ce numéro spécial de La Jaune et la Rouge.
Puisse-t-il nous éclairer et contribuer ainsi à leur développement.
2 Commentaires
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Article Alain Grandjean
Excellent article donnant un bon niveau de synthèse.
échange internationaux de renouvelables
Merci Alain pour cette bonne intro.
Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur ces échanges internationaux de produits riches en hydrogène évoqués dans l’article, voir
http://cedricphilibert.net/avis-de-coup-de-vent-et-de-coup-de-soleil/ sur mon blog
et le rapport complet sur le site de l’AIE :
https://www.iea.org/publications/insights/insightpublications/renewable-energy-for-industry.html