Patrick FLEURY (55), un chercheur atypique
Il effectue ses premières recherches et sa thèse sous la direction de Bernard Grégory (38) puis de Francis Muller (44). Le sujet en est l’étude des interactions de pions sur le deutérium avec la chambre à bulles de 81 cm construite à Saclay.
Dans le même temps, il construit au Cern un faisceau de K de 3,5 GeV, ce qui lui permet d’acquérir la technique des compteurs Tcherenkov, qu’on retrouve tout au long de son activité.
Il soutient sa thèse en janvier 67 puis décide de quitter les chambres à bulles pour s’orienter vers les techniques de détection électroniques.
UN PARTISAN DE L’AUTOGESTION
À cette fin, il obtient une bourse au Cern, mais c’est 1968 et Patrick abandonne le Cern. Il y reviendra six semaines plus tard, pour participer à Paris à la « révolution ». Le soutien aux actions de 68 est essentiel pour ce physicien aux tendances anarchistes, il en sera profondément marqué.
Il porte les cheveux longs et la barbe longue, et, devenu directeur du laboratoire, il y introduit l’autogestion.
À LA TÊTE DU LPNHE‑X
Bernard Grégory, directeur du Cern de 65 à 70, prend la succession de Leprince-Ringuet au laboratoire qui devient le LPNHEX mais, nommé directeur du CNRS en 73, il remet le labo à Fleury qui le dirige jusqu’en 84.
Dans ce rôle, Fleury montre son talent d’entrepreneur, lançant des projets et luttant avec fougue. C’est l’époque du transfert à Palaiseau où la recherche à l’École prend une nouvelle ampleur sous la houlette de Pierre Vasseur (50).
Patrick et Pierre lancent la réalisation du Centre de calcul vectoriel de l’X équipé d’un ordinateur Cray (1980). Patrick engage aussi le laboratoire dans le développement de circuits intégrés VLSI (Very Large-Scale Integration).
DE GENÈVE À STANFORD PUIS SACLAY
Dans les années 80, il s’intéresse à l’expérience Delphi, sur le Lep du Cern, où il contribue à un autre détecteur Tcherenkov, le Ring Imaging Cherenkov. En 84, quittant la direction du laboratoire, il s’exile quelques mois au SLAC (Stanford) puis revient travailler à Saclay auprès de l’accélérateur Saturne.
Il mesure avec précision la masse du méson η et expertise aussi le LNS. En 90, il préside le comité scientifique d’évaluation de Virgo et, avec une clarté de vue qu’il eut souvent, soutient très fortement le projet.
ASTRONOMIE GAMMA
Mais l’accomplissement le plus remarquable de Fleury est le développement de l’astronomie gamma de haute énergie en France. La méthode est l’observation du rayonnement Tcherenkov produit par les particules chargées créées dans l’interaction du photon avec l’atmosphère.
Il se familiarise avec la technique à l’Observatoire Whipple, cherchant à mesurer le flux d’antiprotons grâce à l’ombre de la Lune (Artémis) puis engage le laboratoire et une large communauté française dans la construction d’une série de télescopes Tcherenkov : dans un premier temps CAT et Celeste puis HESS en Namibie et CTA en projet.
Mais ces observatoires ne sont efficaces qu’à très haute énergie (TeV) et pour élargir la fenêtre aux énergies plus basses, Fleury associe le laboratoire (devenu Laboratoire Leprince-Ringuet, LLR, en 2001) à un projet SLACNasa, le satellite Glast lancé le 11 juin 2008.
Ce projet a connu de nombreuses péripéties qui ont éclairé sous des angles divers la personnalité hors du commun de Fleury, et il a apporté une moisson de résultats.
PHYSICIEN ET ENTREPRENEUR
Patrick Fleury nous laisse l’image d’un physicien grand entrepreneur, clairvoyant, passionné toujours, foisonnant souvent, mais aussi d’un homme généreux, et son héritage est important pour toute la communauté qu’il a rassemblée autour de projets souvent visionnaires.