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Patrons de PME rurales : un nouveau profil

Dossier : La France a besoin d'entrepreneursMagazine N°549 Novembre 1999
Par Marie-France RAVEYRE
Par Gérard de LIGNY (43)

Sur la base d’une enquête réa­li­sée par un expert asso­cié du CNRS, Marie-France Raveyre, l’AIM­VER a mis en lumière les par­ti­cu­la­ri­tés des PME de haut niveau tech­no­lo­gique, qui se sont implan­tées depuis une quin­zaine d’an­nées en milieu rural.

AIMVER : Asso­cia­tion d’in­gé­nieurs pour la mise en valeur de l’es­pace rural, fon­dée par Gérard de Ligny et Georges Comès (54), 5 quai Vol­taire, 75007 Paris.

Profil des dirigeants fondateurs

Contrai­re­ment aux créa­teurs des années 60 ils ont, pour les deux tiers, une for­ma­tion supé­rieure à bac + 3, et ont débu­té leur car­rière comme cadres sala­riés. C’est aux envi­rons de la qua­ran­taine que le risque d’une PME leur a paru plus attrac­tif que la sécu­ri­té – toute rela­tive – d’une grande entreprise.

Ce ne sont pas des patrons soli­taires. 57 % d’entre eux ont lan­cé leur affaire avec un ou des associés.

Ils n’ont pas prio­ri­tai­re­ment une visée patri­mo­niale : la crois­sance du capi­tal est pour eux une condi­tion de déve­lop­pe­ment plus qu’un moyen d’en­ri­chis­se­ment. C’est essen­tiel­le­ment la pas­sion du mana­ge­ment qui les fait courir.

Stratégie

Ce n’est pas une stra­té­gie de sous-trai­tance plus ou moins cap­tive selon le modèle de nom­breuses PME. Les entre­prises visi­tées ont des pro­duits propres ou une spé­cia­li­té originale.

Sauf excep­tion elles ne pra­tiquent que la pro­duc­tion à l’u­ni­té ou en petite série, avec apport d’in­no­va­tion à chaque commande.

Elles ont donc une stra­té­gie de cré­neau, où le prix compte moins que la qua­li­té et le délai. Ce sont les cham­pionnes des « délais impos­sibles ». Elles ne craignent pas de s’at­ta­quer à des pro­duits de haute tech­no­lo­gie (exemple : sonars), mais sans faire appel pour cette fabri­ca­tion à des équi­pe­ments lourds et très sophis­ti­qués. Elles n’en uti­lisent pas moins des tech­niques avan­cées quand celles-ci leur paraissent payantes, mais en évi­tant les inves­tis­se­ments très spé­cia­li­sés qui rédui­raient leur flexi­bi­li­té. L’ou­til de pointe voi­sine avec la « vieille bécane ».

Relations avec l’environnement

Les inter­lo­cu­teurs quo­ti­diens des PME visi­tées, ce sont leurs four­nis­seurs et leurs clients, où qu’ils se trouvent. C’est par eux qu’ar­rive l’in­for­ma­tion sur les besoins du mar­ché et sur les nou­velles tech­niques. Les rela­tions de proxi­mi­té avec les entre­prises sœurs sont rares : quelques sous-trai­tances pour écrê­ter les pointes de charge, mais pas de mise en pool des com­pé­tences (ce qui témoigne d’un indi­vi­dua­lisme à courte vue).

C’est éga­le­ment chez les four­nis­seurs et les clients que le per­son­nel est envoyé en stages de for­ma­tion, pour l’ac­qui­si­tion de com­pé­tences nouvelles.

Les sources de l’efficacité

Pre­miè­re­ment : la poly­va­lence et l’au­to­no­mie de chaque travailleur
Les sala­riés sont pla­cés suc­ces­si­ve­ment à des postes très divers, sans égard à leur qua­li­fi­ca­tion d’o­ri­gine ; ils connaissent ain­si l’a­mont et l’a­val de leur poste de tra­vail usuel, et enri­chissent leur savoir-faire. Ce qui per­met de deman­der à l’ou­vrier de l’au­to­no­mie et de l’i­ni­tia­tive : une demande qui ne déroute ni les anciens agri­cul­teurs ni les anciens artisans.

Deuxiè­me­ment : la flexi­bi­li­té des horaires
Le temps de tra­vail est souple, les heures tra­vaillées, le soir et le week-end, sont récu­pé­rées au temps des grands tra­vaux agri­coles ou selon les besoins fami­liaux. Les contrats à temps par­tiels sont lar­ge­ment pra­ti­qués. Les réseaux locaux de socia­bi­li­té per­mettent sou­vent à l’ab­sent inopi­né de trou­ver un remplaçant.

Troi­siè­me­ment : l’équipe
L’en­tre­prise est un groupe humain enga­gé dans une lutte pour la réus­site, avec des adver­saires exté­rieurs redou­tables. Le chef d’en­tre­prise n’est ni ter­ri­fiant ni pater­nel : insé­ré lui-même, pour les deux tiers des cas, dans une équipe de direc­tion, il cherche à sus­ci­ter l’adhé­sion au pro­jet com­mun. C’est sa com­pé­tence qui le légitime.

Cette valo­ri­sa­tion de l’au­to­no­mie et de la soli­da­ri­té col­lec­tive entre faci­le­ment en réso­nance avec les valeurs tra­di­tion­nelles du milieu rural.

L’ex­pres­sion des sala­riés, consi­dé­rée comme un fac­teur de pro­duc­ti­vi­té, est donc encou­ra­gée. Les deux tiers des chefs d’en­tre­prises visi­tés ont sus­ci­té la consti­tu­tion d’un comi­té d’en­tre­prise, sans y être léga­le­ment obli­gé ; la moi­tié y ont réus­si. Inutile de dire que l’i­déo­lo­gie par­ti­sane ne pénètre pas dans ces comités.

Est-ce une solution d’avenir ?

Il y a mani­fes­te­ment un ave­nir durable pour les pro­duc­tions indus­trielles à très faible masse cri­tique, récla­mant prio­ri­tai­re­ment des capa­ci­tés d’in­no­va­tion, de fia­bi­li­té et de rapi­di­té d’exé­cu­tion. Il y a donc une place impor­tante à prendre pour les entre­prises tech­no­lo­gi­que­ment évo­luées, entraî­nées par des diri­geants étroi­te­ment solidaires.

Mais l’i­so­le­ment géo­gra­phique de l’en­tre­prise, même atté­nué par les faci­li­tés de com­mu­ni­ca­tions modernes, risque fort de com­pro­mettre à terme son déve­lop­pe­ment et même sa survie.

Il est néces­saire qu’à l’ins­tar des dis­tricts indus­triels savoyards et ita­liens se consti­tue de proche en proche une grappe d’en­tre­prises exer­çant des métiers com­plé­men­taires qui consti­tue un milieu pro­fes­sion­nel por­teur et un pôle d’at­trac­tion tant pour la clien­tèle que pour le personnel.

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