Pasteur et ses lieutenants
Le récit d’Annick Perrot et Maxime Schwartz couvre quelque cent vingt ans, de 1822, année de la naissance de Louis Pasteur à Dole, à 1943, date de la mort de Yersin.
Un récit dont les acteurs prennent eux-mêmes parfois la plume, à commencer par le premier d’entre eux, Pasteur, que les auteurs comparent à un chef militaire entouré de ses lieutenants. La comparaison est séduisante mais, prise au pied de la lettre, elle risquerait de conduire à sous-estimer les rôles joués par Émile Duclaux, Émile Roux, Albert Calmette, (Alexandre) Yersin ou Élie Metchnikoff.
C’est bien le propos du livre que de s’attacher à mettre en lumière ceux que la gloire de Pasteur a peut-être occultés, en soulignant leurs contributions décisives. « Apôtres de l’évangile pastorien », ils ont répandu la bonne pensée et les bonnes pratiques dans le temps et dans l’espace, et c’est un des grands mérites de Pasteur que d’avoir su choisir de tels talents, complémentaires aux siens, qui lui étaient attachés par l’admiration indéfectible qu’ils lui portaient.
Cette double comparaison militaire et apostolique caractérise bien la dynamique de l’ouvrage, structuré en 29 chapitres d’une dizaine de pages maximum : chacun d’eux appelle irrésistiblement la lecture du suivant : un récit et non une succession de biographies.
La chronologie annexée est très précieuse, qui aide à suivre les multiples développements des thèmes de recherche et des découvertes et les ramifications de l’entreprise. Le style est simple et alerte et l’on apprécie la variété introduite par la parole, ou plutôt l’écriture, donnée par tel ou tel chapitre à Pasteur, Duclaux, Roux, Calmette, Yersin qui « racontent », textes construits à partir des correspondances ou de propos rapportés dans des ouvrages cités dans la bibliographie qui compte une quarantaine de références.
On doit signaler que les auteurs ont pris soin, chaque fois qu’il le fallait, de préciser, d’expliquer ces propos, voire de les replacer dans les contextes scientifiques contemporain ou actuel, par des notes de bas de pages simples et bien documentées. On a ainsi le sentiment d’être au coeur de l’action, de la « guerre contre les microbes » déclarée en 1848 avec les travaux de Pasteur sur les tartrates et dont les auteurs nous rappellent qu’elle n’a pas de fin.
Dans son discours, lu par son fils Jean-Baptiste, à l’occasion de son jubilé, Pasteur s’adressait aux « jeunes gens » en ces termes : « Vivez dans la paix sereine des laboratoires et des bibliothèques. Dites-vous d’abord : Qu’ai-je fait pour mon instruction ? Puis, à mesure que vous avancerez : Qu’ai-je fait pour mon pays ? jusqu’au moment où vous aurez peut-être cet immense bonheur de penser que vous avez contribué en quelque chose au progrès et au bien de l’humanité. Mais que les efforts soient plus ou moins favorisés par la vie, il faut, quand on approche du grand but, être en droit de se dire : J’ai fait ce que j’ai pu. »